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La professionnalisation : une attente pour les étudiants et les familles ?

UNIVERSITAIRES ET RAPPROCHEMENT UNIVERSITE- UNIVERSITE-ENTREPRISE

II. Enjeux et formes concrètes de la professionnalisation dans le champ de l’enseignement supérieur : éléments de définition

4.1 La professionnalisation : une attente pour les étudiants et les familles ?

Les inquiétudes des étudiants et des familles quant à l’accès à l’emploi au terme du cursus de formation et après obtention d’un diplôme sont réelles. Les difficultés d’insertion dans l’emploi et de stabilisation professionnelle qui touchent, dans des proportions variables, l’ensemble des sortants du système éducatif sont assez largement interprétées comme de la responsabilité des systèmes d’éducation et de formation. Il est communément sous-entendu que ces derniers offrent des diplômes inadaptés aux attentes des professionnels, ou difficilement valorisables, sur le marché du travail. Dans les conditions actuelles de concurrence accrue à l’accès à l’emploi et dans un contexte de diminution du volume des emplois à pourvoir, les formations professionnalisées de niveaux supérieurs jouissent (conséquence en partie d’une construction politique et d’un argumentaire valorisant la professionnalisation) d’une représentation positive - ces diplômes apporteraient aux employeurs potentiels des signaux clairs sur les compétences professionnelles du candidat à l’embauche et ses capacités d’adaptation rapides à l’exercice d’un travail219. Le diplôme professionnalisé est perçu comme un gage, sinon de sureté, tout au moins de reconnaissance d’une professionnalité clairement identifiable et valorisable sur le marché du travail.

Historiquement cette représentation positive de la professionnalisation est d’importance. Nombre de structures syndicales étudiantes ont eu une posture favorable au déploiement de la professionnalisation au sein des universités. Didier Fischer,220 qui a étudié le mouvement étudiant, précise que, dès le congrès de Grenoble de 1959, l’UNEF était favorable au développement de la professionnalisation des études. Selon l’auteur, pour l’organisation, « l’université n’a de sens que si elle prépare les étudiants qu’elle accueille à la vie professionnelle. Ce qui ne veut pas dire pour autant une professionnalisation systématique des filières. L’université a un devoir de mise en condition

219 Arrow K., 1973, « Higher Education as a Filter », Journal of public Economics, 2. Thurow L., 1975, Generating inequality, Basic Books.

professionnelle ». Lors du congrès de Lyon en 1960, l’organisation syndicale affirme que l’Université : « devra également s’adapter à l’économie nationale, ce qui suppose un développement considérable de l’information sur les débouchés, de l’orientation, et aussi un dialogue avec la profession, non pas pour se plier à ses exigences mais pour en tenir compte »221.

La position favorable des organisations étudiantes en faveur de la professionnalisation des formations a été un élément facilitateur du développement rapide des filières et diplômes professionnalisés à l’Université. Ainsi, comme le rappelle José Rose,222 « la demande de professionnalisation s’est ainsi confortée dans la période récente sous l’effet d’une évolution des comportements d’étudiants plus soucieux de leur avenir professionnel et très demandeurs d’une certaine opérationnalité des études. Cette demande s’est aussi diversifiée avec le succès croissant des filières professionnelles courtes, qui sont très bien placées dans les vœux des bacheliers223, mais aussi des spécialisations ultérieures comme les DESS, qui accueillent souvent les meilleurs étudiants de maîtrise. Mais cette demande est loin d’être exclusive et nombre d’étudiants, selon en enquête menée par le MEN (Lemaire, 2002) mettent en tête de leurs motivations l’intérêt des études elles-mêmes224 ».

Très récemment dans le cadre du grand débat national Université-Emploi, une commission nationale a auditionné les différents acteurs sociaux et professionnels intéressés par les relations Université-Emploi en vue de prendre connaissance des positions de chacun sur ce sujet. La professionnalisation au cœur de la problématique du groupe de travail a été assez largement plébiscitée par les différents syndicats d’étudiants.

221 Fischer D., 2000, L’histoire des étudiants en France de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion.

222 Rose J., 2008, « La professionnalisation des études. Tendances, acteurs et formes concrètes », 1ère

biennale formation-emploi-travail, Les chemins de la formation vers l’emploi, Relief 25, Céreq, mai, pp 43-58.

