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L'APPROPRIATION DES SERVICES MULTIMÉDIA EN SITUATION DE MOBILITÉ

I. Présentation de la deuxième étude

1. Profil des participants

Afin de définir le dispositif méthodologique et de mettre en place une grille d'analyse des enregistrements vidéo, il s'est avéré pertinent de réaliser une phase exploratoire auprès de cinq utilisateurs. Pour ne pas restreindre notre approche et laisser la voie ouverte à la comparaison, nous avons recruté deux groupes d'usagers. Le premier était composé de lecteurs de la presse écrite lisant des quotidiens payants durant leurs déplacements dans les transports en commun. Le deuxième regroupait des utilisateurs ayant adopté le WAP et le service de VOD pour consulter les news. Il était nécessaire de cibler la relation aux informations journalistiques afin de repérer comment les services mobiles multimédia venaient s'articuler avec les usages des autres supports médiatiques mobilisés en situation de mobilité. En ciblant un type de contenu, notre objectif était de déplacer la focale des téléphones multimédia pour appréhender la mobilité comme un lieu de déploiement de divers modes de divertissement. Nous pouvons toutefois observer qu'au moment où nous avons réalisé cette phase exploratoire, au mois de juillet 2005, les usages de la Mobile TV étaient encore peu développés. Ce n'est qu'une fois notre démarche stabilisée, au mois de janvier 2007, que nous nous sommes intéressés à ces utilisations. Si notre étude a accompagné le développement de ce nouveau service, notre intention était toutefois de réaliser des enregistrements vidéo autour de participants ayant stabilisé leur appropriation.

Parmi les enseignements tirés de cette phase exploratoire, il nous est apparu pertinent d'observer quels supports d'information les individus embarquent avec eux avant de franchir le « seuil »279 de leur domicile et de s’engager dans l’espace public. Cette dimension devient centrale tant les supports médiatiques embarqués (les téléphones multimédia et les lecteurs MP3) tendent à être mobilisés au détriment des supports qui

278 L'étude présentée ici a été développée dans le cadre du projet Mobile en ville associé au pôle de compétitivité Cap Digital.

nécessitent de faire des détours : l'achat d'un quotidien dans un kiosque ou la recherche d'un distributeur de quotidiens gratuits. C'est pourquoi nous avons demandé aux participants, lors de cette phase exploratoire, de lancer les enregistrements avant de partir de chez eux afin d'observer comment ils s’équipent avant de s’engager dans leur déplacement. Autrement dit, cela nous a permis de repérer les « gestes préparatoires »280 qu’ils initient avant de se déplacer. Cette exigence a ensuite été située au cœur de la démarche finalisée dans la mesure où nous demandions aux participants d'enregistrer leurs déplacements quotidiens entre leur domicile et l'arrivée sur leur lieu de travail.

Après avoir stabilisé notre démarche, dix autres participants ont été recrutés. Il va de soi que la taille de cet échantillon relativise toute forme de généralisation. Cependant, le niveau d'analyse que nous allons investir ne nécessite pas un échantillon de grande ampleur. Il nous a semblé judicieux de cibler quelques participants afin de filmer plusieurs fois leur trajet pour ouvrir la voie aux comparaisons entre les déplacements d’une même personne. Afin que ce dispositif méthodologique ne soit pas trop contraignant pour eux, nous leur avons demandé de réaliser cinq trajets aller-retour entre leur domicile et leur lieu de travail.

Pour être recrutés, les participants à l'étude finale devaient remplir deux conditions. Ils devaient tout d'abord utiliser la Mobile TV depuis plusieurs mois (en moyenne six mois) afin que leurs usages soient stabilisés. Et, il était nécessaire qu'ils l'utilisent durant leurs trajets dans les transports en commun. À travers ces deux conditions, nous espérions alors recruter des individus développant des pratiques d'informations multi-support, susceptibles d'adopter les services multimédia pour consulter des informations journalistiques. Notre objectif était bien de recueillir des traces d'utilisation les plus « naturelles » possibles. Nous souhaitions repérer comment les services multimédia étaient utilisés pour alimenter les pratiques d'information et comment la réception des news venait s'encastrer dans la relation aux autres contenus.

De plus, nous n'avons pas émis de restriction particulière quant au profil sociodémographique des participants. Comme les personnes recrutées avaient des profils sensiblement différents et qu'elles nous semblaient représentatives de la population des

abonnés aux services multimédia, nous n'avons pas cherché à cibler des utilisateurs ayant un profil spécifique.

