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La production primaire et l’offre

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 36-42)

Aluminium et électricité

III. La production primaire et l’offre

Après avoir longtemps défié les savants, chimistes du XIXe siècle qui savaient son existence mais ne parvenaient pas à l’isoler, l’aluminium a été produit par l’Allemand Wöhler sous une forme impure en 1827. Henri Sainte-Claire Deville a effectué en 1854 l’expérience parfaite pour son temps et il a réussi à produire des globules d’aluminium pur qui supportait le contact de l’eau. À partir de là, la production chimique d’aluminium a commencé en 1860 à Salindres, dans le Gard, en petites quantités, car le produit atteignait le même prix que l’argent auquel sa couleur incitait à le comparer. Ses applications relevaient donc des orfèvres et des bijoutiers. Trente années de plus furent nécessaires pour qu’un jeune élève-ingénieur, Paul Héroult, reprenne la voie tracée et arrive à produire de l’aluminium par électrolyse de l’alumine dissoute dans la cryolithe, à l’aide d’une petite dynamo inventée dans les années 1870 par le Belge Gramme. La même année 1886, un jeune chercheur américain, Charles Martin Hall parvient au même résultat! Chacun prend un Brevet et la production commence en même temps, ou presque, aux États-Unis, en Allemagne, en France et en Suisse. Des deux côtés de l’Atlantique, les péripéties sont nombreuses, car tout est à inventer. Mais la production augmente rapidement et le prix baisse. En quelques décennies l’aluminium deviendra le 2e métal le plus produit au monde, après l’acier.

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USGS: United States Geological Survey, site : http://www.usgs.gov/ 2

« C’est le centre d'excellence canadien en matière de données sur l’économie d'énergie, sur l'efficacité énergétique et sur les carburants de remplacement ». Il publie également des rapports sur l’industrie minière. Site: http://www.rncan.gc.ca/accueil/ Moins utilisé, le site du Royaume Uni, Minerals UK, est très généraliste :

https://www.bgs.ac.uk/mineralsuk/search/home.html/ 3

Cet exploit a été rendu possible par l’essor concomitant de la production d’électricité qui a fourni la puissance nécessaire, fortement croissante dans le temps, à un coût favorable. Un paragraphe y est consacré, à la suite de celui-ci.

La production primaire mondiale a donc connu, depuis le début de la fabrication par électrolyse, une croissance exceptionnelle, amplifiée de surcroît par la croissance de la Chine à partir de 1990. Son histoire est graphiquement représentée ci-dessous depuis 1950, une couleur par pays ou région. La hiérarchie initiale des premiers producteurs, pays et entreprises, encore perceptible en 1950, a été bousculée par l’augmentation du nombre de producteurs, après les chocs pétroliers1. Le Japon a été le seul pays à en tirer les conséquences en arrêtant sa production au début des années 1980. La crise de 2008 a laissé partout une empreinte profonde. En 2012, la Chine2 a produit 45 % du total mondial, la Russie 10 %, l’Europe 9 % et l’Amérique du Nord 10 % ; l’Australie, l’Inde, les États du Golfe et le Brésil ont des productions significatives — voir l’éclaté ci-dessous.

Les différentes illustrations proposées et les chiffres de la figure « Part régionale de la production d’aluminium primaire dans le monde, de 1970 à 2012 » traduisent l’ampleur du déplacement de l’activité d’électrolyse dans le monde. La dernière décennie a encore amplifié les contrastes. Au premier coup d’œil, le transfert principal va d’Amérique du Nord et d’Europe vers la Chine et le Moyen-Orient, l’Océanie et l’Inde conservant plus ou moins leur rang. Le transfert de technologie, lent pour le Japon dans les années 1960 et rapide aujourd’hui, a permis à la Chine et aux pays asiatiques, plus qu’à d’autres, un rattrapage exceptionnel qui a effacé 40 ans d’absence dans le domaine. L’étude de ce rattrapage, compressé dans le temps et sans doute uniforme, nécessiterait d’accéder à un grand nombre de documents qui restent à traduire, voire à écrire. Elle risquerait d’éclipser les cent premières années de l’activité, sa lente construction et les progrès de tous ordres du XXe siècle. C’est pourquoi, sans renoncer à regarder vers l’est dans ses aspects récents les mieux connus, les quantités produites et consommées, et les aspects financiers, il a semblé utile et intéressant de faire le point de la situation « occidentale » sur 120 ans, et, après avoir exposé d’où il vient, pourquoi et comment, de se poser la question « Où va l’aluminium ? »

1 Pour un classement mondial par producteur voir : The World's Top Ten Aluminum Producers, 2012

http://metals.about.com/od/Top-10-Producers/tp/The-10-Biggest-Aluminum-Producers-2012.htm 2

En aluminium primaire, la Chine est devenue le 3e producteur mondial en 1994, le deuxième en 1999 et le 1er en 2003 ; en aluminium recyclé elle est devenue 2e producteur mondial en 2002 et 1er en 2003. Source: USGS.

Histoire de la production d’aluminium primaire, principaux producteurs, 1950-2012

Part régionale de la production d’aluminium primaire dans le monde 1970-2012

Source : Metal Statistics, 1970-2003, d’après Jerry Blomberg,

Essays on the Economics of the Aluminum Industry, Thèse, Suède, 2006 ; et 2012 EAA.

Ces deux graphiques présentent la même information sous deux formes, le premier est quantitatif et historique, le second est géographique et relatif.