223 Selon S. Lemaire - Qui sont les nouveaux étudiants ? Motivations et représentations des nouveaux bacheliers inscrits en DEUG à la rentrée 2001, Note d’information MEN, n° 02.02 - 30 % des nouveaux inscrits en DEUG avaient déposé des dossiers dans une filière sélective : 13% en STS, 12% en IUT, 6% en prépa, 3% en écoles.

224 Parmi les nouveaux inscrits en DEUG interrogés sur les raisons de leur inscription, 60% citent l’intérêt pour les études, 52% le projet professionnel, 15% les débouchés, 9% l’envie d’aller à l’université et 14% disent qu’ils n’ont pas pu entrer où ils voulaient.

Les propos tenus par le responsable de l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), principal syndicat étudiant, sont sur ce point révélateur225 :

« Notre enseignement supérieur - et particulièrement les universités- traversent une sorte de crise quant à la capacité qu’elles auraient à pouvoir insérer les étudiants de manière correcte. (…) pour nous, la professionnalisation ne doit pas être limitée à certaines filières hors université ou même dans l’université avec les développements réussis des IUT, des licences professionnelles, des IUP qui ont malheureusement disparu et des masters professionnels. La professionnalisation doit exister pour toutes les filières et doit être un apprentissage progressif au même titre que les autres matières, à partir de la première année et jusqu’à la dernière année, avec des enseignements transversaux qui sont actuellement des prérequis indispensables pour l’insertion professionnelle : les langues, l’informatique, la connaissance du monde de l’entreprise, du droit du travail car c’est important, ainsi que l’aide à la construction du projet personnel et professionnel. Il faut que tous ces enseignements soient vraiment intégrés au cursus et soient une part entière de l’apprentissage. Il faut proposer un suivi plus individualisé des jeunes diplômés pendant et après l’insertion professionnelle. La question qui se pose aussi actuellement à l’université est finalement la suivante : quelle doit être la découverte de l’entreprise dans le cadre de l’université ? (…) Cette connaissance de l’entreprise passe peut-être plus par les stages.»

La Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) souhaite vivement la continuation du déploiement des licences professionnelles et l’instauration massive de stages en entreprise :

« Nous préconisons des majeures et des mineures qui tiennent leur rôle, une responsabilité accrue des enseignants, une habilitation nationale, une inscription au Registre National des Certifications Professionnelles, une lutte contre l’échec et une professionnalisation des cursus, aussi bien par la licence pro que par des semestres spéciaux qui seraient proposés lors de l’ensemble des

225 Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Commission Nationale du débat public Université-Emploi, Audition de l’UNEF, mercredi 10 mai 2006.

moments où un étudiant pourrait être appeler à quitter le système universitaire, notamment sans qualification »226.

L’Union Nationale Inter-Universitaire (UNI) demande, quant à elle, outre la poursuite de la professionnalisation de cursus et le développement des stages, la mise en œuvre d’un véritable système d’évaluation de la qualité des formations au regard de leur efficience externe, c'est-à-dire du point de vue de l’insertion professionnelle des étudiants et leur articulation à la ‟demande” professionnelle.

« Tout le monde peut constater que les formations professionnalisantes se développent à grande vitesse et ce, tout simplement car les étudiants sont actuellement demandeurs de ce type de diplôme. C'est pour cette raison que les licences pro, et maintenant les masters pro, qui sont la suite des DESS dans le cadre du LMD, sont actuellement très demandés par les étudiants. Il s’agit forcément d’un point sur lequel il faut s’arrêter. Le problème actuel de ces filières pro vient du fait qu’il existe une certaine dévaluation en raison de ce nombre croissant de diplômes. Nous constatons que les licences pro et les masters pro sont une suite des études que suivent les étudiants dans les IUT ou les BTS. Il existe donc une réelle nécessité de mieux évaluer ces diplômes professionnels. (…) Nous constatons également une multiplication de l'offre des filières professionnalisantes ainsi qu’une nécessité de mieux percevoir les débouchés de ces diplômes. Il existe une grande disparité entre le taux d’insertion professionnelle de certaines licences pro et de certains masters pro. Nous serions partisans d’une meilleure évaluation des débouchés de ces diplômes. Il est également nécessaire d’apporter un réel aménagement de la lisibilité de ces diplômes. (…) Concernant plus largement l'expérience professionnelle des étudiants au cours de leur cursus, nous pensons que certaines pistes sont à explorer. Nous estimons que le principal moyen de valoriser l'expérience professionnelle des étudiants est le stage. Cette voie est actuellement plébiscitée par les étudiants, quelle que soit leur filière. (…) En matière de professionnalisation, on parle souvent de resserrer les liens entre le monde universitaire et celui de l'entreprise. Il faut se pencher sur la façon dont

