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La professionnalisation : une volonté des organisations patronales et des entreprises ?

UNIVERSITAIRES ET RAPPROCHEMENT UNIVERSITE- UNIVERSITE-ENTREPRISE

II. Enjeux et formes concrètes de la professionnalisation dans le champ de l’enseignement supérieur : éléments de définition

4.2 La professionnalisation : une volonté des organisations patronales et des entreprises ?

De longue date, les entreprises et organisations patronales sont favorables au rapprochement Université-Entreprise. Au cours des deux dernières décennies, l’engagement des responsables professionnels dans l’enseignement supérieur est allé croissant. Différents aspects sont mis en avant.

Pour les professionnels, l’un des principaux enjeux est la réduction du temps d’adaptation au premier emploi que permet le recrutement d’un diplômé quasi-opérationnel au sortir de la formation. Le processus de redéfinition des formations initiales sur des champs de compétences rapportés à un domaine d’activité ou un emploi spécifique (au moyen d’une

228 Contribution de la Confédération Etudiante dans le cadre du grand débat national Université-Emploi, Pour l’égalité des chances – Une orientation choisie, une professionnalisation durable, Novembre 2005.

concertation entre acteurs de l’éducation et acteurs économiques) évite une formation professionnelle sur le tas (couteuse) et permet des gains de productivité.

Un autre enjeu qui explique le relatif plébiscite en faveur de la professionnalisation tient au fait que la construction d’un diplôme professionnalisé, de préférence sélectif, assure aux groupes professionnels de référence une certaine reconnaissance, et la valorisation d’une expertise spécifique. Les travaux relatifs à la professionnalisation menés dans le champ de la sociologie des professions trouvent ici écho. Le mouvement de professionnalisation des formations peut apparaître comme un instrument utilisé par les groupes professionnels en vue d’asseoir leur reconnaissance institutionnelle, la valorisation d'une expertise singulière, le contrôle de mécanismes sociaux définissant l’accès à l’emploi, etc.

Les auditions réalisées dans le cadre du rapport de Patrick Hetzel éclairent sur les positions des diverses organisations patronales, favorables à une coordination des actions relatives à la régulation et l’organisation de l’offre de formation au sein des universités. Trois organisations patronales ont retenu notre attention (MEDEF, ACFCI et CGPME). Comme ce fut le cas pour l’analyse des positions défendues par les organisations étudiantes, le choix a été fait de retranscrire de longs passages des auditions réalisées afin de considérer objectivement la position et les souhaits des uns et des autres. Sur le fond, l’ensemble des organisations patronales sont favorables au développement des formations professionnalisées et des stages en entreprise, le tout dans le cadre organisationnel nouveau que constitue le dispositif LMD. Par ailleurs, une attention particulière a été portée aux modalités et dispositifs institutionnels servant de support au mouvement. Une modification des modalités de gouvernance de la formation est souhaitée au moyen d’une autonomisation et responsabilisation des universités dans les domaines relatifs à la gestion et au financement des formations et par la mise en œuvre de partenariats étroits avec le monde de l’entreprise. « Une nouvelle gouvernance et un financement diversifié (…) un mode de gouvernance resserré, une valorisation de la culture du résultat, et une adaptation du financement abordée sans tabou ».

a). Le MEDEF

Le MEDEF, principale organisation patronale en France, a une position favorable au rapprochement entre les universités et les entreprises (ou organisations professionnelles). Si la structure affirme sa volonté de s’engager dans la construction de partenariats avec

les établissements universitaires dans le cadre de l’élaboration et la gestion des diplômes, elle plaide surtout pour une évolution du mode de gouvernement des universités. Le MEDEF pose comme condition de son engagement, la mise en acte d’une nouvelle gouvernance universitaire assise sur plus d’autonomie des établissements ; gage de leur « capacité de passer des contrats, d’en assurer le suivi et l’exécution, et de mobiliser les moyens nécessaires ».

