• Aucun résultat trouvé

L'ÉPREUVE DE L'APPROPRIATION DES SERVICES MOBILES MULTIMÉDIA

Chapitre 4 : L'appropriation des services multimédia par le travail des attachements aux genres médiatiques

I. Présentation du protocole d'enquête

2. Présentation de l’étude

La première étude avait pour objectif de saisir l'appropriation de l’ensemble des services mobiles multimédia (WAP, vidéo en streaming et Mobile TV). Pour observer des usages représentatifs, il a été nécessaire de rechercher des personnes ayant accès à ces offres depuis plus de deux mois. Nous considérons que ce délai est suffisamment important pour permettre aux utilisateurs de sortir d'une logique de découverte et stabiliser leurs usages.

En faisant ce choix, notre recrutement s'est orienté vers une population spécifique dont le portrait a largement été décrit par les multiples études d'usage. Il s’agi du profil

« lead user »238. Ces utilisateurs technophiles forment en effet le cœur de cible des offres multimédia dans la mesure où ils sont les premiers à se les approprier, au même titre que la plupart des innovations technologiques. Après avoir précisé le profil des individus recrutés pour réaliser les entretiens, nous proposerons un rapide tour d'horizon de leurs usages afin de permettre au lecteur de mieux se représenter ce que leur téléphone multimédia leur fait faire.

a) Les variables discriminantes retenues pour le recrutement de l’échantillon

Cette étude a été réalisée entre le mois de décembre 2005 et le mois de mars 2006. Même si le service de Mobile TV a été commercialisé un an avant cette étude, au mois de décembre 2004, les 29 usagers interrogés l’utilisaient peu, voire pas du tout. Dès lors, les premiers entretiens traitent essentiellement des usages du WAP et de la plateforme de VOD (Video On Demand). Ce n'est qu'à partir du mois de décembre 2006, lors de la deuxième phase de cette étude, que nous avons réellement pu nous intéresser aux utilisations de la Mobile TV. 18 utilisateurs supplémentaires ont alors été recrutés pour réaliser des entretiens, des suivis ethnographiques à l’aide de lunettes caméras et des entretiens d’autoconfrontation. Même si ces données « naturalistes » seront analysées dans la partie suivante (cf. Partie III), lorsque nous nous focaliserons sur les 15 participants ayant filmé leurs déplacements dans les transports en commun parisiens, nous traitons dans la partie consacrée ici aux usages de la Mobile TV, les informations recueillies à l’aide des entretiens et des questionnaires (cf. L'appropriation de la Mobile TV comme épreuve traversée en opportuniste, p. 136).

Lors des deux phases de cette étude, nous avons donc recruté un panel de 47 utilisateurs régulier des services mobiles multimédia. Nous considérons, de manière arbitraire mais réaliste, qu’une utilisation peut être qualifiée de régulière quand elle est répétée plusieurs fois par semaine. C’est pourquoi les usagers dont nous observons ici les usages ne sont plus dans la découverte, ils se sont réellement appropriés ces services en les assimilant quotidiennement à la palette de leur consommation médiatique.

En parallèle de cette variable de l’intensité des usages, les personnes recrutées devaient être de grosses consommatrices d'informations journalistiques. L’idée était d'inclure dans notre démarche des personnes qui mobilisent plusieurs supports

d'information pour se tenir informées, notamment en situation de mobilité. Nous espérions par là pouvoir visibiliser comment des utilisateurs entrelacent leurs usages des supports médiatiques, notamment les services mobiles multimédia, autour d’un genre de contenus.

Sur les 29 personnes recrutées lors de la première phase, 21 sont équipées d'un téléphone 3G et ont ainsi accès à l'ensemble des services multimédia (WAP, vidéos en streaming, Mobile TV) alors que 8 ont uniquement accès au WAP. A aucun moment nous avons eu cette intention. Il s'agit d’un aléa des procédures de recrutement qui nous ont amenées à inclure dans notre échantillon les personnes reconnaissant, lors des entretiens téléphoniques, utiliser les différents services multimédia. Or, une fois que nous avons approfondi ces échanges en situation d’entretien, il est apparu que ces personnes ne développaient pas les usages qu’elles avaient initialement annoncés.

