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Étude de cas

Carte 5 : stuation des cinq sites hospitaliers du CUSM

4.3 Les outils de l’articulation aménagement - transport

Loi sur l’aménagement et l’urbanisme

Le Canada étant un État fédéral, l’aménagement est une compétence en main provinciale : dans un appareil législatif complet en rapport avec le territoire, le Québec dispose d’une loi-cadre, la loi sur l’aménagement et l’urbanisme, fixant la responsabilité d’aménagement entre le gouvernement provincial, les communautés métropolitaines, les institutions régionales (municipalités régionales de comté [MRC] et agglomérations) ainsi que les municipalités. La loi fixe également le contenu minimal exigé pour chacun des plans requis, selon l’entité compétente. Aujourd’hui, ce sont les échelons métropolitains et régionaux qui sont privilégiés afin de définir les visions stratégiques du développement, dans une volonté exprimée de promouvoir un développement durable. Les communautés métropolitaines sont tenues de définir un plan d’aménagement et de développement pour leur territoire, en y intégrant une vision stratégique et des objectifs afin d’assurer leur compétitivité et leur attractivité (LAU/QB, 2018). Les échelons inférieurs sont ainsi tenus à la conformité vis-à-vis du plan métropolitain. Les municipalités locales peuvent élaborer un plan d’urbanisme pour leur territoire — qui n’est donc pas obligatoire —, mais doivent y associer les instruments réglementaires à caractère discrétionnaire (règlement d’urbanisme, de zonage ou de construction).

PMAD (2011) : la formalisation des TOD comme stratégie de développement Le contenu minimal des plans métropolitains est fixé légalement et comprend notamment la planification des transports terrestres, les seuils de densité à respecter ainsi qu’une identification des zones à urbaniser et aux enjeux de portée métropolitaine (LAU/QB, 2018). Concernant le cas montréalais, la CMM a tout d’abord élaboré un Projet de schéma métropolitain d’aménagement et de développement (2005), censé remplacer ceux des intercommunalités — les MRC, dont Montréal ne fait plus partie depuis l’apparition de la CMM. L’opposition des élus de nombreuses communes a tourné ce PSMAD en échec, puisqu’il n’a jamais été adopté : sans que ce soit son contenu qui ait été décrié, c’est avant tout la procédure, peu inclusive, qui a été pointée du doigt, tout comme la timidité de son impact spatial (Douay & Roy-Baillargeon, 2015). Les objectifs ayant été revus, il a fallu attendre 2011 pour que la CMM puisse se doter d’un réel document stratégique d’aménagement : le PMAD, qui vise à répondre au gel des zones urbanisable par le gouvernement québécois en proposant une vision du développement futur du territoire métropolitain. Le plan est structuré autour de trois orientations :

• Des milieux de vie plus durables

• Des réseaux et des équipements de transport performants et structurants

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est revendiquée comme un atout majeur de ce plan afin de satisfaire au mieux l’ambition de durabilité que la métropole s’est fixée.

Le transport est donc au centre de la politique métropolitaine et la stratégie mise en place permet de faire de l’accessibilité un principe dirigeant l’action planificatrice. Basé sur une dynamique de redéveloppement de la ville sur elle-même (Dushina & al., 2015), le PMAD a la volonté d’augmenter l’attractivité et la compétitivité de la région et se veut porteur de l’image d’une ville dynamique en redéveloppement. En ce sens, le plan se rapproche du projet de ville que définissait Pinson (2006).

Plan d’urbanisme (2004) : un projet de ville transversal pour le nouveau Montréal

Son contenu légal minimal se résume à la définition des grandes orientations d’aménagement, des affectations du sol ainsi que du tracé des voies de circulation et des réseaux de transport.