On peut en effet observer, dans le tableau ci-dessous, que les personnes ayant répondu favorablement à notre demande sont principalement des hommes (9 des 15 utilisateurs recrutés). Si cette tendance renvoie au profil des abonnés, on peut toutefois apercevoir que parmi les sept personnes qui utilisent très régulièrement la Mobile TV dans les transports en commun, on trouve 4 femmes et 3 hommes. Cette tendance est significative de l'engouement des femmes envers ce service. Son utilisation ne requiert pas de compétences techniques particulières et elle leur permet de transférer leur attachement aux contenus télévisuels dans les situations de mobilité, en regardant notamment des séries.

Si les hommes ont répondu plus favorablement à notre demande, c'est aussi parce que les femmes étaient plus réfractaires à l'idée de porter des lunettes caméra dans des lieux publics. Certaines des utilisatrices ont par exemple refusé de participer à cette étude car elles ne souhaitaient pas transporter avec elles le dispositif d'enregistrement vidéo. Les jeunes hommes étaient quant à eux davantage attirés par cette méthode dans la mesure où ils ont trouvé un intérêt dans l'expérimentation des lunettes caméra et des enregistreurs numériques.

Certaines personnes ont également décidé de mettre fin à leur participation à cette étude lorsqu’elles ont été confrontées au dispositif d’enregistrement vidéo. Elles refusaient de porter les lunettes caméra dans les lieux publics en raison de leur apparence disgracieuse. C'est pourquoi, comme cela apparaît au bas du tableau ci-dessous, nous nous sommes contenté de réaliser le premier entretien auprès de trois personnes.

Tableau 7 : Profil des participants

Si l'on regarde maintenant les 5 utilisateurs qui consultent essentiellement le WAP et la VOD, en parallèle de la lecture de la presse écrite, on s'aperçoit alors que quatre d’entre eux sont des hommes. Ceci tient au fait que le service de VOD permet aux hommes de consulter des bulletins d’informations sportives (par exemple le « Journal des sports » et le « Journal du foot » d’Orange World). Cet engouement pour les vidéos sportives les détourne de la réception de la Mobile TV.

En parallèle de la forte représentation des hommes, notre échantillon est composé d'individus fortement diplômés dans la mesure où 9 des 15 participants sont diplômés du supérieur, et les 3 lycéens peuvent potentiellement prolonger leurs études au-delà du baccalauréat (cf. le tableau ci-dessous). Cette tendance de notre échantillon va donc à l'encontre de l'idée selon laquelle les personnes les plus attachées à la consommation télévisuelle, au point de regarder des émissions sur leurs téléphones portables, auraient fait peu d'études. On peut toutefois noter que plus l'utilisateur est diplômé, plus il associe l'utilisation des services mobiles multimédia avec la lecture de la presse. A l'inverse, les lycéens sont de loin ceux qui se détournent le plus de la presse écrite au profit de la Mobile TV.

Usages

filmés Nom Sexe Age Profession

Niveau d'étude Lieu de résidence Durée du trajet 1 PQN / Gratuits

NP H 21 Étudiant Bac +3 Paris V 1 h 15

2 L H 25 Étudiant Bac +6 Paris XX 45 m

6 A F 39 Assistante de

direction Bac +2 Noisy Le Grand 45 m 3

WAP VOD

Gratuits PQN

T H 19 Étudiant Bac +1 Maison Alfort 30 m 4 JA H 27 Agent de contrôle Bac +4 Toulouse 30 m

5 V F 26 Secrétaire Bac Toulouse 1 h 15

7 P H 29 Gardien de la

paix Bac +2 Paris XIII 30 m

8 B H 22 Étudiant Bac +4 Paris XII 30 m

9

Mobile TV WAP VOD

Gratuits

N F 31 Secrétaire Bac Orly 45 m

10 H F 28 Chargée de

production Bac +5

Boulogne

Billancourt 1 h 11 L F 42 Secrétaire Bac Noisy Champs 1 h 15 12 BK H 17 Lycéen Niv. Bac Paris XII 30 m 13 BT H 17 Lycéen Niv. Bac Paris XII 30 m 14 S F 17 Lycéenne Niv. Bac Bagnolet 40 m 15 V H 24 Dessinateur

industriel Bac +5 Paris XIV 40 m

RAZ

L H 30 Animateur Bac Créteil 40 m Z H 37 Infographiste Bac +2 Paris IX 45 m E F 27 Stagiaire ONG Bac +2 Paris XIV 30 m

