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Paragraphe II : La conférence internationale plénipotentiaire de Rome

B- L’apport du comité préparatoire

Dans sa résolution 51/207 du 17 décembre 1996, l’Assemblée générale a confirmé le mandat du comité préparatoire et prévu qu’il siègerait en plusieurs sessions348

, pour conclure la rédaction du texte de synthèse susceptible d’emporter une adhésion massive des Etats, et présentable à la conférence diplomatique. À la demande de l’AGNU, le Secrétaire général de l’ONU fournit au comité les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Durant sa première séance tenue au cours de la période allant du 25 mars au 12 avril 1996, le comité

346 A/AC.244/1, para.13, pp.4-5.

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A/RES/50/46 du 11 décembre 1995.

préparatoire procède à l’élection de son bureau présidé par Adriaan BOS des Pays-Bas. Mais les travaux du comité débutent in concreto à la 23e séance le 10 avril, lorsque le Président présente une liste de questions à examiner349. Pour mener sa mission à son terme conformément à la résolution 50/46 de l’Assemblée générale en date du 11 décembre 1995, le comité préparatoire repartît ses travaux entre différents groupes de travail selon des thématiques lors de 54ième séance350 du 1e décembre 1997. Outre le projet de statut d’une cour criminelle internationale adopté auparavant par la CDI, le Comité préparatoire était saisi du rapport du Comité ad hoc pour la création d’une cour criminelle internationale.

Parmi les questions discutées, nous relèverons celles soulevées par les délégations de même que leurs positions concernant d’une part les crimes relevant de la compétence de la cour ; d’autre part, celles relatives à la responsabilité personnelle et à la non-pertinence de la qualité officielle. S’agissant de la responsabilité personnelle pour les crimes relevant de la cour, une unanimité se dégageait au sein des délégations pour criminaliser aussi bien les actes consistant à la préparation du crime, que ceux consistant à l’incitation ou à la fourniture d’aide et d’assistance à l’auteur matériel en vue de le commettre, qui souhaitaient les voir figurer dans le statut351. Tout comme le principe de la responsabilité pénale individuelle pour les crimes internationaux considérés, celui de la non pertinence de la qualité officielle n’a pas fait l’objet d’un long débat; car, « compte tenu des précédents des autres tribunaux de Nüremberg, Tokyo, Yougoslavie, Rwanda, les délégations étaient favorables à l’idée d’exclure du statut toute possibilité d’invoquer la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement ou de haut fonctionnaire d’un gouvernement, cette qualité ne devant pas exonérer un accusé de sa responsabilité pénale »352. Quant aux crimes relevant de la compétence de la cour, la plupart des délégations était d’avis que ceux-ci, du fait de leur particularité devaient faire l’objet d’une définition assez claire, afin d’éviter toute ambigüité susceptible d’interprétation partisane du statut par les Etats parties et les futurs adhérents. Il s’agissait à travers cette clarification d’éviter tout empiètement sur la compétence des juridictions nationales ; quand d’autres estimaient que le statut devait rester un « simple instrument de procédure ». Ces délégations craignaient surtout que des définitions trop détaillées ne fassent « double emploi avec les travaux de la Commission du droit international sur le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité ou n’empiètent sur

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A/AC.249/1

350 Séance ténue du 1e -12 décembre 1997.

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A/AC.249/1, para.88.

ces travaux ». Mais le but visé par les délégations en optant pour une définition détaillée, exhaustive était de faire respecter le principe de la légalité criminelle et les droits de la défense. Mais cette méthode était loin d’être partagée par toutes les parties. En effet, pour ces dernières, des définitions trop détaillées des infractions risqueraient de restreindre fortement la compétence de la cour, raison pour laquelle il était souhaitable de « conserver une certaine souplesse pour permettre le développement continu du droit ».