Avec du recul, cet aléa est venu enrichir notre démarche. Il nous a incité à mettre au cœur de nos analyses la difficulté avec laquelle les utilisateurs pouvaient se représenter leur utilisation. Nous montrerons que la catégorisation technique et commerciale des services (WAP, vidéo ou Mobile TV), soit celle que nous avons mobilisés lors des entretiens téléphoniques, n’est pas forcément celle que les utilisateurs mobilisent pour identifier et restituer leurs utilisations. Dès lors, en pragmatique, nous montrerons comment est-ce qu’ils catégorisent leurs usages d’une manière totalement différente de cette catégorisation commerciale. C’est à travers cet art de faire239, au travers duquel ils se jouent de cette catégorisation prescrite des services, que l’on peut expliquer, a posteriori, pourquoi 8 des 29 usagers interrogés n’avaient finalement accès qu’au WAP.

En parallèle de ces variables, nous avons également décidé de dissocier notre échantillon en deux en recrutant 15 habitants de la région parisienne et 14 habitants de Toulouse ou de sa périphérie. Cette dimension du lieu de résidence est centrale tant les usages des services multimédia sont conditionnés par les modalités de déplacement. Comme les Parisiens empruntent beaucoup le métro, et comme la connexion à ces services est difficile dans les transports souterrains240, il a été pertinent de se tourner vers Toulouse et ses bus pour rencontrer des utilisateurs pionniers ayant assimilé ces fonctionnalités à leur consommation médiatique.

239 De Certeau, 1980.

240 Précisons que lors de la deuxième phase de l’étude, le réseau téléphonique couvrait certaines lignes du métro parisien. Nous analyserons dans la troisième partie comment les utilisateurs redistribuent leurs activités médiatiques autour de la disponibilité/indisponibilité du réseau téléphonique.

En ayant délimité cet échantillon autour de l’intensité des usages, des services multimédia et des supports d’information, ainsi que du lieu de résidence, nous avons donc fait le choix de ne pas le structurer autour des variables sociodémographiques. On peut dire, a posteriori, que les profils des personnes recrutées sont suffisamment diversifiés et représentatifs pour ne pas biaiser notre étude. C’est du moins ce que nous allons maintenant montrer en décrivant la répartition de notre échantillon selon chaque variable sociodémographique.

b) Données de cadrage sur le profil sociodémographique des membres de

l’échantillon

Si nous référons le profil sociodémographique des 29 personnes interrogées, lors de la première phase de cette étude, à la répartition de la population française, on peut noter :

- Une surreprésentation des hommes : l’échantillon est constitué de 19 hommes et de 10 femmes.

- Une surreprésentation des moins de 35 ans

Tableau 3 : Répartition de l’échantillon selon l’âge

11 8 6 4 0 2 4 6 8 10 12

- Une sous-représentation des personnes mariées

Tableau 4 : Répartition de l’échantillon

- Une surreprésentation des personnes diplômées de l’enseignement supérieur

Tableau 5 : Répartition de l’échantillon selon le niveau d’étude

- Une sous-représentation des chômeurs et des étudiants. Une surreprésentation des employés administratifs et des employés de commerce

Tableau 6 : Répartition de l’échantillon selon la PCS

4 9 6 4 6 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

En couple En couple vivant maritalement

Marié(e) Célibataire Célibataire vivant chez ses parents

9 9 4 3 3 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Employés adminsitratif et E. de commerce Professions intermédiaires Cadres d'entreprise, professions libérales et artistiques Personnels de service

direct aux particuliers Etudiants Chômeurs

L’échantillon d’individus dont nous analysons ici les usages peut dès lors être qualifié de technophile. Il regroupe essentiellement des hommes, de moins de 35 ans, vivant maritalement, étant diplômés du supérieur et exerçant une activité professionnelle dans une grande agglomération. Ce profil, aussi générique et caricatural soit-il, est convoqué dans une démarche pragmatique comme la nôtre pour faire échos aux nombreux acquis de la sociologie des usages. Ces utilisateurs font partie des foyers multi-équipés. Ils sont les plus disposés à assimiler des nouvelles technologies dans leur consommation médiatique. Nous noterons cependant à plusieurs reprises que la facilité d’utilisation des téléphones mobiles et l’attachement des femmes aux programmes télévisés incite à ne pas renvoyer trop vite l’appropriation de la Mobile TV à cette figure masculine de la technophilie.

Et, d’une manière générale, le niveau d’analyse que nous allons investir, à l’aide des entretiens comme des enregistrements vidéo, minimise l’importance de ces profils et, plus généralement, des variables sociodémographiques. Elles influent peu sur la catégorisation des services, que nous allons maintenant aborder, ou sur l’ancrage de l’activité de réception dans l’écologie des déplacements (cf. chapitre 5) et sur l’ancrage public des usages de la Mobile TV dans les échanges proxémiques de civilité (cf. chapitre 6). C’est pour cette raison que ces variables apparaissent ici comme secondaires.

II.L'appropriation du WAP et de la VOD par le travail de

Outline

Documents relatifs