Figure 18 : Niveau d'étude des participants

Parmi les 15 participants, 7 poursuivent encore des études. Ce constat va de pair avec la forte représentation des 17 à 24 ans (cf. le tableau ci-dessous). Seules deux participantes ont plus de 35 ans. Là encore, cette tendance recoupe le profil des utilisateurs technophiles les plus susceptibles d'adopter ces services multimédia. Nous montrerons notamment, à travers l’exemple de ces deux utilisatrices, comment leurs usages des services multimédia sont étroitement articulés autour de leurs lectures de la presse. À la différence des plus jeunes, leur appropriation de ces services mobiles ne saurait cannibaliser leurs anciennes pratiques médiatiques développées en situation de mobilité.

Figure 19 : Age des participants

Dans la mesure où nous souhaitions filmer les usages des supports médiatiques en mobilité, nous avons fait en sorte de sélectionner des personnes empruntant régulièrement les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Comme les réseaux téléphoniques donnant accès aux services multimédia sont difficilement accessibles dans les transports souterrains, les utilisateurs empruntent plutôt les RER reliant les zones périurbaines aux grandes agglomérations (cf. le tableau ci-dessous). C'est pourquoi, 9 des

15 personnes recrutées empruntent chaque jour les RER ou les bus pour rejoindre leur lieu de travail.

Figure 20 : Types de transports empruntés par les participants

Cependant, cette tendance ne doit pas masquer le fait que le réseau téléphonique est parfois disponible dans les transports en communs souterrains. Comme nous le verrons à travers les pratiques des 6 autres personnes, la consultation des services multimédia est bien possible sur certaines lignes du métro parisien. Nous observerons alors comment ces usagers développent des arts de faire experts pour contourner les problèmes liés à la réceptivité de ce réseau. À travers cette lecture pragmatique des activités de réception, nous verrons comment les utilisateurs main-tiennent leur utilisation en recherchant les moyens de visibiliser cette disponibilité du réseau. C’est ainsi que les problèmes de connexion vont faire de cette pratique télévisuelle une épreuve, réellement différente de la réception domiciliaire, dans la mesure où les médiations techniques donnant accès aux programmes sont visibilisées et, de ce fait, problématisées.

Comme les utilisateurs empruntent souvent le RER pour rejoindre leur lieu de travail, leurs temps de transport sont relativement longs (cf. tableau ci-dessous). C'est pourquoi, 9 des 15 personnes interrogées mettent plus de 30 minutes pour aller travailler. Cette durée les invite à exploiter leurs trajets quotidiens pour explorer de nouveaux modes de divertissement, au rang desquels nous avons sélectionné les services multimédia. La longueur des trajets a davantage d'impact sur les usages des plus de 25 ans car ils en profitent pour explorer un mode de divertissement complémentaire à leurs lectures. En revanche, la durée a moins d’impact sur les plus jeunes dans la mesure où ils développent des arts de faire experts pour regarder leurs programmes favoris dans des créneaux d'utilisation toujours plus brefs.

Figure 21 : Durée quotidienne de leur temps de transport

Notre échantillon pour cette deuxième étude est donc composé d’utilisateurs « avancés » qui sont multi-équipés en TIC et qui développent des pratiques d’information intensives. Ces individus ont majoritairement moins de 35 ans, ils sont diplômés du supérieur et exercent une activité professionnelle en région parisienne. Comme ils ont un profil spécifique, nous singulariserons à de multiples reprises nos observations en insistant sur le fait qu'elles s'adressent aux usagers technophiles. Cependant, cette catégorie d'utilisateurs, qui fait sens commun dans les études d'usages, contribue à reproduire une représentation qui est aujourd'hui erronée. Il existe en effet de plus en plus de femmes technophiles. Leurs usages sont spécifiques car elles s'orientent massivement vers la consultation de séries, une fois leur veille informationnelle réalisée, là où les jeunes hommes technophiles la prolongent autour des informations sportives. Dès lors, le sens que les hommes vont donner à leurs déplacements va davantage être marqué par ces deux registres de veilles informationnelles (news et sport) là où les femmes technophiles les inscriront davantage sous le signe du divertissement (news et séries).

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