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Après le premier échec de 1955, les responsables du CUCES, qui n’ont pas perdu de vue le projet de faire reconnaître le CUCES comme une fondation, renouvellent leur tentative en mai 1956. M. ROBLOT, chargé par le CA du CUCES de la question des statuts, rencontre un autre Conseiller d’Etat. Mais celui-ci laisse entendre que le Conseil d’Etat refuserait à nouveau de leur donner satisfaction car il s’efforce de limiter la création de trop nombreuses personnes morales de droit public ou privé.53 Les administrateurs

savent également à présent qu’ils doivent renoncer à la reconnaissance d’utilité publique en cas de constitution d’association. Restent deux solutions : l’institut d’université ou l’association simplement déclarée.

Devant l'accroissement et la diversification de son action, et surtout en raison de la sollicitation de fonds publics (dès 1956) pour l'organisation des cours de promotion supérieure du travail, le CUCES peut difficilement continuer à jouer à l'autruche et à œuvrer comme un organisme de fait. Il lui faut avoir pignon sur rue et choisir un statut. Mais le dilemme public/privé n'est toujours pas réglé. C'est alors que va germer dans les esprits des membres du Bureau du Conseil d'Administration, dans sa séance du 8 juin 1956, cette incroyable idée du double statut : puisque le centre de promotion du travail doit recevoir des fonds publics et avoir l'Etat pour tutelle, ils décident de lui donner un statut propre d'Institut d'Université. Mais ils tiennent à garder une autonomie et créent en parallèle une association loi 1901. Ce double statut juridique doit

"permettre [au centre] de recevoir et de gérer avec le maximum de facilité, à la fois

des fonds publics et des fonds privés"54.

Deux exemplaires de statuts sont donc rédigés. Les deux institutions ayant rigoureusement le même objet, déclinés en 4 objectifs (les mêmes que ceux de la fondation CUCES de 1955). Les statuts de l'Institut CUCES, plus classiques que ceux de l'Association du CUCES, diffèrent sur un point : le collège des membres cooptés disparaît. L'étonnant ne réside pas tant dans le choix de deux organismes-supports, puisque c'est même la formule officiellement recommandée par l'Etat55, mais dans

53 Conseil d’administration du 13 février 1957.

54 CR de la réunion du Bureau du CA du 8 juin 1956 (Compte rendu confidentiel)

55 La circulaire du 26 mars 1958 dont l'objet est de détailler les principes, organisation et méthodes

de la promotion supérieure du travail, juge comme "particulièrement appropriée" la formule juridique qui consiste à coupler un institut d'université avec une Association de la loi 1901 : "L'Association conforme à la loi de 1901 permet d'associer à la promotion supérieure du travail de

nombreux représentants du secteur privé. Elle a en outre l'avantage de la souplesse : elle peut recevoir des subventions de l'Etat et des collectivités publiques ; elle permet de rétribuer sans difficultés les différents collaborateurs". BOEN n° 15 du 3 avril 1958

l'acharnement qui est mis, dès le début et pendant les 12 années qui vont suivre, à les confondre en un seul, à nier leurs réalités juridiques distinctes :

"Afin de conserver au Centre son unité, les Membres du Bureau se sont attachés à

donner aux deux institutions légales des structures d'ensemble analogues et une composition identique de leurs différentes assemblées. Le centre continuera à être connu par son signe C.U.C.E.S.. Il ne deviendra "Institut" ou "Association" que lorsque cette distinction sera susceptible de favoriser telle ou telle démarche" (sic)56.

La décision du double statut est entérinée par l’Assemblée Générale du 13 février 1957 à l’unanimité moins une abstention. Une seule réticence se fait jour à travers la personne de M. WOLF, représentant M. ARDANT, Directeur du Commissariat à la Productivité :

« Celui-ci demande la parole pour déclarer qu’aux yeux du Commissariat à la Productivité, la nécessité d’une création conjointe de deux organismes juridiques différents n’est pas évidente. Il fait part aux membres du Conseil du désir exprimé par M. ARDANT de voir ceux-ci renoncer à la création de l’Association et de ne conserver que l’Institut d’Université ».57

Ce à quoi le Recteur MAYER, le Président ARNAUD et le Président GRANDPIERRE s’empressent de répondre d’une même voix et au nom du Conseil, que :

« s’il s’était avéré possible de ne créer qu’un seul organisme, sans aucune hésitation, ils auraient opté pour l’Association déclarée afin de conserver au centre son rôle neutre et indépendant de liaison entre l’Université et l’Industrie ».

Ils demandent à M. WOLF de transmettre à M. ARDANT « tous apaisements » concernant ce point.

