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6.1 Urbanisme et mobilité dans la planification montréalaise

6.1.1 Niveau montréalais : place à l’accessibilité

En 2004, la nouvelle ville de Montréal a décidé de prendre le tournant durabiliste en formalisant les intentions du développement de son nouveau territoire au travers du plan d’urbanisme, complété ensuite par un plan de transport, résolument tourné vers un objectif

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Le choix du développement durable...

Au travers de ses sept axes d’action, le plan d’urbanisme définit un bouquet important d’objectifs et de mesures, dont sont extraits les principaux, touchant aux orientations des milieux de vie, des transports et aux secteurs d’emplois. La liste exhaustive des objectifs et mesures des plans d’urbanisme et de transport se trouve à l’annexe 10.

Notions-clés Objectifs Mesures proposées

Accessibilité - Améliorer la qualité des milieux de vie exis-tants, qui doivent être accessibles à tous, bien desservis en transport collectif et jouir d’un accès adéquat aux différents secteurs d’em-plois

- Mettre en valeur le territoire en relation avec les réseaux de transport existants et projetés - Améliorer les liens de transports avec les

secteurs d’emplois

- Stimuler une urbanisation aux abords des stations de métro, des gares et des corridors de transports collectifs pour favoriser l’utilisation du transport collectif

- Adapter l’offre de transport à des clientèles spécifiques (accessibilité universelle)

- Assurer l’accessibilité des secteurs en développement identifiés par le plan d’urbanisme

Déplacements - Prioriser les modes doux; inclure les besoins d’accessibilité piétonnière et cyclable dans la planification locale

- Accroître l’achalandage en transports collectifs de 8% en cinq ans, via un développement de l’offre

- Favoriser l’usage collectif des automobiles par différentes politiques d’encouragement à l’autopartage et au covoiturage

- Favoriser les déplacements à vocation économique et le transport de marchandises

- Faciliter les déplacements entre les différents secteurs de la ville en établissant de nouvelles dessertes de transport collectif

- Lier stratégiquement les secteurs de la ville en parachevant le réseau routier

- Assurer la desserte aux secteurs d’activités et l’accès aux infrastructures de transport collectif en complétant le réseau panmontréalais de voies cyclables

Le choix volontaire et revendiqué du développement durable prend la forme, pour les deux outils de planification, d’un appui massif envers les modes collectifs. Le rôle structurant de ces derniers est reconnu et il permet, aux yeux des autorités, de soutenir les trois piliers du développement durable : au niveau économique en garantissant l’accès aux zones d’emploi tout comme leur dynamisme, au niveau environnemental en améliorant le bilan carbone global par une diminution de l’utilisation de véhicules individuels et au niveau social, en garantissant « un accès aux lieux de résidence, aux secteurs d’emploi, d’études et de loisir pour le plus grand nombre » (Ville de Montréal, 2004, p.33). Il est bien ici question d’accessibilité, dont l’accroissement est même, aux yeux des autorités une condition sine qua non à l’amélioration de la qualité de vie. On dépasse la considération de l’accès, puisque la volonté du plan est de suivre « un principe d’équité sociale » (p.32) en augmentant l’offre quantitative de transport en commun pour tous les Montréalais, en touchant le plus grand nombre de citoyens possible. Les objectifs du plan intègrent ainsi dans leur discours une volonté de réduire l’inégalité qui peut toucher les citoyens, dans les moyens étant à leur disposition afin d’accéder aux opportunités de vie.

Au travers d’un développement global de l’offre en transports collectifs, le plan de transport vise à en accroître l’utilisation. En formulant une volonté de « répondre aux besoins de mobilité de tous les Montréalais » (Ville de Montréal, 2008, p.12), il se positionne face à l’injonction à la mobilité. Avant tout, il reconnaît son importance dans le contexte actuel : « la

mobilité des personnes est essentielle à la satisfaction des besoins sociaux et économiques, notamment l’accès à l’emploi, à la santé, à la formation et à la culture » (p.40). De plus, il veut offrir de nouvelles possibilités de réaliser cette mobilité devenue indispensable, grâce à une augmentation de l’offre, permettant « de répartir équitablement les services et les coûts qui y sont associés » (p.40).

