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Trois écoles distinctes : les écologies sociale, marxiste, territoriale et urbaine 2.2.1.

L’écologie sociale

Dans cette école de pensée, les articles sont généralement des descriptions approfondies des changements métaboliques et des études dynamiques, prenant en compte l'évolution des systèmes agricoles. Ils se concentrent sur des espaces à grande échelle comme les pays ou les régions, et les relient à de vastes analyses historiques telles que les transitions socio-écologiques à long terme. Les flux représentent les matériaux (par exemple, la production de biomasse et l'appropriation de la production primaire nette d'un pays (Kohlheb & Krausmann, 2009)), l'énergie (par exemple, le compte systémique du budget carbone d'une nation, comprenant les flux de carbone socio-économiques ainsi qu'écologiques dans une série chronologique historique (Cusso et al., 2006; Erb, 2012)). Ces représentations en « boîte noire » ne décrivent pas les agents ou les fonds en tant que tels (dir. Frankova, 2017). Les populations humaines et non humaines, comme le bétail, les infrastructures ou l'utilisation des terres sont considérées comme des stocks (Fischer-Kowalski & Rotmans, 2009).

En termes d’objectif normatif, les chercheurs visent la durabilité de l'utilisation des ressources ou la résilience des sociétés. Ils s'intéressent à la taille du métabolisme et, plus ou moins explicitement, cherchent à réduire sa taille à un niveau durable. En termes opérationnel, les chercheurs ne donnent aucune indication sur ce qui devrait être fait comme par exemple sur la manière dont la gouvernance mondiale des flux pourrait être mise en œuvre dans le monde réel.

L’écologie marxiste

Ces articles explorent une série de thèmes liés au métabolisme inspirés des théories de Marx. L'accent est mis sur les mêmes échelles que celles de l'écologie sociale comme par exemple, les stocks et les flux de matières agricoles dans une région donnée, ou des transformations à long terme, bien que l'analyse quantitative des flux soit souvent plus succincte. Ce qui pourrait agir sur le métabolisme et, par conséquent, sur le système capitaliste, est rarement décrit. Les descriptions marxistes du métabolisme sont, selon Georgescu-Roegen (1971), du type stocks et flux. La capacité des agents individuels à agir dans le système n'est pas centrale, les individus y sont rarement décrits comme des fonds (Gunderson, 2011). Pour analyser les flux, les auteurs s'appuient explicitement sur des concepts marxistes tels que le rift métabolique. Ce concept fait référence à la rupture entre l'humanité et la nature et, dans une moindre mesure, entre la ville et la campagne (Foster, 2000; Moore, 2011).

L'objectif normatif revendiqué est de changer le système vers plus de justice sociale ou environnementale. Pour proposer une alternative et soutenir leurs arguments, plusieurs auteurs s'appuient sur des comparaisons avec des économies non capitalistes, par exemple Cuba (Clausen et al., 2015). En termes opérationnels, les chercheurs proposent des

Chapitre.VI. Pluralisme des représentations du métabolisme socio-économique et des programmes d’écologisation associés

analyses critiques, visant à générer une opposition sociale. La question du métabolisme social est associée aux luttes pour la justice environnementale portées par la société civile (Martinez-Alier et al., 2010).

L’écologie territoriale et urbaine

L'écologie urbaine et territoriale décrit les flux à l'échelle locale tels que les territoires ou les villes. Barles et al. (2007) analysent l'interaction métabolique entre Paris et la Seine à l'époque industrielle. À ces échelles, les autorités locales, les agents économiques, les populations et les êtres vivants sont décrits comme des agents actifs et des fonds. Cela donne lieu à des analyses des acteurs parfois inscrites dans un contexte historique plus large. Les institutions et structures politiques à l'échelle de la ville ou d’un territoire représentent de véritables fonds, stables, durables et agissants. D'autres niveaux sont également décrits : les niveaux inférieurs (entreprises individuelles, société civile), ou les niveaux supérieurs (changements dans le paysage technologique ou économique, planification par l'État). Dans un ouvrage collectif, Buclet et al. (2015) décrivent différents sous-systèmes au sein d'un territoire (système agroalimentaire, système de création de richesse, etc.) et en expliquent les dynamiques à la lumière de facteurs globaux et locaux. L’objectif normatif est de produire des analyses et des représentations à l'échelle des acteurs locaux afin de parvenir à un développement durable du territoire, qui passe par une prise en compte des enjeux économiques, sociaux, et environnementaux. Cette transformation peut passer par exemple par la relocalisation des flux, le développement de systèmes alimentaires territorialisés (SAT), ou l’intérêt porté pour le champ de l’économie sociale et solidaire (ESS). Les termes et concepts utilisés sont souvent très proches de ceux utilisés par les agents administratifs, ce qui facilite les échanges.

Des écoles de pensée qui questionnent partiellement la modernisation, sans 2.2.2.

remettre en cause ses fondements

Les écologies sociale, marxiste ou territoriale et urbaine ont une position ambigüe par rapport à la modernisation. Elles la questionnent assez largement en termes d’objectifs, mais beaucoup moins en matière de modes d’action ou de représentations.

Les flux représentent une circulation de ressources matérielles ou de substances, dans une référence marquée à la chimie et aux sciences biophysiques. Ces flux circulent entre des espaces administratifs ou des compartiments biophysiques. On observe à ce titre une séparation assez nette entre ce qui relève du domaine de la nature (l’environnement naturel, les cycles naturels) et le domaine de la culture (la société, les échanges économiques) qui sont traités de manière distincte. Les écologies sociale et marxiste accordent une grande importance aux représentations globales, à l’échelle de la planète, des continents ou des pays. La descente d’échelle et notamment la recherche d’un retour à l’échelon local représente aujourd’hui une tendance forte, notamment dans le cadre de l’écologie territoriale et urbaine.

En termes d’action, les objectifs d’optimisation et de rationalisation restent centraux, même s’ils sont souvent complétés par d’autres objectifs sociaux, de justice sociale, etc. Les

Chapitre.VI. Pluralisme des représentations du métabolisme socio-économique et des programmes d’écologisation associés

acteurs considérés sont essentiellement des acteurs humains, mais à la différence des représentations centrées sur les agents économiques, une diversité d’acteurs individuels et institutionnels sont évoqués : la société civile notamment.

Des représentations multi-facettes et composites qui contribuent à une