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1 970 1980 1990 2000 2003 2012 China Asia USSR/CIS

Africa & Middle East Oceania

Laçn America North America Eastern Europe Western Europe

L’éclaté ci-dessous présente encore différemment les chiffres de 2012, les derniers publiés, et montre que l’Europe1, les USA et le Canada produisent aujourd’hui un maigre 19 % de la production primaire mondiale, après avoir été à l’origine de la découverte et maîtrisé le développement pendant 80 ans. Pour eux, la page « primaire » est déjà tournée mais ils ont accumulé des tonnages considérables. La Chine construit un modèle économique particulier qui ne sera peut-être pas le modèle mondial du futur. Alors, il pourrait être profitable à l’Inde, au Brésil, au Mexique, etc. de bien choisir leur modèle.

Les pays de l’actuelle Union Européenne ont produit environ 2,1 millions de tonnes d’aluminium primaire, année après année pendant trente ans. Mais, depuis 2008, cette production a bien diminué (elle couvrait seulement 14 % des besoins en 2013), au profit du recyclage (35 %) et des importations (51 %), comme le montre la figure ci-dessous — due à l’EAA, à périmètre variable — et sur laquelle la crise de 2009 apparaît plus profonde qu’au niveau mondial, surtout pour les importations.

1

L’évolution aux États-Unis sur la longue période est facile à visualiser grâce aux statistiques disponibles. Ci-dessous sont représentées les trois formes de l’offre, de 19391 à 2011, la production primaire, la production secondaire et les importations :

L’aluminium aux USA

Source : USGS, Aluminum Statistics, 3 octobre 2012

Certaines évolutions apparaissent clairement : d’abord la diminution de la production d’aluminium primaire commence comme un autre accident en 1981 ; elle prend en trente ans de très importantes proportions ; la production secondaire augmente avec la Seconde Guerre et elle dépasse la production primaire en 2001 ; enfin, les importations croissent depuis 1942 et elles dépassent les deux autres depuis 2001. L’offre totale chute considérablement en 2006, se stabilise en 2009-2010 et semble repartir à la hausse en 2011. Il apparaît surtout que ni la production secondaire, ni les importations ne stabilisent l’offre qui s’adapte très vite aux marchés devenus mondiaux.

La répartition du métal primaire entre ses composantes, production, importations et exportations de lingots — la forme de base — est représentée ci-dessous, d’après IAI, 2013 :

Parts du métal primaire USA

1

Les trois grandeurs ne sont mesurées qu’à partir de 1913 et la production primaire l’emporte jusqu’en 1939. 0" 2" 4" 6" 8" 10" 12" 1939" 1941" 1943" 1945" 1947" 1949" 1951" 1953" 1955" 1957" 1959" 1961" 1963" 1965" 1967" 1969" 1971" 1973" 1975" 1977" 1979" 1981" 1983" 1985" 1987" 1989" 1991" 1993" 1995" 1997" 1999" 2001" 2003" 2005" 2007" 2009" 2011" 2013" Mi ll io n s" d e "to n n e s" p ar "an "

Produc;on"primaire" Métal"recyclé" Importa;ons""

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 Mi lli o n s d e to n n es Primary Producçon Primary Ingot Imports Primary Ingot Exports

La dépendance envers les importations, devenues prépondérantes tant pour les États-Unis que pour l’Union Européenne après 30 ans de croissance, entraîne un important changement de paradigme : l’effet monétaire des taux de change rapportés à des prix exprimés en dollars US ne peut pas être négligé. La figure suivante, due à Nappi1, « illustre le haut degré de volatilité du dollar US par rapport aux monnaies des principaux partenaires des USA depuis 40 ans. Elle suggère que les prix faibles de l’aluminium de 1995 à 2002 n’étaient pas dus seulement à de faibles fondamentaux de l’industrie — excédent d’offre des années 1990 suite au dumping du métal russe sur les marchés occidentaux et demande amoindrie par la bulle informatique des années 2000 — mais aussi à la force du dollar sur toute la période. Inversement, s’il ne semblait pas y avoir de limite supérieure au prix de l’aluminium entre 2002 et 2008, ce n’est pas seulement en raison d’une croissance de la demande due au crédit facile ou à l’offre insuffisante de la décennie précédente, c’est aussi parce que le dollar s’est affaibli pendant la période. Les taux de change doivent être pris en compte quand on veut comparer l’industrie à deux dates différentes parce que leurs variations n’affectent pas seulement le prix de l’aluminium — ce dernier varie en sens inverse quand il est exprimé dans d’autres monnaies — mais aussi la compétitivité des producteurs. »

Taux de change pondéré du $ américain (1970 = 100)

1 The Global Aluminum Industry 40 years from 1972, Carmine Nappi, IAI, www.world‐aluminium.org, February 2013. Entre guillemets, traduction libre.

L’actualité du phénomène est attestée par le rapport 2014 d’Alcoa1 aux actionnaires qui estime la sensibilité des recettes nettes annuelles de la Société en fonction des variations de change des principales monnaies de transaction — voir ci-dessous :

$ Australien +/- $ 11 million per 0,01 change in USD / AUD Réal Brésilien +/- $ 3 million per 0,01 change in BRL / USD

Euro € +/- $ 2 million per 0,01 change in USD / EUR $ Canadien +/- $ 5 million per 0,01 change in CAD / USD Couronne Norvégienne +/- $ 5 million per 0,10 change in NOK / USD

Source : William Oplinger, Executive Vice President and Chief Financial Officer, ALCOA, May 13, 2014

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 36-42)