Les deux plans, de par leurs objectifs, veulent (1) offrir des alternatives à l’utilisation du mode de transport de l’automobile, devenu indésirable tout en (2) favorisant une accessibilité universelle6 au milieu de vie, par une urbanisation coordonnée au transport collectif, sans pour autant toucher le capital mobile individuel, mais en en tenant compte. En modifiant de la sorte l’hospitalité du territoire — par l’accroissement de l’accessibilité — sur lequel ils se proposent de mener leurs actions, ils veulent offrir de meilleures conditions à chacun pour exploiter son capital mobile. La coordination entre développement urbain et transport, tel qu’elle est revendiquée ici, est donc une forme de réponse possible à l’injonction à être mobile : c’est la dimension sociale du développement durable et l’objectif d’équité qui permet d’intégrer la nécessité d’adapter la planification aux différents profils individuels

— et capital mobile — afin de permettre à tous de réaliser une mobilité reconnue comme étant indispensable.

... et ses limites

Les quelques objectifs mis en exergue plus haut se déclinent pour les deux plans en une série de mesures ou actions, qui se rattachent parfaitement aux notions-clés évoquées précédemment. De manière générale, la volonté exprimée de concentrer le développement urbain autour d’infrastructures de transport spécifiques dans le but d’en renforcer l’utilisation se traduit au sein du plan d’urbanisme par des formes très proches du Transit Oriented Development, sans pour autant le revendiquer (voir annexe 3). À ce propos, le site Glen, choisi par le gouvernement provincial pour accueillir les activités du CUSM, correspond tout à fait à la volonté générale de Montréal de promouvoir le développement aux abords des stations de métro. Le site est intégré au PU en tant que secteur de planification stratégique, pour lequel la ville doit veiller à un bon accompagnement, « compte tenu de la grande visibilité du site » (p.245). Ceci passe notamment par l’implantation d’activités diversifiées autour de la station Vendôme, afin de respecter ce « principe TOD » — voir annexe 10 pour le détail des actions proposées par les deux plans.

Malgré le fait que sur la forme, nous nous retrouvions avec deux plans distincts, aux temporalités différentes et avec des portées dissemblables, ceux-ci revendiquent leur articulation : le plan de transport oriente ses propositions de nouvelles lignes structurantes vers les secteurs identifiés comme pouvant être développés par le plan d’urbanisme, libérant également de nouvelles zones stratégiques pouvant être densifiées. Toutes les propositions qui avaient été formulées par le plan d’urbanisme sont d’ailleurs retranscrites dans celui de transport, qui précise et complète néanmoins les projets proposés. De la même façon, le plan d’urbanisme a subi de nombreuses modifications suite à l’adoption du second.

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développement urbain sur des secteurs stratégiquement liés au transport. Le second plan réussit par contre mieux cet exercice, en se voulant plus opérationnalisable : les mesures qu’il propose se déclinent chacune en une série de projets localisés et concrets — voir annexe 10 pour le détail. Il réussit également à se saisir de l’enjeu social, notamment dans sa mesure proposant d’adapter son offre en fonction de la clientèle. Néanmoins, sur la question de l’accessibilité universelle, qui était un principe fort dans les objectifs du plan de transport, les mesures peinent à dépasser la simple formulation d’intention. Bien que l’universalité de l’accessibilité soit un principe transversal proposé pour l’ensemble du réseau de transport public — tant au métro, au réseau d’autobus qu’à celui de trains de banlieue —, elle n’est à aucun moment précisée dans la forme qu’elle doit prendre. Même, le plan repousse cet exercice et conclut de la nécessité d’élaborer un guide d’aménagement incluant les critères nécessaires à la mise en place de cette accessibilité universelle.