Montréal possède depuis 2004 un plan d’urbanisme, réactualisé depuis, notamment vis-à-vis de PMAD, et basé sur des objectifs affirmés de développement durable, cherchant une approche équilibrée entre ses trois piliers. C’est suite à la fusion municipale de 2002 et du Sommet de Montréal qu’a commencé l’établissement de ce plan qui cherchait à devenir la fondation du développement urbain de la ville afin de promouvoir une plus grande cohérence dans son aménagement. Construit autour de sept axes d’action, le plan se pare d’une série d’objectifs pour chacun d’eux, qui seront discutés plus loin. Ces sept orientations, qui proposent une stratégie d’action transversale pour la ville, cherchent globalement à développer :

• Des milieux de vie de qualité, diversifiés et complets

• Des réseaux de transport structurants, efficaces et bien intégrés au tissu urbain

• Un patrimoine bâti, archéologique et naturel valorisé

• Un centre prestigieux, convivial et habité

• Des secteurs d’emploi dynamiques, accessibles et diversifiés

• Un paysage urbain et une architecture de qualité

• Un environnement sain

La volonté générale du plan est de « proposer un développement optimal pour la ville de Montréal », qui passe notamment par une « réduction de la dépendance automobile » et un « accroissement de l’utilisation des modes collectifs et doux » (Ville de Montréal, 2004, p.7). Bien que le transport soit un axe d’action à part entière, il apparaît comme une dimension transversale du plan. En effet, il est identifié tant comme un moyen de renforcer l’accessibilité aux différents milieux de vie, et notamment aux secteurs d’emploi, que comme un levier d’action afin de coordonner le développement urbain. En tant qu’« élément structurant […] de l’organisation spatiale » (p.31), le transport collectif prend une place centrale du plan d’urbanisme. Cette proposition d’un développement coordonné entre aménagement et transport répond aux enjeux qui avaient été identifiés par la recherche au début des années 2000 et s’inscrit dans la droite ligne des outils de ce type, en étant proche de ce qui avait été vu pour le cas européen. Montréal cherche globalement la « reconstruction de la ville sur elle-même » (p.7), et peu de propositions de développement du réseau collectif sont formulées — avant tout le prolongement de la ligne bleue vers l’Est, en discussion depuis longtemps déjà (Goudreault, 2018). C’est pour cela que la nouvelle ville s’est lancé comme objectif, au moment de la formalisation du plan d’urbanisme, de mettre sur pieds un plan de transport, qui a vu le jour 4 ans plus tard (voir plus bas).

L’établissement du plan d’urbanisme a également été l’occasion de promouvoir une plus grande participation publique dans le cadre des projets d’aménagement : en 2002 a été créé

l’Office de Consultation Publique de Montréal (OCPM), qui a notamment tenu diverses séances d’information et de participation dans le cadre de l’élaboration du plan (Van Neste, Gariépy & Gauthier, 2012). En termes hiérarchiques, les arrondissements de la ville — dont certains sont d’anciennes municipalités indépendantes — ont participé à son élaboration et ont été par la suite tenus d’adapter leur règlement afin qu’il corresponde aux orientations prévues par le plan. Par l’établissement d’une vision stratégique à long terme et cherchant la transversalité de ses actions, Montréal espère pouvoir « améliorer sa compétitivité mettant en valeur son territoire » au travers de la « vision d’avenir » qu’elle propose (Ville de Montréal, 2004). De fait, ce plan d’urbanisme proposait à son élaboration en 2004 une planification proche de celle que proposera le PMAD à une autre échelle sept années plus tard. Toutefois, si les objectifs, volontairement orientés vers une durabilité renforcée, sont relativement similaires, c’est tant l’échelle d’application que les principes d’actions qui diffèrent entre les deux plans, comme nous le verrons.

Plan de transport (2008) : le pari du développement des infrastructures Ayant identifié les transports comme un secteur particulièrement stratégique pour son développement futur, la ville a choisi de lui consacrer un plan à part entière. Celui-ci vient appuyer — et largement développer — le plan d’urbanisme, sans pour autant avoir de base légale : c’est un engagement volontaire de la ville, plébiscité par la population au travers de plusieurs consultations publiques. Les propositions faites par le plan forment l’ossature de la vision du transport montréalais à l’horizon 2025 et s’appuient sur trois enjeux majeurs :

• Le développement des transports actifs et collectifs

• La diminution de la place de l’automobile

• La sécurité des déplacements

La nécessité de renforcer le lien entre planification et transport est verbalisée à nouveau et le plan identifie d’ailleurs de nouvelles zones propices à l’intensification des activités, aux abords des nouvelles infrastructures projetées. Toutefois, à cette exception, il ne traite qu’exclusivement de questions liées au réseau et aux infrastructures de transport dans le but revendiqué de faire de Montréal « la première ville de transport en commun en Amérique du Nord » (Ville de Montréal, 2008, p.11). Bien que le plan de transport permette de dépasser les intentions de principes formulées dans le plus d’urbanisme et propose de multiples actions cibles, force est de constater que même si ces deux outils coexistent, ils ont été produits dans des temporalités différentes et peuvent différer sur plusieurs points.