En outre, certains représentants étatiques souhaitaient qu’il soit bien précisé en quoi consistaient exactement le crime de génocide ; le crime d’agression ; les violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés et les crimes contre l’humanité ; et s’opposaient à tout renvoi aux instruments juridiques existants tel qu’il ressort du projet de code de crime contre l’humanité, dans l’optique d’écarter toute ambigüité. Cette approche avait pour objectif d’éviter aussi dans un futur proche que les futurs Etats parties à ces instruments juridiques ne puissent contester lesdites définitions353. Ainsi, à l’occasion de la cinquante-quatrième séance du 1e décembre 1997, le comité décide de répartir des activités en différents groupes de travail dirigés chacun par un président. Ces groupes de travail avaient pour tâche d’élaborer des avant projets d’articles sur la définition des crimes d’une part ; et d’une part sur des principes généraux de droit pénal354.

Lors de sa session tenue du 11 au 21 février 1997355, le Comité préparatoire a pris note des rapports du Groupe de travail sur la définition des crimes et du Groupe de travail sur les principes généraux du droit pénal et les peines. Leurs travaux respectifs devaient aboutir à un projet de texte de synthèse portant création d’une cour criminelle internationale. Ainsi durant cette même session, le groupe de travail sur la définition des crimes de guerre fît des recommandations concernant des crimes au comité préparatoire qui, pour certains devraient figurer dans le projet de texte de synthèse ; il s’agit du crime de génocide356

et des crimes contre l’humanité357. Pour d’autres, le groupe recommande un examen plus approfondi pouvant aboutir à leur inclusion pour une date ultérieure : les crimes de guerre358 et le crime

353

A/AC.249/1, para.12-16.

354 Groupe de travail sur la définition et les éléments constitutifs des crimes, présidé par M. Adriaan Bos ; Groupe de travail sur les principes généraux du droit pénal, présidé par M. Per Saland ; Groupe de travail sur les questions de procédure, présidé par Mme Silvia Fernandez de Gurmendi ; Groupe de travail sur la coopération internationale et l'assistance judiciaire, présidé par M. Piete Kruger ; et Groupe de travail sur les peines, présidé par M. Rolf Einar Fife.

355 A/AC.249/1997/L.5 356 A/AC.249/1997/WG.1/CRP.1 et Corr.1 357 A/AC.249/1997/WG.1/CRP.5 et Corr.1 358 A/AC.249/1997/WG.1/CRP.2 et Corr.1

d’agression359

. Ces crimes, comme on peut le voir sont des « classiques » qui figuraient déjà dans les statuts des TMI et des TPI, font par ailleurs l’objet d’un certain consensus quant à leur nature de crimes internationaux, justiciables des juridictions internationales, et qui excluent le bénéfice de l’immunité pour leurs auteurs.

Cependant, les crimes « classiques » ne furent pas les uniques à faire l’objet d’un examen par le groupe de travail sur le sujet. En effet, une seconde catégorie de crimes internationaux a été examinée ; il s’agit des crimes de terrorisme ; des crimes contre le personnel des Nations unies et le personnel associé et ; les crimes liés au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes360. Mais leur examen n’a été fait « qu’en termes généraux [le groupe de travail] n’ayant pas eu le temps de les traiter de manière aussi exhaustive que les autres crimes »361.

Le second groupe de travail sur les principes généraux du droit et les peines, a défini un certain nombre de principes à inclure dans le projet de texte de synthèse dont le principe de la responsabilité pénale individuelle ; la responsabilité du supérieur hiérarchique ; le défaut de pertinence de la qualité officielle. D’ailleurs le libellé de ce second principe tel que rédigé par le groupe de travail ne comporte de différence par rapport au texte actuel de l’article 27 du statut de Rome tel qu’adopté à l’issue de la conférence diplomatique des plénipotentiaires. En effet, le texte présenté par le groupe de travail sur les principes généraux de droit pénal et les peines dispose : « 1. Le présent Statut s’applique à tous sans discrimination d’aucune sorte : la qualité officielle d’une personne, soit comme chef d’État ou de gouvernement, soit comme membre d’un gouvernement ou d’un parlement, soit comme élu, soit comme agent de l’État, ne l’exonère en aucun cas de sa responsabilité pénale en vertu du présent Statut, pas plus qu’elle n’est [en soi] un motif de diminution de la peine. 2. Les éventuelles immunités ou règles de procédure spéciales attachées à la qualité officielle d’une personne, que ce soit en vertu du droit interne ou du droit international, ne peuvent être invoquées pour empêcher la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne »362

