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Cartes 9 : accessibilité isolignes en 30 minutes en direction des cinq sites hospitaliers à 8h du matin

6.2.3 À qui profite la relocalisation ?

Le capital mobile, comme nous l’avions vu dans le cadrage théorique, fait le lien entre la mobilité au sens large et les inégalités sociospatiales. Son manque participe et renforce des situations de précarité et d’exclusion. Sans chercher à renseigner le capital mobile général des employé.e.s de l’hôpital, il est possible ici de le mettre en perspective au regard du déplacement de leur lieu d’emploi, à la jonction entre le profil socio-économique des employé.e.s et l’accessibilité au CUSM. Un indice de défavorisation faible et une bonne accessibilité engendrent un capital mobile important — dans le cadre de cette mobilité professionnelle précise. L’accessibilité au CUSM est donc ici considérée comme un composant du capital mobile et son étude permettra de savoir de qui s’est rapproché l’hôpital et quel type de profil social a été favorisé grâce à ce geste urbanistique : les individus défavorisés ont peu de ressources potentiellement réquisitionnable pour être mobiles et faire face à la flexibilité imposée ; si l’urbanisme réduit leur accessibilité, ceux-ci auront ainsi d’autant plus de difficulté à accéder aux ressources qui leur permettraient d’être moins défavorisés.

L’hypothèse d’un spatial mismatch

Au fil de ce travail, la possibilité d’un mauvais appariement spatial a été évoquée à plusieurs reprises et a pu faire l’objet de différents travaux, notamment en Amérique du Nord (Fol, 2009) ainsi qu’à Montréal (Lewis & al., 2003), où la recherche montrait l’impératif pour la métropole francophone de traiter les questions de l’accessibilité à l’emploi pour les populations les plus défavorisées (Paulhiac, 2004). Dans ce cadre, l’évaluation du capital mobile des employé.e.s vis-à-vis du redéploiement du CUSM revient à vérifier si celui-ci a renforcé ou non ces dynamiques de spatial mismatch qui, pour rappel, postulait une inadéquation spatiale entre les opportunités d’emploi requérant de faibles qualifications et les zones d’habitations des populations pouvant occuper ce type de poste. Celui-ci s’était

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Tableau 5 : indice de défavorisation moyen pour les employé.e.s pour un trajet vers le CUSM à 8h du matin, en 10 et 30 minutes de trajet9

Si les variations sont relativement faibles, les oscillations qui sont mesurables selon le mode de transport ne sont en fait qu’un proxy de la distance : à proximité directe de l’hôpital

— soit à 10 minutes de marche et en transports publics — c’est la municipalité de Westmount qui tire l’indice vers le bas (il y est de 2,46, qui est presque aussi bas que les zones de banlieue de l’extérieur de l’île dont la moyenne est de 2,42). Cependant, en s’éloignant, l’indice a tendance à augmenter et à dépasser la moyenne pour les anciens sites — ce sont ici les quartiers du coude de Montréal qui influencent le score et marquent une plus grande défavorisation. En continuant d’augmenter la distance, en 30 minutes de voiture, la moyenne de l’indice baisse, les quartiers favorisés de l’ouest de l’île étant progressivement intégrés à cette moyenne. Toutefois, cette diminution vient également du fait qu’en englobant plus de secteurs, le résultat tend à se rapprocher de la valeur moyenne globale. À noter également que ces chiffres sont systématiquement inférieurs à l’indice de défavorisation de l’île de Montréal (3,41). De même, en comparant les résultats relatifs aux employé.e.s vis-à-vis de la population, il apparaît que les travailleurs du CUSM résident de manière générale dans des quartiers favorisés (voir carte 10).

… mais une évolution privilégiant les plus favorisés…

S’il semble difficile d’évaluer précisément de qui s’est rapproché le CUSM, la tendance s’éclaircit en s’intéressant à l’accessibilité comparée des deux groupes « extrêmes » de population — ceux dont l’indice est de 1 et ceux dont il est de 5 :

Tableau 6 : variation d’accessibilité des groupes extrêmes en 30 minutes de trajet à 8h du matin en direction des hôpitaux

Mode Favorisés (1) Défavorisés (5) Comparaison

Marche +194,5 % (+113,3) +215,2 % (+53,35) + 20,6% (-60)

TP +164 % (+191,5) +131,1 % (+112,3) -32,8% (-79)

TIM +2,8 (+0,7) -15,8 % (-25,5) -18,6% (-26)

À l’exception de quelques légères variations, l’accessibilité est meilleure pour les deux groupes sociaux, que ce soit selon les employé.e.s ou la population. Cependant, elle s’est largement plus améliorée pour les populations favorisées. Seule exception : à la marche, ce sont les employé.e.s défavorisé.e.s pour qui l’hôpital est plus accessible — ce n’est néanmoins pas le cas du reste de la population. Avec la relocalisation, ce sont donc les plus

9 À noter ici que les données sont basées sur la localisation des employé.e.s et la pondération selon la population est présentée entre parenthèse, afin d’offrir une base de comparaison. De même, les résultats complets aux différentes heures de la journée se trouvent à l’annexe 8

favorisés qui ont le plus gagné en accessibilité au CUSM, quel que soit le mode de transport.

Ceci est confirmé en s’attardant sur les temps de parcours moyen en direction du CUSM à 8h du matin :

Favorisés(1) Défavorisés (5)

Mode Anciens sites Glen Variation Anciens sites Glen Variation

Marche 213 209 -4 (+7) 89 98 +9 (+26)

Marche < 1h 55 36 -19 (-1) 53 51 -2 (-15)

TP 66 57 -9 (-4) 43 39 -4 (-)

TIM 34 32 -1 (-) 18 19 +2 (+4)

Tableau 7 : temps de parcours moyen en minutes selon le mode de transport et le groupe social

Il convient ici de considérer ces temps avec une certaine mesure : en effet ils sont basés uniquement sur des trajets moyens, dont les variations au cas par car peuvent s’avérer importantes. Malgré la petitesse des variations, ce sont bien pour le groupe des favorisés qu’elles sont les plus positives, avec une baisse générale du temps de trajet moyen. Pour les défavorisés, la tendance est plus difficile à discerner, mais elle est généralement moins positive.

… y compris pour les variations quotidiennes

En intégrant la dimension horaire dans cette analyse, le constat reste identique :

Tableau 8 : variation d’accessibilité entre 8h et 1h pour le site Glen en 30 minutes de trajet

Mode Favorisés (1) Défavorisés (5) Comparaison

TP -31,9 % (-47,6) -33,1 % (-51,8) -1,16 % (-4,22)

TIM +14,4 (+20,6) +14,26 % (+25,6) -0,13 % (+5)

En plus d’être globalement moins accessible de nuit en transports collectifs, défavorisant d’autant les employé.e.s avec des horaires variables, le CUSM l’est encore moins — bien que cette variation soit faible — pour les employé.e.s défavorisé.e.s, qui seront d’autant pénalisés. Ce sont ainsi les employé.e.s qui auront le plus de difficultés à faire face au changement de leur lieu d’emploi qui sont également les plus impactés par la variation de l’accessibilité au site.

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