« De nombreuses mesures de ce rapport vont dans le bon sens, du point de vue du MEDEF. Il souligne clairement le nécessaire rapprochement entre l’Université et l’entreprise, qu’il s’agisse de la participation de l’entreprise aux enseignements ou à l’orientation, de la professionnalisation des études ou de l’organisation générale des universités. Les universités ne pourront jouer pleinement leur rôle qu’à la condition d’avoir les moyens d’assurer leurs responsabilités, c’est-à-dire une plus grande autonomie, ce qui nécessite une nouvelle gouvernance et un financement diversifié. Plusieurs recommandations du rapport de Patrick Hetzel vont dans ce sens : un mode de gouvernance resserré, une valorisation de la culture du résultat, et une adaptation du financement abordée sans tabou ».

« La réforme de l’ensemble de notre système éducatif est aujourd’hui nécessaire et urgente. (…) Il y a un certain temps, des études à long terme étaient effectuées d’une part par le ministère de l’Education nationale pour les formations et, d’autre part, par le ministère de l’Emploi pour les qualifications. Les deux étaient périodiquement rapprochées par le Commissariat au Plan, ce qui permettait de comparer ce que l’on appelait- je vous prie de me pardonner d’utiliser des expressions condamnables dans le monde universitaire – «les besoins de l’économie» en matière de qualification et la «production» du système éducatif en matière de formation, en termes quantitatifs. Bien que ces études n’aient pas été utilisées à cette fin, à ma connaissance, elles auraient pu permettre d’informer les jeunes et leurs familles, à l’entrée à l’université, sur la nature et le nombre approximatif des emplois auxquels pouvaient conduire les différentes filières, et donc sur la probabilité que la formation reçue débouche sur un emploi. Naturellement, les deux approches ne sont pas complètement cohérentes. C’est bien normal, car d’après mon expérience d’employeur, une bonne formation peut permettre d’accéder aux qualifications les plus diverses.

Néanmoins, cela permettrait d’éviter des erreurs trop massives en termes d’orientation. Ce type d’analyse peut donner aux pouvoirs publics quelques éléments de référence pour orienter la répartition de son effort budgétaire entre les différentes filières, en privilégiant celles dont les débouchés en termes d’emploi sont les plus prometteurs. Il peut aussi donner aux jeunes une information utile pour choisir, s’ils le veulent, des formations correspondant à des qualifications recherchées au niveau du marché du travail. (…) Les responsables de l’entreprise peuvent faire deux propositions concrètes. La première est d’élargir ce qui est déjà pratiqué dans certains établissements d’enseignement supérieur, en particulier dans les grandes écoles et certaines universités comme Sciences Po ou Dauphine. Il s’agit de faire en sorte que nos cadres soient disponibles pour des tâches d’enseignement afin que les jeunes puissent avoir un contact avec des personnes engagées dans la vie des entreprises. (…) Notre deuxième proposition pourrait être de contribuer à l’effort d’orientation. Certains de nos cadres, et de nos retraités pourraient participer à des réunions organisées dans les universités au sujet des filières professionnelles et des carrières. (…) L’université n’offre pas suffisamment de formations véritablement professionnalisantes au niveau « L ». (…) Dans des universités où n’existe a priori pas de préjugé de principe, pour ne pas dire idéologique, des contacts de très bonne qualité se nouent et des actions s’engagent. Dans ce domaine, il serait important de donner aux universités des marges de manœuvre qui leur permettent d’agir et, si je puis dire, des systèmes de gouvernement d’institution -pour franciser un terme britannique- qui leur permettent de décider dans des conditions efficaces. (…)Les responsables d’entreprise ont l’habitude de traiter avec d’autres entreprises qui sont organisées de façon à assurer la sécurité de l’exécution des accords passés, et qui ont la capacité de rassembler les moyens nécessaires. L’université forme des licenciés, des masters et des docteurs. L’organisation de sa gestion et les moyens dont elle dispose pour le faire sont évidemment déterminants pour assurer le résultat. (…) Si nous nous engageons dans la formation en alternance et, dans la collaboration avec les universités en matière d’orientation et d’information, cela suppose que les universités aient une capacité réelle de passer des contrats, d’en assurer le suivi et l’exécution, et de mobiliser les

moyens nécessaires comme nos clients et nos fournisseurs, pour utiliser un langage qui est celui de notre vie quotidienne »229.

b). L’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie (ACFCI)

L’ACFCI est également favorable à la professionnalisation des études, mais insiste sur l’importance de conserver un socle de savoirs et connaissances théoriques dans les programmes d’enseignement.

