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Selon SKIDMORE et TRIPP, un groupe d’intérêt se définit comme une association d’individus unis par quelque intérêt commun174. De façon globale, la notion de groupe d’intérêt se définit comme étant « une entité qui cherche à représenter les intérêts d’une section spécifique de la société dans l’espace public »175. Il se caractérise par l’existence d’intérêt spécifique à représenter dans l’espace public. Cet espace public comprend non seulement les pouvoirs politiques mais également les autres groupes ou même l’opinion publique. Il peut être un lieu de lutte d’influence entre plusieurs groupes qui cherchent chacun à influencer le même interlocuteur et à influencer les politiques et l’opinion. Les groupes englobent donc des institutions, des syndicats, des formations idéologiques, des ligues, des professionnels de la représentation mandatés par les milieux industriels pour agir de manière réglementée sur les politiques.

Mais, selon une définition plus étroite, un groupe d’intérêts est « une organisation constituée qui cherche à influencer les pouvoirs politiques dans un sens

174 SKIDMORE (M. J.), TRIPP (M. C). La démocratie américaine : gouverner aux États-Unis, trad. de l’américain et annoté par Marc Saporta, Paris : Odile Jacob, 1988, p.87.

favorable à son intérêt »176. C’est cette définition plus circonscrite qui nous intéresse essentiellement. Celle-ci se focalise sur les relations et interactions qui existent entre groupes d’intérêt et les pouvoirs publics. Son objectif est d’analyser le répertoire d’action utilisé par les premiers pour influencer les seconds. Nous entendons toujours ici par répertoire d’action (en référence au répertoire d’action collective de (TILLY, 1984, 1986)177, « les moyens établis que certains groupes utilisent afin d’avancer ou de défendre leurs intérêts ». L’auteur met l’accent sur le caractère collectif (et non pas individuel) des acteurs motivés par des intérêts partagés. Ceux-ci choisissent délibérément (sans totalement exclure les actions spontanées) les moyens dans un cadre interactionniste, c'est-à-dire entre ceux qui exercent le pouvoir (autorités) et ceux qui entreprennent des actions collectives. Les moyens sont alors choisis volontairement en vue de la satisfaction des intérêts des acteurs (acception forte du répertoire) et dans le cadre d’une interaction avec les autorités politiques (acception moyenne). Michel OFFERLÉ revient sur le sujet et ajoute que le choix des moyens d’action est motivé par une « préférence pour la familiarité » en fonction de contraintes de ressources et de la concurrence avec d’autres groupes ainsi que les contraintes situationnelles178. Quoi qu’il en soit, dans le cas de notre sujet et des résultats attendus de notre recherche, nous retenons surtout l’idée des moyens et stratégies mobilisables par les acteurs dans le cadre de leurs interactions avec les pouvoir publics ainsi que les différentes contraintes qui pèsent sur le choix de ces moyens. L’intérêt défendu est celui partagé par les entreprises d’une circonscription consulaire.

Un répertoire d’action est donc une manière de mettre en valeur les différentes ressources dont disposent les groupes d’intérêts en vue d’influencer les décisions politiques (GROSSMAN, SAURUGGER, 2006). Il constitue des éléments mobilisables intégrés dans les rouages d’un système de représentation dont il assure la mise en œuvre, et au sein duquel il est le garant de l’efficacité. Il permet aux

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Idem.

177 TILLY (C.). Op. cit.

178 OFFERLÉ (M.). « Retour critique sur les répertoires de l’action collective (XVIII-XXIème siècle »,

groupes d’intérêts, non seulement de représenter leurs intérêts, mais également d’être représentatif et de faire en sorte que la mission de représentation dont ils ont la charge soit efficace. Dans notre optique d’analyse, ce répertoire d’action est alors ce qui permet à un groupe d’intérêt d’entretenir un certain rapport de force, ou du moins une interaction avec les pouvoirs publics. Cela constitue un arsenal de méthodes et de techniques destinées à mener à bien leur mission de représentation. Dans l’exemple de notre cas d’étude, cela équivaut à dire que les Chambres de commerce et d’industrie possèdent un répertoire d’action précis apprêté dans le but de conduire de manière efficace et efficiente leur rôle de représentant de l’intérêt économique des entreprises du territoire qui lui sont rattachées.

Il y a une manière supplémentaire de comprendre ce qu’est un groupe d’intérêt. Il s’agit de le définir par opposition, c’est-à-dire de le définir par ce qu’il n’est pas (approche concurrentielle)179. Le principal antagonisme qui nous permettrait de procéder à une définition est la différenciation qui existe entre un groupe d’intérêt et une autre forme de groupement que sont les partis politiques. Un groupe d’intérêt n’est pas un parti politique parce que, contrairement à ce dernier, il ne cherche pas à exercer directement le pouvoir. Son objectif vise uniquement à obtenir de ceux qui exercent le pouvoir des actions ou décisions conformes à leurs intérêts. Evidemment, il y a des cas où des groupes d’intérêt investissent l’arène politico-électorale et se transforment en parti politique. C’est, par exemple, le cas du mouvement écologiste un peu partout en Europe et celui du parti travailliste en Angleterre qui fut créé pour exprimer politiquement les intérêts de la classe ouvrière anglaise et de ses syndicats180.

