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L'appropriation du WAP par l'attachement aux news

L'ÉPREUVE DE L'APPROPRIATION DES SERVICES MOBILES MULTIMÉDIA

Chapitre 4 : L'appropriation des services multimédia par le travail des attachements aux genres médiatiques

II. L'appropriation du WAP et de la VOD par le travail de l'attachement opportuniste aux news l'attachement opportuniste aux news

1. L'appropriation du WAP par l'attachement aux news

Pour comprendre comment un service est catégorisé par les utilisateurs, notamment en situation d’entretien, il convient de saisir où ils se situent au moment où ils s’expriment. Par exemple, un usager utilisant le WAP depuis peu ne va pas rendre compte de ses utilisations de la même manière que celui qui l’a associé à ces activités

médiatiques quotidiennes. C’est pourquoi, nous nous baserons ici sur l’expérience des 20 utilisateurs de notre l'échantillon qui fréquentent le WAP depuis plus de six mois (cf. schémas ci-dessous).

Figure 8 : Ancienneté de l'utilisation du WAP

Pour comprendre comment ils catégorisent ce service, il convient ensuite de saisir l’usage qu’ils en font. Dès lors, nous avons cherché à repérer quels types de contenus ils consultent à l’aide du WAP (cf. histogramme ci-dessous). Il apparaît alors que les news sont consultées par tous les usagers qui utilisent le WAP (23 sur 29). Et, si l'on englobe sous le genre journalistique, les rubriques « News », « Météo » et « Sport », il apparaît clairement qu’il se situe au centre des utilisations. En termes de fréquence de consultation, c’est également celui qui alimente les visites les plus régulières.

Figure 9 : Audience des différents contenus consultables depuis le WAP

Si l'on s'intéresse plus précisément à la fréquence des utilisations (cf. histogramme ci-dessous), on note la place que les utilisateurs ont accordé à ce service dans leurs pratiques quotidiennes puisque 15 usagers se connectent au WAP régulièrement, c'est-à-dire au moins une fois par semaine, et 8 l’utilisent occasionnellement.

Figure 10 : Fréquence de l'utilisation du WAP

Cet histogramme rappelle que 6 usagers disent ne pas utiliser ce service. Même si nous avançons l’idée selon laquelle ils l’utilisent nécessairement comme une interface de navigation, on voit mieux pourquoi ils formulent cette réponse. Comme ils ne le mobilisent pas pour consulter des contenus propres à ce service (les news, les infos boursières, les infos trafic, etc.), ils considèrent qu’ils ne l’utilisent « Jamais ». Il n’y a bien entendu pas lieu de remettre en cause leur point de vue. Au contraire, leur positionnement nous amène à réfléchir sur la manière dont ceux qui utilisent ce service vont le catégoriser.

c) Comment l’appellation WAP se dilue dans les news

Nous avons montré que le WAP sert avant tout à consulter des news. Il est maintenant intéressant de noter que, parmi les lieux habituels d'utilisation (cf. histogramme ci-dessous), le domicile ressort en premier. Ceux qui ne le consultent jamais au domicile le font plutôt dans les transports ou dans des lieux publics.

Figure 11 : Les lieux habituels de connexion au WAP

Cette tendance domiciliaire est paradoxale puisque nous serions tenté de croire que l’Internet Mobile est plutôt utilisé en situation de mobilité. Plusieurs raisons permettent d’expliquer ce paradoxe, déjà relevé par toutes les études abordant les usages des fonctions communicationnelles mobiles.

Il peut tout d’abord être renvoyé à la fracture numérique. Tous les usagers interrogés ne possèdent pas un ordinateur relié à Internet. Ils sont alors tentés de combler cette absence par le recours au WAP. Ou, si leur foyer est bien équipé d’un ordinateur, ils n’y ont pas toujours accès. Quand un membre du foyer occupe déjà le poste informatique, le WAP peut être utilisé comme un recours pour mener à bien des recherches d’information.

Ce paradoxe peut ensuite être renvoyé au fait que les utilisateurs, et plus particulièrement les utilisatrices, disent être très à l'aise avec leur téléphone mobile. La simplicité d'utilisation de ce service explique pourquoi tant de personnes interrogées se connectent au WAP quand elles sont chez elles. En effet, si les experts en informatique du logis rechignent à utiliser le WAP, tant l'éventail des informations proposé est restreint, il en va autrement pour les membres du foyer qui peinent à utiliser Internet. Pour ces utilisateurs qui ont des compétences en informatique tâtonnantes, les navigations sur Internet sont perçues comme des parcours du combattant parsemés d'embûches. Si ces personnes peuvent être rebutées par les multiples problèmes de navigation, elles butent

avant tout sur ce vieil adage : « Trop d'informations tue l'information ». Elles peinent à s'y retrouver dans la multiplicité des sources disponibles. Elles se laissent parfois guider par leur navigateur Internet qui, dès son ouverture, donne accès à la rubrique « News » disponible sur la page d'accueil de leur fournisseur d'accès. Mais, même si cette fenêtre sur les questions d'actualité est facile à entrouvrir, elles n'ont pas le réflexe de l’emprunter. Elles préfèrent investir leur objet fétiche aux services polymorphes.

