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Titre I. Les CCI : une institution séculaire

Section 2. Les fondements statutaires

1. Le statut d’établissement public

La nature d’établissement public des Chambres de commerce et d’industrie leur a été reconnue par la loi du 9 avril 1898121. Le 16 juin 1992, le Conseil d’État a rappelé ce statut. De ce fait, elles sont régies par les textes relatifs aux établissements publics de l’État122. Plus précisément, les CCI sont des établissements publics administratifs123. Cela découle de leur objet purement administratif, défini dans le

121

Mission interministérielle d’enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public, Septième rapport d’activité. Année 1999, Octobre 2000, p. 24.

122 Idem, p.26.

123 Voir à cet effet l’arrêt du Conseil d’État Syndicat FO du personnel des Chambres de commerce et d’industrie rendu le 8 avril 1987 par la section du contentieux.

titre II de la loi de 1898 : « elles donnent des avis au gouvernement, elles administrent des établissements à l’usage du commerce, elles peuvent être déclarées concessionnaires de travaux de services publics et délivrer des certificats d’origine pour les marchandises destinées à l’exportation »124.

C’est la charte d’avril 1898, dans son article premier, qui confère aux Chambres de commerce son statut juridique. Avant cela, les CCI étaient dès « établissements d’utilité publique » (décret de 1851). Mais cette notion a beaucoup porté à confusion car elle n’était pas clairement maîtrisée. À l’époque elle était plutôt réservée à des organismes privés qui se voient confier une mission de service public. D’où la nécessité de leur accorder une qualification plus précise et, dès 1885, une requalification a été faite par la Cour de cassation qui n’hésite pas à préciser que le pouvoir règlementaire a bien entendu créé des établissements publics à part entière, ce qui a conduit à l’acte de baptême moderne du Conseil d’État d’avril 1898125.

Ce statut d’établissement public donne aux Chambres de commerce et d’industrie une personnalité morale propre, une autonomie administrative, un champ d’activité défini appelé spécialité en droit, un domaine public propre insaisissable et inaliénable (sauf autorisation) qui constitue leur patrimoine et, de ce fait, elles ne peuvent se voir appliquer des voies d’exécution forcée. Ainsi, leurs fonds ont le caractère de deniers publics, leurs élus d’agents publics. Cependant, en réponse à leur autonomie, elles sont soumises à certains contrôles et placées sous la tutelle (et non pas sous l’autorité) des pouvoirs publics auxquels elles sont rattachées126. Depuis le décret n° 2007-574 du 19 avril 2007 relatif aux modalités de la tutelle, telle n’est plus partagée entre l’échelon ministériel et l’échelon déconcentré ; elle est totalement

124 Mission interministérielle d’enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public. Op. cit., p. 24.

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Sur ce sujet, voir Loi du 9 avril 1898. Journal officiel, Lois et décrets, 9 avril 1898. Voir aussi, PUAUX (P.). Les Chambres de commerce et d’industrie, op. cit.

126 Assemblée nationale. Avis présenté au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, n° 1889, 25 février 2010, p. 19.

déconcentrée, au niveau régional (pour les CCIR) et départemental (pour les CCI et les groupements) et reste de la compétence du ministre en charge des PME s’agissant de la tutelle de l’ACFCI (CCI France)127.

Il existe deux sortes d’établissements publics : ceux à caractère administratif et ceux à caractère industriel et commercial. Les CCI sont des établissements semi- publics à « caractère administratif » malgré le fait que leurs activités recouvrent un champ d’activités vaste128. En conséquence, les salariés des CCI ont également la qualité d’agents publics129 les soumettant à un statut spécifique différent du droit commun du travail. Elles possèdent aussi la compétence des juridictions de l’ordre administratif, par la voie de recours pour excès de pouvoir. Leurs actes sont alors des actes administratifs et, en cas de contentieux, ne peuvent pas être soumis – à quelques rares exceptions fixées par la jurisprudence – aux juridictions de l’ordre judiciaire. De la même façon, leurs activités n’ont pas de caractère lucratif et ne sont pas assujetties aux impôts de droit commun130.

La dénomination en tant que Chambre de commerce et d’industrie, celle que nous connaissons aujourd’hui, est assez récente. Jusqu’en 1960, les Chambres ne s’appelaient que Chambre de commerce. Avant le changement initié par la Révision

127 Idem.

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Certaines activités des CCI ont un caractère industriel et commercial à l’instar des concessions portuaires et aéroportuaires qui leur sont confiées. Mais cela ne remet pas en cause le caractère d’établissement public à caractère administratif de ces institutions et ne doivent être considérées que comme étant des exceptions.

129 Cette question du personnel n’a pas toujours été très claire jusqu’à ce que le Tribunal des Conflits (préfet de la Région Rhône-Alpes/Conseil de Prud’hommes de Lyon, 25 mars 1996) prenne la décision de considérer tous les agents contractuels des services publics administratifs, indépendamment de leur emploi et fonction, comme des agents publics au même titre que le personnel statutaire. Ils relèvent donc eux aussi du juge administratif.