L’intérêt se trouve alors au centre de l’existence du groupe. Plusieurs débats théoriques existent essayant de savoir si c’est celui-ci qui précède le groupe en

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En comparaison avec les partis politiques, une approche plus originale a été donnée par G. COURTY (2006) s’agissant de l’approche par l’antériorité des partis politiques par rapport aux groupes d’intérêt, ces derniers apparaissant comme destinés à combler une carence de la représentation politique.

fédérant des individus autour de lui, ou plutôt si ce sont les groupes qui se créent pour le défendre. Une étude sociohistorique des Chambres de commerce et d’industrie nous permettra de voir que, dans notre cas, c’est l’intérêt qui a précédé la création du groupe. Le contexte particulier de la création de la première Chambre de commerce et d’industrie française montre que cette naissance correspondait à une demande précise, une volonté d’organisation autour d’un objectif défini.

Mais parler de groupe d’intérêt ne peut pas se faire de manière unique parce qu’il y a autant de groupes que d’intérêts. Ce sont alors des structures très diversifiées qu’on a plusieurs fois essayé de catégoriser. De plus, les intérêts ne sont pas des données fixes. Ils sont évolutifs, dynamiques et dépendent largement du milieu dans lequel ils sont insérés (OFFERLÉ, 1998). De manière globale, une classification peut cependant être faite pour décrire les différentes sortes de groupes d’intérêt. Michel OFFERLÉ en distingue sept181 :

1. Les groupes d’intérêts économiques comme les coalitions d’entreprise, les syndicats bancaires, les cartels et ententes industrielles, les empires de presse ou encore les organisations patronales.

2. Les groupes d’intérêts dits « institutionnels » comme l’armée, la haute fonction publique, les grands corps, les ordres libéraux.

3. Les groupes à vocation confessionnelle, spirituelle ou intellectuelle à l’instar des églises, des sectes, de la franc-maçonnerie, des libres-penseurs, des laïques, des sociétés de pensée, des défenseurs du patrimoine.

4. Les groupes à vocation sociologique et socioprofessionnelle à savoir les syndicats, les associations familiales, les mouvements de jeunesse, les professions de santé.

5. Les groupes à vocation humanitaire comme les Organisations non gouvernementales (ONG), les groupes caritatifs, les Fondations, les militants des droits de l’homme, les protecteurs de l’enfance, la SPA.

6. Les groupes associatifs : les clubs sportifs, les associations de consommateurs ou d’usagers, les mouvements mutuellistes, les associations de locataires ou de propriétaires.

181 OFFERLÉ (M.). Op. cit., p.81.

7. Les groupements politiques : les partis comme groupe de pression, les mouvements, les ligues, les clubs de réflexion.

Quant à Bruno GOSSELIN, il en reconnaît six qu’il classifie selon les secteurs d’activité : les groupes d’intérêt publics, les groupes du secteur économique, les groupes d’intérêt professionnels, les groupes défendant une seule cause ou un seul thème, les groupes défendant une idéologie et les groupes politiques182.

Plusieurs vocabulaires sont utilisés, parfois indifféremment les uns des autres pour parler des groupes d’intérêts. À côté de ceux-ci, il y a les groupes de pression et le lobby. Ce qui les réunit c’est l’existence d’un intérêt qu’ils ont pour vocation de représenter ou de défendre. Là déjà, une distinction a souvent été faite par quelques personnes rencontrées au cours de notre enquête de terrain. La représentation d’intérêt viserait uniquement à porter, par voie de mandat (grâce à la procédure d’élection notamment), la voix d’une catégorie ou d’un groupe de personnes auprès des pouvoirs publics. Le but de cette représentation est d’être une caisse résonance pour que les attentes et les avis de ceux-ci soient entendus, sans forcément entrer en contact direct ou personnel avec les pouvoirs publics. Quant à la défense d’intérêt, elle correspondrait plus à une démarche active et volontaire d’agir d’un groupe pour protéger des intérêts que les activités gouvernementales menaceraient (d’où parfois une certaine idée de lutte), ou encore pour empêcher que ne soient promulguées des « lois inutiles »183. La défense d’intérêt se caractériserait alors par des actions de pression directe ou indirecte sur les acteurs politiques. D’ailleurs, pour Thierry COSTE, lobbyiste professionnel, « tout est bon pour influencer le pouvoir »184 tant qu’il reste dans les limites de la législation française.

182 GOSSELIN (B.). Le dictionnaire du lobbying, Colombelles (Calvados) : Ed. Management et société, coll. Pratiques d’entreprises, 2003, pp. 93 – 95.

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Voir l’entretien du 13 avril 2006 accordé au magazine Linternaute par le lobbyiste Thierry COSTE : http://www.linternaute.com/actualite/interviews/06/thierry-coste/chat-thierry-coste.shtml. Cet entretien est intervenu dans le cadre de la sortie de son ouvrage Le vrai pouvoir d’un lobby, Paris : Bourin, 16 mars 2006, 314 p.

Présentement, la représentation serait alors la vocation des Chambres de commerce et d’industrie (faire connaître une position, une attente, un problème, etc.), tandis que la défense serait celle des syndicats patronaux (par exemple : négocier avec les politiques). Mais quoi qu’il en soit et quelque soit l’exemple pris, il faut reconnaître que la frontière entre ces deux notions est mince et que, parfois, représentation et défense ne font plus qu’une.