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6.1 Urbanisme et mobilité dans la planification montréalaise

6.1.4 Niveau métropolitain : les TOD pour la mobilité

Afin de compléter le travail effectué jusqu’ici et malgré le fait que le PMAD n’ait pas joué de rôle dans le cadre du redéploiement du CUSM, il reste essentiel de passer en revue cet outil territorial — et ce d’autant plus que ce redéploiement suit sans l’expliciter un principe TOD.

En effet, en cherchant à être inclusif en termes d’acteurs et d’actions, le PMAD symbolise parfaitement le paradigme actuel de l’action territoriale, à l’image des exemples illustrés dans le cadrage théorique en amont. Explorer son contenu est également le moyen de mettre en évidence les dynamiques de planification métropolitaine dans le contexte d’aujourd’hui.

Le TOD : une avancée sur le principe…

Les autorités métropolitaines ont choisi de se baser explicitement sur le Transit Oriented Development afin de diriger leur action planificatrice. Celui-ci est défini comme « un développement immobilier de moyenne à haute densité structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro ou un arrêt de bus. Situé à distance de marche d’un point d’accès important du réseau de transport collectif, le TOD offre des opportunités de logement, d’emploi et de commerce et n’exclut pas l’automobile » (CMM, 2011, p.52). Cette stratégie est une façon pour la métropole montréalaise de faire de l’accessibilité un principe au centre de son action. Les différents objectifs illustrés ici découlent du principe TOD et se rattachent tous à la notion de mobilité, bien qu’ils aient été divisés en deux catégories distinctes, en fonction de l’orientation à laquelle ils se rattachent, soit respectivement les milieux de vie et les transports.

Notions-clés Objectifs du diagnostic Mesures proposées Accessibilité - Orienter 40 % de la croissance des ménages

aux points d’accès du réseau de transport en commun métropolitain structurant pour :

- Imposer aux municipalités des seuils de densités minimaux pour les aires TOD (voir annexe 13 pour le détail)

• accroître l’utilisation des transports collectifs sur le territoire métropolitain

• augmenter le nombre de ménages et d’emplois localisés dans l’aire d’influence du réseau de transport collectif structurant afin d’améliorer l’accessibilité aux emplois pour un nombre accru de travailleurs

• améliorer l’accessibilité par transports collectifs et actifs aux services de proximité, en rapprochant les lieux de résidence des lieux d’activités

• assurer une mixité sociale dans les aires TOD

- Mise sur pied d’un plan d’action et d’un programme incitatif pour l’aménagement des aires TOD

- Hors des aires TOD, définir les zones urbanisables et imposer municipalités d’y respecter des seuils de densités minimaux, évolutifs dans le temps (annexe 13)

- Incitation pour les collectivités locales à appuyer cette mesure par différents outils pour renforcer la densification des secteurs stratégiques, notamment au travers d’une politique de redéveloppement

- Délimiter le territoire d’urbanisation selon un aménagement durable

- Optimiser le développement urbain en dehors des aires TOD

Ces différents objectifs, en se concentrant sur les milieux de vie, cherchent à accroître l’accessibilité de manière double : au niveau de chacune des aires TOD, ainsi qu’au niveau métropolitain. Le but affirmé de cette action est de générer des milieux de vie intégrés et multifonctionnels, connectés sur le territoire montréalais.

Sans jamais l’évoquer comme tel, le PMAD propose une stratégie d’action visant un accroissement des possibilités individuelles de vivre la mobilité qu’il souhaite, tout en profitant des multiples opportunités que le territoire lui offre et en minimisant les contraintes imposées, par la création d’espaces de vie intégrés. Bien que certains objectifs touchant au transport s’apparentent à une gestion des flux, leur articulation avec le principe TOD en fait des bases pour offrir des alternatives permettant de réaliser des déplacements via les transports collectifs. Avec les propositions qu’il formule, le plan cherche à intervenir tant sur le champ des possibles et l’hospitalité territoriale par le renforcement des structures de TC que sur l’accès individuel par une maximisation du potentiel d’utilisation des modes doux au sein des aires TOD.