. En comparant cette disposition avec le libellé du texte de l’article 27 du statut de Rome de la CPI adopté plus tard, on constate une différence notable entre ceux-ci. En effet, hormis les expressions en italique363 qui sont de notre fait, et quelques différences grammaticales ne figurant plus dans 359 A/AC.249/1997/WG.1/CRP.6 et Corr.1 360 A/AC.249/1997/L.5, pp.16-17. 361 A/AC.249/1997/L.5, p.16. 362 A/AC.249/1997/L.5, p.22.

363 L’expression entre les crochets est le fait du groupe de travail pour signifier que cette dernière est encore incertaine et toujours sujette à discussion entre les délégations.

le texte de l’article 27 sur le défaut de pertinence de la qualité officielle du statut de la Cour pénale, l’esprit du texte présenté par le groupe de travail en 1997 ne diffère pas du texte actuel. Dans sa résolution 52/160 du 15 décembre 1997, l’Assemblée générale pria le comité préparatoire de poursuivre ses travaux conformément au mandat reçu de sa résolution du 17 décembre 1996 (51/207) et de communiquer à la conférence le texte d’un projet de convention portant création d’une cour pénale internationale. Durant son ultime session qui s’est tenue du 16 mars au 3 avril 1998, le Comité qui fut réparti en groupes de travail sur différentes thématiques364 sera saisi d’un texte de synthèse établi par le Bureau de la Commission et des coordonnateurs, à partir de tous les textes qu’il avait rédigés ou qui lui avaient été présentés, comme de base de travail. Lorsque la conférence diplomatique365 fut ouverte, l’AGNU émit des invitations à tous les États Membres de l'ONU ou membres d'institutions spécialisées ou de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Cette conférence avait pour mandat d'achever et d'adopter une convention portant création d'une cour criminelle internationale.

Ainsi, la méthodologie de travail du comité préparatoire a permis de fournir relativement vite, un texte de synthèse pour cette conférence diplomatique qui fut adopté ; certes avec des différences par rapport au texte de synthèse rendu par le comité, mais il n’en demeure pas moins que le statut qui est résulté reprenait les principes d’absence d’immunité pour les dirigeants politiques, dont les chefs d’État en exercice à l’article 27; la responsabilité individuelle pour crimes internationaux, qui sont de grands principes posés depuis le Traité de Versailles, les Statuts des TMI et TPI. Concernant le principe de la responsabilité individuelle, il est posé par le Statut de Rome à l’article 25 et demeure le pilier central de la politique criminelle du Procureur de la Cour pénale internationale. Cependant, en dépit de la qualité des principes que l’on peut élaborer, que serait leur efficacité s’ils ne pouvaient s’appliquer qu’à un nombre très limité d’individus ou, si les compétences ratione loci et ratione temporis de la juridiction qui est sensée appliquer lesdits principes sont réduites ? S’étant instruits des lacunes des juridictions internationales précédentes, les rédacteurs du Statut de Rome, durant le processus d’élaboration du projet du Statut par la CDI vont œuvrer pour une juridiction avec des compétences les plus étendues, une juridiction à vocation universelle.

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Huit thématiques ont été abordées par les groupes de travail : Questions de procédure ; Composition et administration de la cour ; Institution de la Cour et lien de la Cour avec l’ONU ; ne bis in idem ; Droit applicable ; Questions de compétence ; Exécution ; Clauses finales.

Section II : De la nature de la cour durant les phases des