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i. Les échanges internationaux, côté offre

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 175-178)

C’est un rappel, Marshall a adopté les thèses de Ricardo et développé son modèle des échanges. Un livre1 de Caves et Jones y consacre aussi de longs développements. Des études portent sur les « différences de productivité de la main-d’œuvre selon les pays2 », sans souligner les efforts de recherche, la qualification de la main-d’œuvre ou le niveau technologique atteint. Le monde a considérablement changé au cours des trente dernières années et pourtant cette dimension qui n’explique plus grand chose, demeure étonnamment au premier plan des analyses de la concurrence internationale.

Dans le cas de l’aluminium, si le coût de la main-d’œuvre, relativement faible3, était remplacé par celui d’une matière première essentielle et chère comme l’électricité4, et que le raisonnement sur l’échange porte sur les coûts relatifs, le modèle prédirait l’éviction des pays les moins compétitifs5. C’est bien, depuis trois décennies, le sens de l’évolution qui aura vu la fermeture effective et, encore aujourd’hui, la fermeture annoncée d’usines d’aluminium, dans nombre de pays occidentaux (USA, France, Hollande, Allemagne, Grande-Bretagne…).

Un autre aspect du modèle de Ricardo est souligné dans le même ouvrage6 : « La structure du commerce international est déterminée exclusivement par le côté de l’offre7 ». Cette affirmation expliquerait l’apparente « myopie » des producteurs d’aluminium envers l’évolution de la demande, au moment où celle-ci a commencé à plafonner, dans les années 19808, en raison d’une progressive satiété des consommateurs finaux dans les pays développés. Depuis, la croissance se passe ailleurs et l’offre s’est déplacée.

Il est possible de préciser certains éléments de construction de modèles économiques. Ainsi, le modèle à deux biens peut combiner trois facteurs de production9, la production de chaque bien utilisant deux d’entre eux. Dans le cas de l’aluminium, il s’agirait de capital, d’eau10 et de main-d’œuvre, tous trois indispensables.

Il apparaît alors que :

1 Caves & Jones, op. cit. 2

Caves & Jones, p 75. 3

Ordre de grandeur : 5 % des coûts, source Gérard Vindt, Cahier d’histoire de l’aluminium, n° 15, hiver 1994-1995.

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Ordre de grandeur : 30 % à 40 % des coûts. Évidemment, on n’est plus alors dans la théorie de la valeur-travail. Puisque le coût du capital et le niveau technologique se rapprochent dans tous les pays, ils interviennent de moins en moins comme éléments discriminants. C’est la situation pseudo-homogène vers laquelle le monde industrialisé tend et qui alloue à de faibles différences un pouvoir discriminant fort.

5

Caves & Jones, p 80 : « Ce qui est caractéristique du modèle ricardien, c’est l’influence, potentiellement énorme, de l’échange international sur les structures de production. Dans chaque pays, ce n’est pas seulement une partie des ressources qui est dirigée vers le secteur d’exportation mais ce sont toutes les ressources qui y sont employées ».

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Caves & Jones, p. 93. 7

Entre guillemets dans le texte. 8

Cette situation a déjà été évoquée. Elle est développée dans un document interne de Pechiney daté de 1985-1986 : L'industrie de l'aluminium à la fin du siècle : réflexions prospectives. Elle souligne l’utilité d’un modèle économique de référence pour toute activité industrielle, en complément des classiques études de marché, et la nécessité de disposer d’indicateurs sensibles de variation de la croissance, par pays et par marché, pour réagir, à défaut d’anticiper.

9

Caves & Jones, chapitre 6. 10

Pour la production d’électricité, l’eau est l’analogue de la terre arable pour l’agriculture, et leurs rendements respectifs varient d’une année sur l’autre. Dans ce cas seulement, les substituts de l’eau sont le pétrole, le charbon, le gaz, etc.

1) « La composition des productions est très sensible aux variations de la dotation factorielle fondamentale d’un pays. Ceci est surtout vrai en ce qui concerne les variations survenant dans les facteurs spécifiques1 ». Ici se trouve la cause des à-coups dont a souffert l’industrie — de l’aluminium, toujours — aux États-Unis en fonction de la pluviosité, dans les années 1970-1980, bien avant les inquiétudes actuelles sur le changement climatique. La dotation de matières combustibles comme le pétrole et le gaz a changé dans le temps avec les découvertes successives.

2) « La structure du commerce international est étroitement liée à de grandes différences dans les dotations factorielles ». Les échanges de bauxite, d’alumine et d’aluminium constituent sur ce plan, un cas d’école parmi les plus significatifs des évolutions du XXe siècle.

3) « Les échanges encouragent les ressources à se déplacer en faveur des secteurs dans lesquels l’économie a un avantage comparatif ». Longtemps, la production a été limitée aux pays où l’hydroélectricité constituait un avantage absolu, conforté par une avance technologique (voir la partie Aluminium). Ainsi, les producteurs étrangers affluaient encore au Canada dans les années 1980 et en Islande2 en 1998. En Norvège, la situation, un peu particulière, a changé en fonction des besoins immédiats de l’étranger. Aujourd’hui, la discrimination des prix du courant d’origine hydraulique, entre gros et petits consommateurs est de moins en moins bien tolérée par ces derniers, lorsque leur nombre et donc leur consommation augmentent. Il faut trouver des substituts. Des quantités importantes d’électricité s’affichent à des prix attractifs dans les pays du Golfe persique et certains industriels ont déjà arrêté des usines dans leur propre pays, pour aller produire là-bas avec la meilleure technologie. En dix ans, peut-être moins3, leurs nouvelles installations seront amorties. Quant à la situation en Chine — et donc à l’équilibre mondial du marché — elle changera s’il devient un jour nécessaire de rationaliser, d’organiser et de mieux rentabiliser la centaine d’usines qui existaient déjà en 2011 — 120 usines en 2012, pour une capacité de production annoncée de 29,5 millions de tonnes par an, selon Light Metal Age4.

ii. Les échanges internationaux, instruments de mesure et bilan général

La spécialisation permet les échanges et les échanges induisent la spécialisation. Très vite, les échanges d’aluminium et de ses composés, minéraux, métalliques ou transformés, sont devenus nécessaires. La mesure et le calcul d’indicateurs permettent de préciser les situations.