Une réelle incohérence ressort également de l’étude de ces deux plans : le développement de l’offre routière qui concerne pas moins de 18 interventions au sein du plan d’urbanisme, complété par quatre nouvelles pour celui de transport. C’est même lui, davantage que celui des transports collectifs, qui est revendiqué comme facteur de « mise en valeur des secteurs d’emploi » permettant d’en favoriser « équitable accès » (Ville de Montréal, 2004, p.92).

Malgré le fait que le plan de transport mette en avant une stratégie voulant faire profiter des améliorations de ce réseau routier aux transports collectifs et actifs par de nouvelles voies réservées, l’impact sur le trafic qu’entraîneront de tels développements routiers fait craindre une certaine incohérence dans les mesures entreprises. En connaissant les conséquences d’un accroissement de l’offre routière sur la demande ainsi que sur l’étalement urbain (Ascher, 2008 ; Kaufmann, 2014 ; Wiel, 2005), ces actions risquent de renforcer la « spirale perverse de l’étalement urbain — congestion – développement routier » (Pauliac, 2004, p.75).

Des plans à l’image de leur temps

L’objectif de ce chapitre étant d’appréhender la place qu’occupe la mobilité et les inégalité socio-spatiales dans la planification montréalaise, il est possible de tirer un parallèle avec les différentes conceptions qui avaient été illustrées plus haut. Au regard des objectifs et mesures des deux plans étudiés ici, force est de constater que leur volonté d’action est particulièrement large : en ayant fait du développement durable le fil rouge de leurs propositions, ils se placent parfaitement dans le paradigme ambiant et se basent sur une stratégie coordonnée entre développement urbain et réseaux de transports, malgré deux planifications distinctes. À la manière des outils européens issus du new regionalism, on retrouve ici les caractéristiques d’une conception typiquement articulée, avec une place centrale attribuée à l’accessibilité, qui revêt même un rôle de garant de l’équité sociale. En cherchant au travers de ses objectifs à créer des milieux de vie intégrés, les deux plans dépassent la simple gestion des flux et essaient de les guider pour le futur en proposant d’accroître l’usage des transports collectifs. Même, cette coordination fait de l’accessibilité un moyen de lutter contre les inégalités sociales, bien que le discours n’en fasse jamais explicitement état d’une telle façon. La mobilité, implicitement, est reconnue comme un facteur essentiel à la conduite d’une vie sociale décente.

Toutefois, si cet enjeu des inégalités de mobilité transparaît dans la formulation des objectifs des deux plans, sa traduction en mesures concrètes semble plus difficile à saisir — c’est le cas pour l’accessibilité universelle, qui ne reste qu’au stade de formulation d’intention. Sans cette concrétisation, impossible pour les plans d’influer sur le capital mobile individuel — ce qui est certainement inhérent à l’échelle de la planification, ici trop large pour considérer ce genre d’enjeux. En effet, ce niveau stratégique n’est peut-être pas suffisant pour opérer un tel renversement et avoir une conception absolue de la mobilité, d’autant plus au regard du

contenu minimal exigé par la LAU, qui ne fait aucunement état d’un besoin de diagnostiquer les questions sociales relatives à la mobilité : elle impose uniquement aux plans d’urbanisme de traiter des orientations d’aménagement, des affectations du sol et des densités ainsi que des tracés projetés des réseaux de transport (LAU/QC A 19.1). L’impact de ce niveau de planification sur l’hospitalité territoriale lui permet de prendre position face à l’injonction à la mobilité : sans chercher ouvertement à la réduire, l’objectif de ce niveau stratégique est de donner les moyens à chacun d’y répondre, grâce à une amélioration de l’accessibilité, se voulant universelle.

Toutefois, en plus de ne pas être le niveau le plus adapté afin de transformer totalement la conception de la mobilité à la base des politiques d’aménagement, les études menées a posteriori sur ces outils montrent la difficulté de leur mise en oeuvre, avant tout à cause du manque de moyens qui leur sont octroyés (Bisson, 2010a). Il est donc pertinent d’aller mettre en lumière les éléments relatifs aux strates inférieures de la planification sur ces questions et dans le cadre du redéploiement du CUSM.

6.1.2 Niveau du redéploiement du CUSM :