... ayant toutefois des faiblesses

Les objectifs exposés plus hauts affichent une ambition nouvelle pour les autorités de la métropole : celle d’une coordination encore inédite entre urbanisme et transport. Ils se traduisent en un paquet de mesures, dont les principales sont exposées ici. À noter toutefois que le PMAD, en tant que document stratégique cadre, reste volontairement plus vague dans ses directions que les plans d’accessibilité ou de déplacements, qui sont des documents opérationnels — pour le détail de chacune des mesures, voir l’annexe 13.

L’avantage du PMAD est de pouvoir chapeauter les réglementations inférieures afin de proposer une vision d’aménagement métropolitain se voulant plus cohérente. Toutefois, cette position fait aussi qu’il ne peut être trop directif dans les mesures qu’il dicte. Notamment, en tant qu’outil concerté entre les différents acteurs du territoire montréalais, certaines des Déplacements - Hausser à 30 % la part modale des

déplacements effectués par transport en commun à la période de pointe du matin d’ici 2021, par la modernisation et le développement du réseau de transport public métropolitain.

- Optimiser et compléter le réseau routier pour soutenir les déplacements des personnes et des marchandises afin de réduire la congestion et faciliter la circulation

- Favoriser la mobilité active à l’échelle métropolitaine

- Prolonger le réseau de métro et de train de banlieue

- Développer le système rapide de bus (SRB) - Mettre sur place le réseau de système léger sur

rail

- Parachever le réseau autoroutier afin d’assurer l’accessibilité routière de la métropole

- Parachever le réseau de mobilité cyclable afin d’atteindre 1 000 km de pistes dédiées qui assurent l’accès aux aires TOD et aux infrastructures métropolitaines

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Graduer la densité à partir du point d’accès de manière à maximiser le développement des terrains

Favoriser une mixité et une meilleure intégration, tant horizontale que verticale, des usages ( commerces, services, résidences et institutions ) afin de permettre l’émergence d’une vie de quartier dynamique (mixité des fonctions)

Favoriser la construction d’une gamme diversifiée de logements (typologies et tenures) afin de mieux répondre aux besoins des différents types de ménages et de mieux intégrer les différents groupes socioéconomiques à la vie du quartier (soutien d’une mixité sociale)

Assurer une gestion du stationnement hors rue qui vise à limiter le nombre de places Malgré l’ambition de ces différents éléments, leur aspect optionnel n’en garantit nullement l’application systématique s’ils ne sont pas saisis par la planification inférieure. Le caractère peu contraignant de tels principes montre les limites de l’application de la stratégie TOD : de plus, le fait que seules des densités de logement soient imposées — et non celle des activités ou autre — restreint encore la certitude d’obtenir les TOD recherchés.

De la même façon, même si la stratégie TOD occupe le centre de la stratégie du PMAD, ces aires d’action ne représentent à peine que 5% du territoire métropolitain — le reste n’étant pas des zones TOD. Le PMAD ne localise d’ailleurs pas précisément de nouvelles aires du type — qui pourraient apparaître avec l’implantation de nouvelles infrastructures de transport. Ainsi, les 95% du territoire non cernés se sont vu imposer (1) une limite à l’urbanisation permettant de préserver la zone agricole, qui est exclue du périmètre urbanisable et (2), des critères de densité afin d’assurer un gradient centre-périphérie et une meilleure utilisation du sol. Toutefois, le peu d’ambition de ces critères de densité et le fait qu’ils soient occtroyés sans aucune réflexion liée à l’existence ou au développement d’une infrastructure de transport montrent les limites du PMAD ; ce deuxième point prenant la direction inverse de la stratégie TOD. Cette politique d’aménagement à deux vitesses illustre parfaitement le manque de moyen dont s’est dotée la CMM afin de parvenir aux objectifs de lutte contre l’étalement et l’utilisation des transports individuels qu’elle s’est fixée. D’ailleurs, un second élément apparaît : le PMAD propose plusieurs prolongements autoroutiers et aucune mesure de dissuasion de l’utilisation de transports individuels. Non sans rappeler les mêmes tendances du plan d’urbanisme et de transport de la ville de Montréal commenté plus haut, cette politique cherche à faire la lutte aux transports individuels, tout comme son contraire. Les raisons d’une telle incohérence sont certainement à chercher dans l’outil lui-même, qui, pour réussir à voir le jour, a dû trouver un compromis politique entre les différentes institutions municipales et régionales de la métropole. Bien que la simple mise en place d’un tel outil soit un réel tour de force, globalement salué (Guillemette, 2011)

