Deux écoles distinctes : l’analyse et l’optimisation des filières et l’écologie 2.1.1.
industrielle
Les articles de ce type de représentation décrivent le métabolisme en termes de flux de matières entre les différents agents économiques. On distingue deux formes idéales : (1) une représentation linéaire, la chaîne d'approvisionnement sur laquelle les acteurs sont répartis en fonction de leur place dans le processus de production (« du berceau à la
tombe26 », ou de l'extraction des ressources à la gestion des déchets) et (2) le cercle parfait
dans lequel tout déchets représente une ressource : la symbiose industrielle (« du berceau
au berceau »).
L’analyse de l’optimisation des filières
Ces études portent sur les organisations impliquées dans la production d'un produit, de l'extraction des ressources à la livraison du produit fini au consommateur (ou au-delà). Elles adoptent un point de vue fonctionnel et distinguent les processus en fonction de leur rôle joué dans la chaîne comme par exemple la production, la transformation ou la distribution. Seuls les acteurs économiques, considérés à plusieurs échelles (des entreprises individuelles locales aux chaînes d'approvisionnement mondiales) sont pensés comme des fonds. L’étude des flux s’appuie sur l'analyse du cycle de vie (ACV) ou l'analyse des flux de matières (AFM).
L'objectif normatif consiste en l’optimisation d’un système de production. L’environnement et les écosystèmes sont pris en compte a minima, au travers de la notion d’externalité. En termes opérationnels, l’objectif est d'aider les agents économiques à limiter les impacts environnementaux (par exemple, l'extraction des ressources, les déchets, la pollution ou l'empreinte carbone), tout en maintenant ou en favorisant les performances économiques. Les résultats sont destinés à être discutés directement avec les décideurs, principalement les entreprises, mais aussi les associations commerciales ou sectorielles.
Par exemple, Kulak et al., (2016) ont analysé la chaîne d'approvisionnement du pain en utilisant une ACV pour générer des scénarios avec des experts lors d'un atelier de conception en collaboration, puis ont discuté des scénarios avec les agriculteurs sur la base d'une boucle de rétroaction. Blengini & Busto, (2009) ont examiné les impacts environnementaux des systèmes alternatifs de production de riz utilisant l'ACV et ont proposé leurs résultats comme outil de communication entre les fournisseurs et leurs clients.
26 L’expression “From cradle to grave”, en opposition au “from cradle-to-cradle” représente une
Chapitre.VI. Pluralisme des représentations du métabolisme socio-économique et des programmes d’écologisation associés
L’écologie industrielle
L'écologie industrielle découle de l'analogie de Ayres & Ayres, (2002) entre les écosystèmes des sciences écologiques et de l'industrie. Les flux consistent en des produits ou substances, alors que les fonds représentent des agents économiques à différentes échelles. Ils peuvent représenter un agent individuel (Chance et al. 2018), une synergie entre deux installations (Zabaniotou et al., 2015), ou un grand réseau d'agriculteurs ou d'industries (Frone & Frone, 2017; Nowak et al., 2015).
L'objectif normatif de ces approches est de « fermer la boucle » des matériaux et des substances. Les écosystèmes naturels sont proposés comme modèles pour les activités industrielles : « Notre système industriel se comporterait comme un écosystème, où les
déchets d'une espèce sont une ressource pour une autre espèce. Les résultats d'une industrie [seraient] les intrants d'une autre, réduisant ainsi l'utilisation de matières premières et la pollution » (Frosch & Gallopoulos, 1989). La vision paradigmatique des systèmes
industriels durables se caractérise par des échanges physiques minimisés avec l'environnement (Wassenaar, 2015). Le système industriel parfait n’entretiendrait aucune relation avec le reste de l’écosystème, en ne prélevant aucune ressource dans la nature, ni ne produisant aucun déchet.
En termes opérationnels, les chercheurs travaillent régulièrement en étroite collaboration avec les entreprises et les opérateurs. Ils sont impliqués dans le choix des orientations de recherche et font l'objet d'une attention particulière en termes de traduction des résultats. L'optimisation de l'utilisation des ressources est souvent considérée comme synergique avec la performance économique (ou la rentabilité). Les chercheurs cherchent à fournir des données ou des outils qui permettent aux entreprises de mieux gérer les interactions au sein de leur écosystème économique.
Des écoles qui s’inscrivent largement dans la continuité de la modernisation 2.1.2.
L’écologie industrielle (EI), comme l’analyse et l’optimisation des filières s’inscrit dans la continuité de la modernisation en termes de représentation. Le terme de « modernisation » est même parfois explicitement mentionné : L’EI est considérée comme partie prenante d’une « modernisation écologique » (Huber, 2000). Le métabolisme y est représenté sous la forme de flux de ressources matérielles, alors que seuls les humains (et particulièrement les entreprises) sont considérés comme des fonds. Toutes deux font référence de manière appuyée à la chimie, notamment aux flux de substances, et à leur quantification. En termes d’échelles, l’opposition local/global est largement présente. Si les représentations globales ou à grande échelle restent très présentes, en particulier dans l’analyse des filières, le « retour » au local prend une place de plus en plus importante dans les études d’EI.
En termes d’objectifs d’action, les notions de rationalisation, d’optimisation ou de bouclage des flux sont souvent invoquées. On retrouve assez clairement le dualisme nature/culture : l’objectif est souvent de limiter les liens entre le système de production (humain) et l’environnement naturel, que cela soit en termes d’extraction de ressources, de pollutions. Les acteurs économiques et notamment les entreprises industrielles sont considérées comme les acteurs les plus importants.
Chapitre.VI. Pluralisme des représentations du métabolisme socio-économique et des programmes d’écologisation associés