Ainsi donc, c'est le Recteur MAYER qui est Président du CUCES (ni Institut, ni Association ou les deux à la fois) et le Président ARNAUD qui en est son Vice-Président et Trésorier. Pour l'anecdote notons que l'encart de déclaration de l'ACUCES au Journal Officiel du 13 mars 1957 lui-même ne mentionne pas le mot « Association ». C'est manifestement une erreur d'un employé aux écritures puisque l'intitulé complet « Association du Centre Universitaire de Coopération Economique et Sociale » figure bien sur la lettre de déclaration envoyée à la Préfecture de Meurthe-et-Moselle.

Par la suite, le fait est confirmé par tous les textes d'archives, aucun soin ne sera pris, pour démêler cette imbrication du moins jusqu'en 1969 où sous la pression de la Cour des Comptes et de l'Université de Nancy, les deux organismes seront contraints à se désunir (déchirer) et à poursuivre leur vie de manière autonome. Jusqu’à ce divorce, le

56 Compte rendu de la réunion du Bureau du CA du 22 novembre 1956 57 Compte rendu de l’Assemblée Générale du 13 février 1957, p. 3

sigle « ACUCES » ne sera quasiment jamais employé. Le CUCES, dans tous les esprits, y compris dans ceux de ses propres salariés58, est l’organisme qui gère à la fois la PST et

toutes les actions diversifiées qui verront le jour par la suite. Ceci explique pourquoi je n’utiliserai moi-même le sigle « ACUCES » qu’à partir des années 68-69.

Toutefois imbrication n’est pas synonyme de confusion totale comme certains ont pu le reprocher par la suite. Ainsi dans la présentation des comptes financiers aux instances officielles (CA ou AG), les deux institutions réapparaissent sur le papier avec un compte d’exploitation « Institut CUCES » et un autre « Association ». C’est un point important car il est manifeste que dans l’esprit des administrateurs du CUCES il n’était pas question de « duper l’Etat » ou de détourner quelque argent que ce soit, mais bien de profiter à fond de toutes les possibilités laissées ouvertes par le système existant.

Le même Monsieur WOLF, au cours de l’Assemblée Générale du 13 février 1957, pose également la question de la représentation des syndicats dans les instances du CUCES. Le sujet est très vite écarté sous le prétexte que « différentes centrales sont déjà pressenties pour participer à une commission ». En effet, l’année précédente, dans le cadre de mise en place de la PST, le Bureau a réfléchi à la participation des syndicats, mais pas aux instances dirigeantes et avec un rôle « purement technique » :

« Comme il apparaît difficile, sinon impossible, en l’état actuel des choses, de faire entrer au Conseil d’Administration les représentants des quatre syndicats, le Comité de Direction propose au Bureau de constituer dès maintenant les jurys d’examens qui délivreront dans trois ans les diplômes. Ces jurys pourraient être dotés d’une structure tripartite (professeurs, représentants des syndicats, CUCES) auraient un rôle purement technique et pourraient être de temps en temps réunis à titre consultatif sur des problèmes de programme ».59

En fait, la volonté de faire participer les syndicats apparaît comme une manœuvre purement stratégique qui doit permettre d’influencer favorablement les représentants syndicaux sur la promotion du travail :

« Depuis le mois de février, date de la première campagne de publicité autour des programmes de Promotion du Travail, les syndicats ouvriers n’ont manifesté ni hostilité ni approbation à leur égard. Cette réserve peut être diversement interprétée, mais rien ne permet de penser qu’elle durera longtemps. Il est même vraisemblable que dans la mesure où nos cours atteindront un public de plus en plus vaste (...) les organisations syndicales se croiront obligées d’adopter une

58 Ils n’avaient en effet pas toujours conscience de l’existence de deux institutions. Ceci m’a été

confirmé par plusieurs entretiens menés auprès d’anciens cadres du CUCES.

position de principe. Il dépend peut-être d’une démarche prochaine du centre que cette attitude future soit positive ».60

Cette démarche étant la création de la commission d’examen comprenant des représentants de l’enseignement supérieur, de l’enseignement technique, du secteur industriel et des syndicats. En avril 1957 la CGT-FO et la CGC acceptent de se faire représenter à cette commission. La CFTC réserve encore sa réponse. Il n’est pas question des représentants de la CGT. Plus tard, en 1958, le Recteur MAYER faisant le point sur la situation de la PST souligne tout l’intérêt que représente la campagne de publicité entreprise par le CUCES pour accroître l’effectif des auditeurs et se demande si une participation plus directe des représentants des syndicats à l’œuvre entreprise ne serait pas de nature à favoriser le recrutement. La position du CUCES sur ce point n’a donc pas varié. La participation syndicale n’est recherchée qu’à titre d’apport « publicitaire ». Aucun débat ne transparaît dans les textes que j’ai retrouvés sur une présence syndicale aux instances dirigeantes. Il faudra en fait attendre mars 1969 pour que les syndicats fassent leur entrée au Conseil d’Administration du CUCES...