Les droits de douane

: Les techniques de quantification des échanges ne doivent pas faire oublier l’important effet dissuasif d’un outil exogène qui a eu tendance à disparaître au cours des soixante dernières années sous de multiples coups de boutoir, les droits de douane. La crise de 1929 avait généré un retour au protectionnisme. Après la Seconde Guerre mondiale, les négociations internationales conduites sous l’égide du GATT5 ont ramené « les droits de douane moyens des pays industrialisés sur les produits manufacturés de 40 % en 1947 à 3,9 % » en 2002 (source : Mucchielli et Mayer, op. cit.). Sur une longue période, la comparaison entre grands pays est intéressante. Les

1

Caves & Jones, p. 111. 2

Grâce à la géothermie. 3

Cela dépend évidemment des conditions de prêt et du cours de l’aluminium. L’industrie comporte une part de risques…

4https://www.lightmetalage.com/producers_primary.php

5

GATT : General Agreement on Tariff and Trade, « résultat de négociations entre 23 pays à Genève en 1947… (il a été transformé) en une réelle organisation internationale, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995. Il y avait en octobre 2004, 147 pays membres, soit l’essentiel des pays engagés dans les échanges inter-nationaux ». D’après Mucchielli et Mayer.

chiffres globaux ci-dessous expliquent notamment pourquoi, en 1912, l’industriel français Adrien Badin a entrepris la construction d’une usine aux États-Unis, dans une ville qui porte aujourd’hui son nom :

Tarif douanier moyen en %

1875 1913 1931 1950 1980 1990 2001-2002 Allemagne 4-6 13 21 26 Belgique 9-10 9 14 11 France 12-15 20 30 18 Royaume-Uni 0 0 - 23 Union Européenne - - - - 5,7 5,9 4,1 États-Unis 40-50 44 48 14 7 4,8 3,4

Source : Bairoch (1994) et OMC (2002), dans Mucchielli et Mayer, op. cit.

Des chiffres spécifiques à l’aluminium seront indiqués dans la partie consacrée au traitement des données.

La classification des produits

: « la nomenclature la plus utilisée à l’heure actuelle est appelée le ‘Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises’ (Système harmonisé ou SH1) ». Les produits y sont identifiés par un code à six chiffres qui sert à quantifier les échanges. Il existe aussi une classification internationale type des industries (CITI) élaborée par l’ONU. Des précisions sur la composition des échanges des États-Unis par catégorie de produits se trouvent dans les publications de l’USGS.

Les indicateurs portant sur les échanges

2 : l’indicateur de Balassa est un indicateur d’avantages comparatifs révélés. Il témoigne de la spécialisation d’un pays en comparant la part des exportations d’un secteur dans les exportations totales du pays au même ratio calculé pour une zone de référence qui peut être l’OCDE ou les pays occidentaux producteurs d’aluminium, soit

ACRij = 100*(Xij /Xtot)/(XOCDEj /XOCDEtot).

Si le ratio est supérieur à 100, le pays i est plus spécialisé à l’exportation dans le secteur j que l’ensemble des pays de la zone de référence, ici l’OCDE. Un autre indicateur de mesure du volume des échanges commerciaux entre deux pays est le modèle de gravité. Bien qu’il intègre — ou parce qu’il intègre — la distance entre pays, il ne semble pas à lui seul pouvoir expliquer à la fois le commerce3 entre les États-Unis et le Canada, si proches, et entre le Canada et le Royaume-Uni, si éloignés, qui repose sur d’autres fondements.

Depuis 1975, date du livre de Grubel et Lloyd, une distinction importante est faite entre le commerce industriel et le commerce interindustriel. « Le développement du commerce intra-industriel implique une rationalisation des producteurs à l’intérieur d’un secteur donné4 », c’est donc celui qui importe ici. « L’indicateur de Grubel et Lloyd, GLj… donne pour un secteur j, le taux de recouvrement entre les flux d’importations et d’exportations pour une même industrie :

1 Source OMC d’après Mucchielli et Mayer, op. cit. 2 Mucchielli et Mayer, op. cit. (p. 30 & sq.).

3

D’aluminium bien sûr !

GLj = [(Xj + Mj) – |Xj – Mj|] / (Xj + Mj)

On considère que la valeur de GLj représente le commerce intra-industriel dans l’industrie considérée. Il existe des réserves liées à un éventuel biais géographique qui ne s’applique pas ici, le secteur est homogène.

Voici d’abord les valeurs de GL pour l’aluminium primaire :

Indice de Grubel et Lloyd pour l’aluminium primaire dans plusieurs pays producteurs, entre 1948 et 1964 Area 1948 1955 1960 1961 1962 1963 1964

Dans le document aux et siècles L ’ aluminium (Page 175-178)