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Le prix de l’électricité

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 116-119)

e) Le schéma de base de la croissance

IV. Le prix de l’électricité

Le prix de l’électricité payé par les producteurs d’aluminium est un secret bien gardé. D’ailleurs, la longue période de croissance de la production et donc de construction d’usines laisse bien supposer que les négociations menées entre les fournisseurs d’électricité et leurs clients ont dû aboutir à des conditions différentes, fonctions des lieux et des circonstances, et personne n’avait intérêt à les divulguer1.

Seuls, Alcoa et Rio Tinto Alcan ont récemment publié des argumentaires chiffrés afin de promouvoir leurs positions et leurs requêtes dans une négociation sur les prix, menée avec le Gouvernement du Québec. Au Québec toujours, deux autres publications abordent le sujet. La première a été rédigée et publiée, en juin 2010, par le Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT) de l’Université du Québec à Chicoutimi. Très fouillée, ayant fait appel à des sources réservées aux professionnels, elle traite de la place de l’important Complexe de Jonquière (Saguenay, Québec) dans le monde de l’aluminium. Le prix de l’électricité y est abordé avec discrétion, puisque le document complet est confidentiel. Le second, intitulé « Hydro-Québec, Un partenaire indispensable », date de fin 2004. Il émane de l’Association de l’aluminium du Canada et ne traite que de prix de l’électricité.

Ce document d’information, de source officielle, justifie la position d’Hydro-Québec face à ses plus gros clients. Il synthétise les réponses aux questions du public et les arguments des producteurs d’aluminium. Il confirme l’existence d’un tarif « L » accessible aux plus gros consommateurs. En 2004, « le tarif « L » réglementé est de 3,80 ¢ canadiens le kWh… Bien que parmi les plus bas en Amérique du nord, le tarif « L » d’Hydro-Québec est peu favorable, sur les marchés mondiaux, à l’implantation de nouvelles alumineries. En effet, selon les données établies par des analystes du secteur, le prix moyen payé par les alumineries du monde occidental en 2003 était de 2,35 ¢ canadiens par kWh, alors que le tarif «L» était de 3,60 ¢ au Québec. » Il fait état, pour les alumineries, « [de] contrats à partage de risques [qui] ont été établis pour s’assurer qu’Hydro-Québec partage avec ces entreprises les risques reliés à la fluctuation des prix de l’aluminium… Ce type de contrat a généralement une durée de 24 ans… Considérant l’importance des investissements requis pour la construction d’une aluminerie (plus d’un milliard de dollars), les entreprises paient un prix plus bas que le tarif « L » pendant les premières années. Durant les deux dernières périodes des contrats, une formule d’ajustement permet à Hydro-Québec de potentiellement récupérer le manque à gagner des douze premières années… Les contrats à partage de risques ont entraîné l’implantation et l’expansion de plusieurs alumineries au Québec, ce qui représente des investissements de plus de 7 milliards de dollars, entre 1984 et 1992 ».

Analytique et prospective, la longue étude du CRDT2 présente un tour d’horizon mondial. Elle date un peu mais elle affiche les fortes évolutions, à la baisse, du prix de l’électricité dans le monde, à la fin de la précédente décennie : « Comme la consommation d’électricité semble varier peu et à plus long terme, ce sont les tarifs d’énergie qui déterminent en grande partie l’évolution à court terme

1

Variable electricity prices for aluminum smelting in northwestern USA, Paul Spies, Energy Policy, March 1990. 2 Chapitre 3, dossier stratégique sur l’aluminium, CRDT UQAC, Québec, op. cit.

des coûts en électricité. Le tableau qui suit indique l’évolution des tarifs d’énergie par région du monde entre 2008 et 2011. Selon le CRU1, les tarifs d’énergie diminueront légèrement dans le monde entre 2008 et 2011 (-2,68 %). Le Canada connaîtra la 2e plus importante baisse de ses coûts en énergie (-26,09 %) après l’Afrique (-27,27 %). » Enfin, elle cite un aspect qui n’avait pas encore été chiffré sur le partage des risques : « il est intéressant de noter que 16 % de la production d’aluminium mondiale en 2008 était réalisée sous contrats d’énergie liant directement les tarifs d’énergie au prix de l’aluminium ».

Croissance prévue des tarifs d’énergie dans les régions du monde

Croissance prévue des tarifs d’énergie dans

les alumineries du monde selon les grandes régions, 2008-2011 Tarif d’énergie observé en 2008 (millièmes de $ US/kWh) Tarif d’énergie prévu en 2011 (millièmes de $ US/kWh) Taux de croissance du tarif d’énergie 2008-2011 Afrique 22 16 -27,27 % Canada 23 17 -26,09 % Océanie 28 22 -21,43 % Amériques Centrale et du Sud 34 28 -17,65 % Europe du Nord 31 28 -9,68 % Europe du Sud 34 31 -8,82 % Chine 52 49 -5,77 % Europe Centrale 64 61 -4,69 % Europe de l’Est 52 50 -3,85 % Monde 38 37 -2,63 % États-Unis 37 37 0,00 % Moyen-Orient 24 27 12,50 % Asie 30 34 13,33 % CEI 24 31 29,17 %

Source : CRDT UQAC, Québec, 2010

Les écarts mondiaux en valeur sont considérables pour une activité énergivore et leurs variations sont de nature à bouleverser les positions relatives des producteurs d’aluminium. Aucune information n’a permis de vérifier la réalisation des prévisions faites.

En revanche, des mémoires ont été présentés par Alcoa et Rio Tinto Alcan à la Commission sur les Enjeux énergétiques du Québec, en septembre 2013. Les deux documents sont publics. Ils

1

Commodities Research Unit (CRU) Monitor (2009) : Entreprise de consultants spécialisée dans l’analyse économique des industries de matières premières.

s’opposent à une hausse envisagée du tarif d’Hydro-Québec et expliquent pourquoi elle serait destructrice d’emplois et d’activité. Sans prendre parti, il semble intéressant de citer un court paragraphe du document d’Alcoa qui résume les difficultés principales de la relation entre l’aluminium et l’électricité : « le tarif « L » se situe dans le 4e quartile des prix offerts aux alumineries de par le monde. En clair, plus de 75 % d’entre elles bénéficient d’un approvisionnement en électricité à moindre coût. Une situation qu’aggravera l’augmentation déraisonnable demandée par Hydro-Québec cette année. En fait, le tarif « L » n’a plus sa place dans l’équation du maintien de l’industrie de l’aluminium au Québec. À ce prix pour l’électricité et dans le contexte actuel du marché de l’aluminium, la modernisation de l’Aluminerie de Baie Comeau ne peut se faire et la pérennité des Alumineries de Deschambault et de Bécancour n’est plus assurée ».

Les négociations se sont terminées sur un accord, après une phase publique de dramatisation. Aujourd’hui comme autrefois, la « majorité silencieuse » doit être convaincue et le duopole des producteurs canadiens dispose d’arguments frappants.

2e partie

L’industrie de l’aluminium

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 116-119)