Ainsi, lorsque ces personnes sont chez elles, elles préfèrent se connecter au WAP plutôt que d'investir l'ordinateur familial. Pour les personnes peu compétentes en informatique, l'utilisation du téléphone mobile va de soi. En cas de problème de connexion, il n'y a pas à chercher très loin. La réponse est trouvée d'avance. Soit « Ça capte plus ! ». Dans ce cas, on diffère l’utilisation. Soit « Ça bogue ! ». Dans ce cas, il n'y a plus qu'à se déconnecter ou à éteindre son mobile avant de réessayer. Ces utilisateurs considèrent que l’essentiel, malgré la lenteur du WAP et la taille de l’écran, c’est que ça marche ! Grâce au WAP, il devient facile de jeter un œil aux dernières news ou de visionner chaque matin la météo du jour. Ainsi, lorsqu'ils recherchent une information, ces usagers peu compétents en informatique n'ont plus à se demander quels sites ils doivent consulter. Le propre de la navigation WAP est qu'elle est extrêmement bien balisée, elle s'appuie sur des rubriques claires qui mènent directement à l'information recherchée.

En effet, le WAP comporte différentes rubriques : les « News », un espace de « Téléchargement » (Sonneries, logos, fonds d’écran, etc.), les pages du compte utilisateur « Perso » et, comme nous l’avons dit, la rubrique « Vidéo / Chaînes TV ». Chaque rubrique est ensuite structurée en sous-rubrique. Par exemple, sous les « News », l’utilisateur se voit proposer : « En Une », «Monde », « Société », « France, « Météo », « Sports », etc.). Ces sous-rubriques hiérarchisent donc les informations en reproduisant la catégorisation des quotidiens et, plus particulièrement, celle de leur portail Internet. Et, comme sur les sites de presse, ces catégories jouent la fonction de liens de navigation que les usagers sélectionnent pour accéder aux contenus ainsi répertoriés.

Dès lors, cette armature des rubriques balise les logiques de navigation au sein du WAP. Si les usagers compétents en informatique affichent leur frustration vis-à-vis de ce balisage, qui ne déborde pas des news et d’un espace de téléchargement payant, ils reconnaissent cependant qu’il forme au contraire une ressource quand il s'agit de consulter les news. Si ces utilisateurs dépassent les autres personnes interrogées par leur

degré d'expertise technique, ils partagent avec elles les mêmes arts de faire pour alimenter leur relation aux informations généralistes. Comme elles, quand ils mobilisent leur téléphone pour se tenir informés, leur objectif premier est d'accéder rapidement à une vision globale de l'actualité qui leur permettra de prendre connaissance des principaux faits du jour. Les pages « News » du WAP jouent à merveille ce rôle puisqu'elles synthétisent l'essentiel des infos du jour. C’est pour cela que les utilisateurs interrogés consultent les informations à partir de leur mobile car ils savent que la configuration du WAP va leur donner accès à l'essentiel des news en peu de temps. Dès lors, pour comprendre la diffusion des usages du WAP dans les domiciles, il convient de prendre en compte cette autre forme de compétences développées autour du genre journalistique.

Il est alors intéressant d’observer que c’est à travers cette structuration du WAP en rubriques (« News », « Téléchargement », etc.) qu’ils vont catégoriser leur utilisation de ce service. Lors des entretiens, aucun utilisateur n’a dit : « le matin je consulte le WAP pendant que je suis dans le métro ». Ils disent tous sans exception : « le matin je consulte les news ». En ce sens, il singularise leur utilisation de ce service autour de la rubrique de contenu qu’ils visitent le plus souvent. De plus, seuls les news permettent d’alimenter des usages quotidiens en raison de leur réactualisation en continu. Il y a en effet peu d’intérêt d’aller visiter chaque matin la page téléchargement, qui recense souvent les mêmes sonneries que la veille, ou de naviguer dans l’espace « Perso » pour suivre l’état de sa consommation. C’est pourquoi, cette offre de contenu on ne peut plus restreinte invisibilise le service WAP derrière la rubrique « News ». Comme ce service ne permet pas de faire grand-chose, si ce n’est les consulter, les utilisateurs finissent par diluer leurs usages du WAP dans leurs pratiques d’information en disant : « Je me sers de mon téléphone mobile pour m’informer ». En situation d’entretien, ils affichaient alors une certaine incompréhension quand nous leur demandions d’expliciter leurs utilisations de ce service. Ils avaient le sentiment que nous cherchions à les enfermer dans une tautologie comme s’ils devaient par exemple dire : « Je lis la presse pour consulter des informations ».

Derrière ce processus apparemment anodin de l’appropriation, on peut observer comment ils catégorisent eux-mêmes leurs usages sous une catégorie qui est, d’une certaine manière, « naturelle ». En effet, la sociologie des publics est habituellement contrainte de définir de manière arbitraire, et a priori, des genres télévisuels pour observer les pratiques qui lui sont liées. Elle assume cette part d’arbitraire et tente de le

fonder, le plus rigoureusement possible, sur les caractéristiques de chaque format télévisuel, comme c’est le cas avec les JT242. Ici, nous avons la possibilité de voir comment les usagers catégorisent d’eux-mêmes leurs usages sous un genre médiatique : les news. Nous pouvons prendre ce genre tel qu’il est inscrit sur les interfaces (« News » ou « Infos ») sans chercher à le reformuler. Il nous suffit simplement d’observer comment ils s’approprient ce que nous pourrions appeler, dans la lignée de Michel De Certeau243, une prescription de catégorisation, en la requalifiant à partir du registre de pratique qui englobe ces usages, les pratiques d’information. C’est ce qu’ils affirment quand ils disent se saisir de leur téléphone pour suivre les informations. Pour donner toute la pertinence de cette lecture pragmatique de la catégorisation des services mobiles multimédia, il convient de croiser les usages du WAP avec les usages de la VOD.

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