226 Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Commission Nationale du débat public Université-Emploi, Audition de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE), Mercredi 10 mai 2006

il serait possible de développer davantage de passerelles entre les universités et les grandes écoles. Il est vrai que la plupart des acteurs de l’enseignement supérieur ont plutôt tendance à vouloir opposer les grandes écoles et les universités, voire même à vouloir faire disparaître les grandes écoles. C’est ce qui fait la spécificité et l’originalité du modèle de l’enseignement supérieur français. Pour nous, il n’est pas question de les supprimer, mais nous sommes partisans de voir de quelle manière les universités pourraient s’inspirer des méthodes des grandes écoles, qu’elles soient de commerce ou d’ingénieurs, qui ont un lien direct et un savoir-faire quasiment historique avec le monde de l’entreprise »227.

Enfin, la Confédération Etudiante préconise, outre un certain nombre d’actions relatives à l’orientation des étudiants (sur la base d’un parcours personnalisé) et la diversification et la professionnalisation des formations, un rapprochement entre l’université et le monde du travail en vue de permettre la transmission de compétences professionnelles et transversales, ainsi que de développer une expérience pertinente du monde du travail. Ces actions doivent également solutionner la question des inégalités sociales face à l’éducation, fortement présentes au sein des universités :

« Dans un contexte de chômage de masse le diplôme reste globalement une arme contre le chômage même si la nature du cursus suivi induit de nombreuses disparités. Cependant dans le climat actuel le diplôme n’est plus la seule valeur prise en compte par les employeurs qui s’intéressent également à d’autres critères comme le niveau de professionnalisation du candidat. Entraînant parfois un phénomène de surqualification des postes et de sur-sélection des recrutements. (…) Le monde du travail est beaucoup plus mobile qu’autrefois. On ne travaille plus forcément toute la vie dans la même entreprise, dans la même branche. Il est donc essentiel que les formations universitaires prennent en compte cette dimension dans les savoirs, les savoirs faire et les compétences qu’elles dispensent ainsi que sa capacité à donner à l’étudiant une certaine connaissance et expérience du monde du travail. Toutes les universités doivent pour cela, se saisir de la réforme LMD pour encourager la diversification des filières de licence pour plus de choix en premier cycle de

227 Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Commission Nationale du débat public Université-Emploi, Audition de l’UNI, Mercredi 17 mai 2006.

diplômes porteurs en termes de débouchés (professionnels ou poursuite d’étude). (…) Il ne s’agit pas de créer tout azimut des filières professionnelles mais de les mettre en adéquation avec des débouchés réels et durables. La construction de diplômes très spécialisés doit tenir compte du fait que les compétences acquises devront pouvoir se transférer dans toutes les situations professionnelles. (…) Il est indispensable d’améliorer la coordination entre les acteurs publics et privés de la politique de l’emploi sur le terrain, décloisonner, agir de façon coordonnée et concertée. Ainsi, la performance globale de l’ensemble pourrait être améliorée »228.

Par l’étude des interventions des principales organisations étudiantes, on constate une relative unanimité des positions sur la question. Si les sensibilités politiques font pointer quelques nuances sur la forme des dispositifs à mettre en œuvre et surtout d’implication des entreprises et organisations patronales dans le processus de régulation des formations, tous invoquent la ‟nécessité” d’un élargissement à l’ensemble des filières universitaires de dispositifs favorables au rapprochement entre l’étudiant et l’entreprise. A ce titre, la mise en place de stages dans toutes les phases terminales des cursus de formation est souhaitée. Sur un plan organisationnel, l’ensemble des syndicats se dit plutôt favorable à un rapprochement Université-Entreprise, bien que les modalités concrètes d’un tel rapprochement restent à définir.

4.2 La professionnalisation : une volonté des organisations patronales et des

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