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Du projet de la Commission du Droit International

L’adoption du Statut de Rome sur la CPI en 1998 est le résultat d’un long processus qui a débuté au lendemain de la seconde guerre mondiale avec les procès des « grands criminels » japonais et nazis. Après les procès de Nüremberg, l’importance de son Statut et les principes qu’il élabora avaient fortement convaincu les Etats de leur importance dans la lutte sans discrimination contre l’impunité des plus hauts dirigeants, et ce afin de prévenir l’humanité de nouvelles tragédies. Le SGNU d’alors, dans un rapport complémentaire sur les activités de l’Organisation (A/65/Add.1) présenté le 24 octobre 1946 soulignait notamment : « dans l’intérêt de la paix et afin de protéger l’humanité contre le risque de nouvelles guerres, il était essentiel d’intégrer aussitôt que possible et définitivement dans le droit international les principes appliqués aux procès de Nüremberg ».

À la suite du Secrétaire général des Nations Unies ; le 15 novembre 1946, la délégation des Etats-Unis, après le jugement du 1er octobre 1946 du TMI de Nüremberg invitera l’AGNU à confirmer « les principes de droit international reconnus par le Statut du Tribunal de Nüremberg »309.Les Etats-Unis interviennent à nouveau, cette fois auprès de la Commission pour le developpement progressif du droit international et sa

309La Résolution 95(I) adoptée le 11 décembre 1946 par l’AGNU, à l’initiative de la délégation américaine, fait suite au jugement du TMI de Nuremberg du 1e octobre 1946 par lequel le Tribunal condamna douze accusés nazis à la peine capitale et sept autres à des peines privatives de liberté allant de 10 ans à la perpétuité.

codification310(CDI), en l’invitant « à considérer comme une question d’importance capitale les projets visant à formuler les principes reconnus dans le Statut du Tribunal de Nüremberg et dans le jugement de ce tribunal dans le cadre d’une codification générale des crimes commis contre la paix et la sécurité de l’humanité ». Le 21 novembre 1947, l’AGNU adopte la résolution 177(II), lors de sa cent-vingt-troisième séance plénière par laquelle elle confie officiellement à la CDI la charge de « formuler les principes de droit international reconnus par le Statut de la Cour de Nuremberg et dans l'arrêt de cette Cour, et préparer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, indiquant clairement la place qu'il convient d'accorder aux principes (…) »311. Une année après le mandat conféré à la CDI par la résolution 177(II), le 9 décembre 1948 lors de l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, l’AGNU invite la CDI « à examiner s’il est souhaitable et possible de créer un organe judiciaire international chargé de juger les personnes accusées de crimes de génocide ou d’autres crimes qui seraient de la compétence de cet organe en vertu des conventions internationales »312 ; et, en procédant à cet examen, « à accorder son attention à la possibilité de créer une chambre criminelle de la Cour internationale de Justice ».

Ainsi, deux grandes missions furent confiées par les différentes résolutions à la CDI, en plus de la formulation des principes de Nüremberg : celle d’étudier la possibilité de créer une Cour criminelle internationale, et celle d’élaborer en parallèle un Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Pour mener à bien ce travail, la CDI procède à la nomination de deux rapporteurs spéciaux ; Ricardo Joaquin ALFARO et Alfred Emil Frederik SANDSTRÖM durant sa session préliminaire en 1949. Ces personnalités ont été invitées par la Commission à fournir un plan de travail313 sur la question, tâche à laquelle elle s’attela l’année suivante à l’occasion de la seconde session. Examinant les rapports présentés par les experts, la Commission est arrivée à la conclusion que, la création d’un organe judiciaire international chargé de juger les personnes accusées du crime de génocide ou d’autres crimes était à la fois « souhaitable et possible ». Sur ce constat, l’Assemblée générale adopte le 12

310 La proposition de création de la CDI est venue de la délégation des Etats-Unis, Res 94(I), mais la création effective est le fait de la Résolution 174 (II), de l’AGNU.

311 AGNU, résolution 177(II), Formulation des principes reconnus par le Statut de la Cour de Nüremberg et dans l’arrêt de cette Cour.

312 Résolution 260 B (III) du 9 décembre 1948.

décembre 1950 la résolution 489 (V) pour mettre sur pied un Comité d’experts314 chargé de formuler des propositions concrètes concernant « la création et le statut d’une cour criminelle internationale ». Le Comité établit un rapport accompagné du Statut qui fut transmis pour observation aux gouvernants. Cependant, en l’absence de réactions des gouvernements sur le projet, l’AGNU va décider par une nouvelle résolution315

de créer un nouveau comité qui s’est réuni au siège des Nations Unies au cours de l’été 1953. Ce nouveau comité avait trois objectifs : examiner les incidences et les conséquences de la création d’une cour criminelle internationale, ainsi que les diverses méthodes qui pourraient être adoptées à cette fin ; étudier les relations de cette cour avec l’Organisation des Nations Unies et ses organes, et ; examiner à nouveau le projet de statut. Le rapport du Comité sera soumis à l’Assemblée générale à sa session de 1954. Cependant, l’Assemblée générale, par sa résolution 898 (IX) du 14 décembre 1954 décide d’attendre d’avoir examiné le rapport du Comité spécial qui aura pour mandat de définir l’agression et d’être revenue au projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, avant d’étudier la question d’une juridiction criminelle internationale.

En effet, il est vite apparu, étant donné que la question d’une cour criminelle était liée à la fois à la définition de l’agression et à celle du projet du code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, l’Assemblée devrait attendre, pour l’étudier, d’avoir repris l’examen de ces deux questions. Ainsi, l’Assemblée générale procède à la suspension de l’examen de la question de la création d’une juridiction criminelle internationale dans sa résolution 1187 (XII) du 11 décembre 1957, après avoir au préalable pris note du rapport du comité saisi du rapport du comité spécial. Cette période de suspension qui va durer tout le long de la guerre froide, va prendre fin en 1974 par l’adoption d’une définition de l’agression316 par l’AGNU. L’adoption d’une définition du crime d’agression conjuguée à la fin de la guerre froide favorisera la reprise du processus (projet) de création d’une Cour criminelle internationale

(Paragraphe I). C’est ce processus qui aboutit en 1998 à la Conférence diplomatique des

plénipotentiaires de Rome (Paragraphe II).

314 Ce comité de représentants de dix-sept Etats membres qui s’est réuni à Genève en août 1951 a établi un projet de Statut pour une cour criminelle internationale qui proposait de faire de la Cour un organisme permanent qui ne siègerait que dans la mesure où les affaires lui seraient soumises.

315 Résolution 687 (VII) du 5 décembre 1952.

Paragraphe I : Le processus de création d’une Cour criminelle