130 Notons que certaines activités marchandes des CCI sont quand même frappées des impositions de droit commun comme l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou encore la taxe d’habitation.

générale des politiques publiques (RGPP en France), il existait 175 Chambres de commerce et d’industrie locales métropolitaines131, 5 CCI d’Outre-mer et 5 CCI des collectivités d’outre-mer et de Nouvelle Calédonie. Il est évident ici qu’il y en a plusieurs par département132. En outre, il y a 21 Chambres régionales de commerce et d’industrie (CRCI)133. Les Chambres de commerce et d’industrie, représentant 2 500 000 entreprises bénéficiaires et électrices, comptent actuellement 5000 chefs d’entreprises membres titulaires élus au suffrage universel et 25 460 collaborateurs salariés répartis sur l’ensemble du territoire134. Ses membres sont élus par les représentants des entreprises sur une base interprofessionnelle. À la suite des vagues de réformes dont la RGPP de 2007 a été le point culminant, le réseau national, régional et local des CCI est composé de 162 établissements. Les CCI (sous l’appellation actuelle de CCIT ou CCI territoriale) sont au nombre de 123 auxquelles s’ajoutent les 6 CCI départementales de l’Ile-de-France, 6 Chambres des collectivités d’Outre mer et de Nouvelle Calédonie, et 5 des régions des départements d’outre- mer. Le réseau compte également 22 Chambres de commerce et d’industrie de région (CCIR) et 107 Chambres françaises de commerce et d’industrie à l’étranger (CCIFE). Le réseau est enfin mené par une Chambre nationale : la CCI France (ancienne ACFCI)135. Ce schéma montre que la couverture de la présence et de la compétence consulaire est étendue à tous les niveaux administratifs et est aussi bien nationalement qu’internationalement établie. Cela permet au réseau de maîtriser

131 Ce nombre ne tient pas compte la réduction qui a suivi la dynamique de fusion des Chambres qui a commencé dès 2001. Le rapport Attali de 2008 proposait alors de ramener leur nombre à 150.

132 Les nombres présentés ici représentent la situation avant la mise en œuvre des mesures introduites par la RGPP concernant les CCI. La réduction de leur nombre en fait partie. Au cours de la réalisation de cette thèse, et jusqu’au moment de son achèvement, des changements ont commencé à s’opérer concernant le nom et le nombre des CCI et des CRCI. Cela sera traité plus amplement plus tard dans cette première partie.

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Cette configuration correspond à la période antérieure à la mise en œuvre de la réforme générale des politiques publiques (RGPP).

134 CCI France, http://www.cci.fr/web/presse/chiffres-clefs, consulté le 25/08/14.

pleinement les informations économiques qui soutiennent leur expertise, rendant ainsi cette dernière plus variée et plus présente.

Les CCI, en plus d’une histoire particulière, jouissent d’un statut qui leur est propre. Ce sont des établissements semi-publics à caractère administratif. Ils sont institués par décret en Conseil d’État. Elles sont investies d’une mission de service public sous forme corporative (grâce notamment aux élections professionnelles consulaires) et non pas politiques, ni syndicales136. D’où l’interdiction de se constituer en corps. Mais elles ne sont pas pour autant une corporation ou un syndicat. Elles se situent donc à mi-chemin entre ces différentes formes d’organisation.

Par tradition, les Chambres de commerce et d’industrie sont placées sous la tutelle de l’État. Un vade-mecum du décret n° 2007-574 du 19 avril 2007 relatif aux modèles de la tutelle lancées par la loi de 2005 renonce à une tutelle partagée entre l’échelon ministériel et l’échelon déconcentré. Désormais elle est totalement déconcentrée au niveau régional et départemental, permettant ainsi un contrôle plus proche du réseau137. Avec la régionalisation lancée par la loi de 2010, la tutelle a été de nouveau modifiée. Il appartient désormais au Préfet de région, assisté par le directeur régional des finances publiques, d’assurer la tutelle sur l’ensemble du réseau, sauf pour la l’ACFCI (plus tard CCI France) qui est laissée sous la tutelle du ministre138.

136 Cette mission s’incarne essentiellement dans les services fournis aux entreprises par le biais du Centre de Formalité des Entreprises (CFE) qui doit respecter les principes du service public comme celui de la spécialité. C’est ce qui leur permet d’être rémunérées sur la partie des produits de l’impôt payés par les ressortissants.

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Cour des comptes. Rapport public annuel de la Cour des comptes, 2009.

Les compétences consulaires recouvrent un champ d’activités vaste139. Elles possèdent aussi la compétence des juridictions de l’ordre administratif, par la voie de recours pour excès de pouvoir. Leurs actes sont alors des actes administratifs, et en cas de contentieux ne peuvent pas être soumis – à quelques rares exceptions fixées par la jurisprudence - aux juridictions de l’ordre judiciaire. De la même façon, leurs activités n’ont pas de caractère lucratif et ne sont pas assujetties aux impôts de droit commun140.

De manière générale, pour définir le statut juridique des Chambres de Commerce et d’Industrie, il s’agit d’établissements publics, à caractère administratif, sans limitation territoriale d’intervention préétablie, rattachés à l’État et dirigés par des élus. André-Pierre NOUVION (1992) les qualifie de « collectivité nettement distincte de la population globale de l’État, du département ou de la région ou de la commune »141. Pour le Conseil d’État, ce sont « une catégorie très spécifique d'établissements publics, dont les organes dirigeants sont élus et dont l'objet est de représenter librement les intérêts commerciaux et industriels de leur circonscription auprès des pouvoirs publics »142.

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Certaines activités des CCI ont un caractère industriel et commercial à l’instar des concessions portuaires et aéroportuaires qui leur sont confiées. Mais cela ne remet pas en cause le caractère d’établissement public à caractère administratif de ces institutions et ne doivent être considérées que comme étant des exceptions. Sur ce sujet, voir PUAUX (P.). Les Chambres de commerce et

d’industrie au passé, au présent et au futur, op. cit.

140 Notons que certaines activités marchandes des CCI sont quand même frappées des impositions de droit commun comme l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou encore la taxe d’habitation. C’est le cas, par exemple des activités portuaires. Voir PUAUX (P.). Idem.

141 NOUVION (A.-P.). L’institution des Chambres de commerce. Pouvoirs et contrepoids, Paris : LGDJ, 1992, pp. 154-155.