— cette procédure a d’ailleurs duré une décennie —, le contentement des différents acteurs en jeu a ainsi affaibli les capacités du PMAD à satisfaire les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Certains y voient même un risque de renforcer l’étalement urbain au-delà des frontières de la CMM (Bisson, 2011 ; Corriveau, 2011a ; Descôteaux, 2011).

Une planification en dents de scie

La conclusion du chapitre relatif à la planification montréalaise mettait en exergue le fait que ce niveau de planification n’est pas nécessairement le plus adapté afin d’opérer une intégration large des enjeux de mobilité, notamment sur la question de capital mobile, difficilement appréhendable à une telle échelle. Il en va de même pour le niveau métropolitain qui, avec les objectifs poursuivis et surtout les principes de coordination forts entre aménagement et transport — que ce soit des infrastructures existantes, voire en développement —, se base

sur une conception articulée de la mobilité, à la façon d’autres outils actuels de planification territoriale. Toutefois, sa stratégie TOD revendiquée et établie — au contraire de ce que proposait le plan montréalais —, tend sur le fond vers une forme de conception généralisée de la mobilité, tel que cela avait été défini plus haut. En effet, à la façon des utopies de Cerdà ou Wright ce principe fait de l’accessibilité la finalité de son action, ici appliquée au contexte des villes en redéveloppement : proche de la validad, son application systématique permettrait la création d’un territoire réduisant l’injonction à la mobilité, car accessible systématiquement par des modes de transports promus — cela ne pourrait être effectif que s’il est accompagné de mesures individualisées de soutien à l’utilisation des modes doux et collectifs. En cherchant ainsi à créer des milieux de vie accessibles à tous, la stratégie TOD pourrait apporter une réponse à la flexibilité imposée, en permettant à chacun de profiter des opportunités de vie offertes par le territoire.

Avec la position qu’il adopte en faveur d’une accessibilité nouvelle et universelle, le PMAD se saisit de manière implicite dans son discours et ses volontés revendiquées, de la question des inégalités, dont il veut proposer une solution afin de les réduire. Pourtant — et c’est le revers de la médaille pour la planification métropolitaine —, l’aspect consensuel du plan, illustré avant tout par des moyens d’action contradictoires, fait craindre une trop faible capacité de régulation pour réussir à porter le principe du TOD afin qu’il puisse avoir l’effet escompté. Seul, il se résume à un « compromis politique », dont les incohérences ne semblent pas lui permettre d’appliquer un changement en profondeur de l’action urbaine et de revêtir son rôle essentiel d’« encadrement des politiques métropolitaines » (Ibid., p.38). De même, en s’attardant sur les réalisations des TOD, les exemples de ces dernières années font craindre que le concept ait été quelque peu détourné de son objectif premier : les dernières réalisations du genre se résument bien souvent à des projets immobiliers de haut standing, aggravant des processus de gentrification (Orfali, 2015 ; Picard, 2018 ; Renaud, 2015). De même, certaines de ces réalisations ont été qualifiées de COD — pour Car Oriented Development (Benassaieh, 2011 ; Roulot Ganzmann 2011) —, puisque ne s’appuyait sur aucune mesure dissuasive de l’utilisation de l’automobile, couplée avec des niveaux de densité particulièrement faible pour ce type de projet.

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