Plans de gestion de déplacements : le renouveau de la planification des transports

Afin de terminer ce cadrage des outils à disposition des acteurs de l’urbain, en voici un dernier, qui n’est ni de planification et non plus réglementaire, mais particulièrement pertinent à traiter ici : c’est celui des Centres de gestion de déplacement (CGD) et les plans que ces organismes peuvent fournir tant à des partenaires privés que publics — les Plans de

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les PGD prennent la forme d’un d’accompagnement, par des organismes à but non lucratif, à des entreprises ou des institutions cherchant à développer une mobilité plus durable pour leurs employé.e.s ou leurs client.e.s. La planification personnalisée qui en découle permet une mise en place de plusieurs mesures de gestion de la demande de transport afin de réduire les impacts dus aux déplacements générés par le demandeur. À noter que ces plans, n’ayant pas de valeur légale, ne peuvent être réalisés que grâce à l’implication des demandeurs, mais également des autorités — notamment les compagnies de transports publics. En ce sens, les CGD sont avant tout des facilitateurs de collaboration entre différents acteurs — ceux fournissant l’offre et ceux générant la demande — dans le but de trouver des solutions durables (Ibid., p.105).

Si la principale force de la démarche est de pouvoir s’affranchir des contraintes légales auxquelles sont soumis les autres outils, c’est aussi sa faiblesse : en étant non-obligatoire, l’application des mesures proposées par les CGD ne tient qu’à la bonne volonté du client, pour lequel l’argument financier fait souvent office de frein, malgré les potentiels gains à long terme (Perrin, 2017, p.12). Cet état de fait est encore renforcé par la suppression en 2011 des subventions à l’établissement des PGD par le gouvernement québécois (Poulin-Chartrand, 2013) : depuis, il est principalement appliqué par les acteurs cherchant à résoudre un problème au travers de ce plan, ou voulant s’en servir comme le vecteur de l’image d’une entreprise plus durable (Desrochers & Gauthier, 2015). Toutefois, de réels impacts sont mesurés : les PGD peuvent permettre des reports modaux allant jusqu’à 15 % en faveur des modes durables (Plamondon Emond, 2011).

En tant qu’outil « personnalisé » et adapté au contexte de chaque demandeur, quel qu’il soit, le Plan de Gestion des Déplacements d’une entreprise ou d’une institution cherche à connaître notamment les raisons à l’origine de chacun des déplacements. En adoptant une posture proche de celle de certains chercheurs (Kaufmann, 2008) et tout en étant proches des enjeux des acteurs, ils peuvent intégrer des dimensions inédites, basées sur les profils individuels des employé.e.s, client.e.s ou visiteur.se.s. Les PGD — et a fortiori celui du CUSM — poursuivent essentiellement un objectif :

• Encourager l’utilisation des modes de transport plus durables, c’est-à-dire alternatifs à l’auto-solo

Le CUSM s’est doté d’un tel outil au début des années 2000 et celui-ci a été renouvelé à l’approche du redéploiement, sans pour autant formuler des objectifs chiffrés, mais dans une volonté générale de report modal. Au travers d’une enquête aux employé.e.s, le plan a pu éclairer les déterminants ainsi que les contraintes de leur mobilité. Cette étape de diagnostic lui permet d’identifier des pistes d’action les plus précises possible dans le cas présent.

Toutefois, les analyses faites a posteriori montrent un manque de suivi dans sa mise en œuvre, voire un réel abandon. Comme cela a été relevé de manière générale concernant les PGD (Desrochers & Gauthier, 2015), le CUSM, maintenant responsable de l’application de son plan de déplacement, l’a progressivement délaissé — aucune nouvelle mesure n’ayant été appliquée depuis la relocalisation (Perrin, 2017).