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participation des CCI au processus de prise de décision

6. Problématique de recherche

Plus que d’étudier simplement les groupes d’intérêt en tant qu’acteur de politiques publiques, la conduite du présent travail veut avant tout se focaliser sur le lobbying. L’intérêt de notre approche réside dans le fait qu’elle oriente l’analyse de l’action publique vers l’action et les moyens d’action d’un des acteurs qui peut être amené à y prendre part, directement ou indirectement. Cette démarche cherche à dépasser la problématique de savoir qui prend ou peut prendre part, ou même doit prendre part à la prise de la décision publique. Elle propose plutôt d’aborder le sujet par la question du « comment », c’est-à-dire de positionner ces acteurs dans une perspective dynamique en se saisissant du répertoire d’action qui est à leur disposition pour rendre leur présence dans les arènes décisionnelles perceptibles, visibles et surtout effectives.

C’est dans ce sens que le lobbying constitue pour nous un objet de recherche pertinent pour rendre compte des mécanismes qui entrent en jeu dans la production de la décision publique contemporaine. Il est ainsi entendu comme étant un moyen d’action que les groupes et les lobbies utilisent pour servir leur but : celui de peser sur le processus de décision. De manière sommaire, il peut être compris comme l’ensemble des activités que les lobbies exercent pour influencer les pouvoirs publics.

En se concentrant sur les moyens qui permettent à un groupe d’intérêt de concrétiser leurs objectifs d’influence, il n’est plus seulement question de faire une « sociologie d’un groupe d’intérêt » mais de réaliser une « sociologie d’un groupe d’intérêt en action ». L’attention est ici plus portée sur le but et les outils mis au service de l’action que sur l’origine de celle-ci. Il est, cependant, évident que cette approche ne doit pas faire totalement abstraction de ceux qui, sans lesquels, le lobbying n’existe pas, c’est-à-dire les groupes. Sans instigateur, le lobbying n’a aucune raison et aucun moyen d’être. De plus, les éléments qui composent cette activité sont amenés à varier en fonction de celui qui est à son origine. Il est clair que, malgré des bases qui peuvent être communes – comme, par exemple, l’objectif ultime d’orienter la décision publique – chaque entité, chaque type de groupe est soumis à des contextes variés, agit différemment, ne dispose pas des mêmes moyens

l’efficacité de l’influence tout en permettant de la réaliser. Un répertoire d’action sert à mettre en œuvre cette influence. Immatérielle, celle-ci reste à concrétiser et demande un travail qui ne peut pas être laissé au hasard. Il est important de comprendre, à ce propos, ce que recouvre analytiquement le métier d’influence. Il s’agit d’identifier les critères à prendre en compte ainsi que les variables qui entrent en jeu dans sa pratique.

À cet effet, notre analyse veut se départir de toute polémique et rhétorique sur les bienfaits et les méfaits du lobbying sur le système politique, même si cela fait partie intégrante des réactions attendues face à l’évocation du terme, spécialement dans un pays comme la France où il est fermement attaché à une connotation péjorative. Notre dessein ici n’est pas celui de donner tort ou raison à l’un ou l’autre camp. Il ne s’agit pas de partir en croisade ou en propagande pour ou contre le lobbying. Il est question d’apporter une focale d’analyse supplémentaire à l’action publique contemporaine en considérant celle-ci comme étant un cadre dans lequel le lobbying joue un rôle bien défini. L’objectif est de proposer un point d’entrée encore peu emprunté dans l’analyse française des politiques publiques.

Au vu de la présentation du sujet, des résultats attendus et des hypothèses de travail présentés, il est clair que la pierre angulaire de cette thèse est le passage à l’action politique des Chambres de commerce et d’industrie à travers le lobbying dans le but de défendre les intérêts qu’elles représentent auprès des pouvoirs publics. La problématique de cette recherche peut alors être résumée dans une question : « Comment font concrètement les Chambres de commerce et d’industrie pour participer au processus de politiques publiques ? ». Cette problématique soulève évidemment plusieurs sous-questions. Qui sont ces institutions ? Par quels moyens entrent-elles en relation avec les pouvoirs publics ? Le lobbying leur permet-il de le faire ? Dans quelle mesure le lobbying nous permet-il d’analyser l’action publique contemporaine dans le modèle français ?

Dans le cadre d’un processus participatif, beaucoup d’acteurs, à multiples niveaux, sont amenés à agir, de l’identification des problèmes à leur mise sur agenda publique. Ils ont chacun leurs manières et méthodes pour prendre part à la décision publique. Certaines prérogatives sont fruits des lois et règlements, d’autres résultent de pratiques et d’usage. Mais le but reste le même, celui d’être partie intégrante et

effective du processus décisionnel. Dans ce sens, il faut noter la place importante de l’échelle territoriale. Les territoires sont devenus le principal lieu de la décentralisation et du développement économique89. D’où le choix d’implanter cette recherche dans un cadre régional.

D’une manière globale, la recherche se focalisera sur le poids des influences stratégiques des CCI dans l’élaboration des politiques publiques à visée économique, d’étudier les groupes d’intérêts sur une base locale et d’analyser l’action consulaire patronale régionale à la lumière de son lobbying et ainsi faire apparaître leur rôle dans la configuration du système de gouvernement moderne. Il s’agit de cerner les raison d’être et l’envergure des compétences de cet acteur économique afin d’en comprendre les spécificités et l’impact que celles-ci peuvent avoir sur son fonctionnement. Ce sera l’objet de notre première partie.

En nous proposant de réaliser une sociologie de l’institution consulaire, nous nous destinons à savoir comment faire concrètement pour participer à la prise de décision, pour influencer les pouvoirs publics dans un cadre territorialisé et ciblé. Nous nous posons indirectement la question de savoir si le lobbying est un élément important de la mobilisation consulaire. Nous cherchons notamment savoir qu’est-ce qui est réellement fait, comment cela a est-il fait, où et par qui.

En somme, nous nous proposons de faire une radiographie d’un groupe en action et des moyens de son lobbying. Les résultats qui en résulteront nous permettront d’évaluer la situation dans laquelle se trouvent la place et le rôle du lobbying en France, mais surtout celle qu’occupe le lobbying consulaire à la lumière de ce que les CCI en font et en ont fait. Comment est constitué le répertoire d’action du lobbying consulaire ? Ce sera l’objet de notre deuxième partie.

89 Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), Compte rendu du rapport présenté à Jeju, Corée du Sud, Congrès mondial du CGLU, Automne 2007.