« Nous voyons que certaines formations supérieures sont déjà professionnalisantes, évidemment et heureusement, y compris à l’Université. Il existe aussi, cependant, à peu près autant de formations qui sont trop peu ou insuffisamment professionnalisantes. (…) Si nous souhaitons une professionnalisation des études dans l’université, notamment en fin de cycle, nous pensons que ce ne doit en aucun cas s’effectuer aux dépens de l’apprentissage des fondamentaux ou de ce que j’appelle la culture générale ». c). La Confédération Générales des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME)

A l’instar du MEDEF et de l’ACFCI, la CGPME voit elle aussi dans la professionnalisation des études un facteur permettant d’améliorer les liens entre les formations et les attentes des entreprises. Sur un plan organisationnel, l’organisation souhaite renforcer les liens entre les universités et les PME, notamment en renforçant la présence des ces dernières au sein des conseils de direction des établissements. Sur le fond, la professionnalisation doit s’étendre à l’ensemble des filières de formation et permettre d’accroître l’employabilité des diplômés. A cette fin, une importance toute particulière doit être accordée à l’information et l’orientation des étudiants. Il faut, selon la CGPME, orienter les étudiants sur des diplômes prometteurs en termes d’insertion professionnelle, et par conséquent évaluer les diplômes et ajuster les financements sur ce critère.

« Nous le retrouvons dans les universités : les jeunes qui y rentrent ne savent pas quelle voie choisir. Ils font des études, c'est sympathique, intéressant, voire passionnant, mais n’ont aucune idée des débouchés. Aussi, insistons-nous pour rendre cette employabilité réelle, pour que leur soient données des informations en amont afin qu'ils choisissent une voie et les types de formations qui les

amèneront à un métier qui les fera vivre. (…) Il faut avoir le courage de mettre en garde un jeune pour qu’il n’emprunte pas cette voie car elle ne conduira ni à un métier ni à un résultat. Le jeune s’ennuiera toute sa vie. Il est certain que cette proposition n’est pas aisée à mettre en œuvre, mais nous sommes dans cette perspective. (…) A ce jour, nous continuons à être ouverts à un conventionnement possible entre l'Enseignement supérieur et notre Confédération, comme nous concevons que cela puisse également se faire entre l’Enseignement supérieur et le MEDEF. (…) Force est de constater que, malheureusement, la représentation naturelle de la petite et moyenne entreprise -je parle de la CGPME- est faible au sein des conseils universitaires. Il nous semble possible de remédier à cette difficulté. On se plaint amèrement d'un manque de relations entre l'entreprise et l'université, notamment la TPE ou la PME et l'université. La première urgence vise à permettre un accès, et je pense qu'il est possible de modifier les statuts des conseils en ce sens, pour que les PME soient représentées. Ce serait un signe fort qui permettrait également d'avoir une vue globale, notamment dans les instances comme la Commission Formation et sur la politique que mène la CGPME avec les universités. (…) Il faut à tout le moins, et c’est un minima, une information claire, des mises en garde faites sur les faibles chances d'insertion de certaines filières car, effectivement la transparence et la vérité par rapport à ces jeunes est essentielle. (…) Troisième grande idée : il conviendrait que les filières de l’Enseignement supérieur considérées comme devant déboucher directement sur l'emploi soient évaluées principalement d'après ce critère, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. (…) Il nous paraît primordial de privilégier systématiquement la dimension de la professionnalisation, notamment en intégrant une notion territoriale. Le maillage d'universités sur le pays est très important. Il s'est considérablement développé depuis plusieurs années en relation avec les réalités économiques du territoire. Un critère d'évaluation en fonction des débouchés professionnels nous paraît primordial pour les filières dites

‟professionnelles”»230.

230 Education nationale –Débat national Université-Emploi – Audition de la CGPME, Mercredi 14 juin 2006.

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