En France, à la phase d’état, le traitement se limite en règle à une ou, mieux, deux cures de praziquantel (Biltricide®) à la dose unique de 40 mg/kg (60 pour S. japonicum/mekongi), la prise en charge chirurgicale des complications devant être prudente dans les complications urinaires (tissus scléreux). Dans les rares formes neurologiques liées à des migrations aberrantes d’œufs, une corticothé-rapie est souvent justifiée. Dans les primo-invasions, le praziquantel, inefficace, est donné de façon différée ; les formes très symptomatiques sont traitées par corticothérapie. Pour les voyageurs, la prévention passe par l’évitement des bains en eau douce (notamment en Afrique) sauf si des informations fiables garantissent l’absence de transmission localement.
En zone d’endémie, le traitement doit s’inscrire dans un programme de lutte visant d’une part, à interrompre la transmission (baisse de la charge parasitaire par traitement de masse, destruction des mollusques) et d’autre part, à éviter les contacts avec l’eau (éducation et aménagements sanitaires). La place des dérivés de l’artémisinine, dont l’effet a été montré récemment, reste à définir.
L’adaptation à l’homme d’un vaccin bovin s’avère plus difficile que prévu.
Pour en savoir plus
Caffrey CR.Chemotherapy of schistosomiasis : present and future. Curr Opin Chem Biol 2007 ; 11 (4) : 433-9.
Gryseels B, Polman K, Clerinx J, Kestens L. Human schistosomiasis. Lancet 2006 ; 368 (9541) : 1106-18.
Jauréguiberry S, Paris L, Caumes E. Difficulties in the diagnosis and treatment of acute schisto-somiasis. Clin Infect Dis 2009 ; 48 (8) : 1163-4.
Vennervald BJ, Dunne DW. Morbidity in schistosomiasis: an update. Curr Opin Infect Dis 2004 ; 17 : 439-47.
Choléra
(Cholera) Sophie Odermatt-Biays
Points essentiels
l Le choléra est une maladie diarrhéique entérotoxinique d’origine bactérienne.
La diarrhée est aqueuse, sans fièvre mais accompagnée de vomissements. Elle peut entraîner une déshydratation majeure en quelques heures et provoquer un décès en moins de 24 heures par choc hypovolémique.
l La maladie évolue sur le mode endémo-épidémique dans de nombreuses régions intertropicales. Les épidémies surviennent surtout lorsque se conjugue une forte densité de population avec des conditions sanitaires insuffisantes. Le risque pour le voyageur est très faible.
l La vaccination n’est plus recommandée par l’OMS et plus aucun pays ne l’exige.
Le traitement est essentiellement basé sur la réhydratation.
l Le choléra est une maladie de la pauvreté et de l’urbanisation.
Ce qu’il faut savoir pour comprendre
Jusqu’au début du xIxe siècle, le choléra est resté limité au sous-continent indien.
Il s’est étendu vers l’Europe puis l’Afrique, l’Australie, l’Amérique au cours de plusieurs pandémies tout au long du xIxe siècle. Le Vibrio cholerae, identifié en 1884 et responsable de ces premières pandémies, n’a pas persisté dans ces nou-veaux territoires. Au début du xxe siècle, la 7e pandémie est partie d’Indonésie et s’est étendue presque au monde entier. Le Vibrio cholerae sérogroupe O1 bio-type El Tor est devenu endémique dans de nombreuses régions intertropicales.
Actuellement, le choléra affecte 98 pays. Les épidémies ont souvent lieu pendant la saison la plus chaude dans les grandes villes des pays en voie de dévelop-pement sous équipées en infrastructure d’adduction d’eau potable et d’éli-mination des eaux usées ou à l’occasion de rassemblements de population lors des fêtes populaires ou religieuses, des catastrophes et des guerres et notam-ment dans les camps de réfugiés.
En 1992, un nouveau sérogroupe (Vibrio cholerae O139) a été décrit responsable de larges épidémies en Inde et au Bangladesh. Il pourrait bien être à l’origine de la prochaine pandémie.
Le seul réservoir animal du vibrion cholérique est l’homme, cependant le vibrion peut survivre et se multiplier dans le milieu extérieur en association avec le plancton dans les eaux de surface. La transmission du vibrion est féco-orale (péril fécal). Elle est directe de personne à personne (rôle des mains) ou indirecte par l’eau ou la nourriture souillées par les déjections de malades ou de porteurs sains (chaque millilitre de selles contenant jusqu’à 108 vibrions). Une fois ingérés, les vibrions doivent survivre à la traversée de l’estomac car ils sont détruits par l’aci-dité gastrique. De un patient sur trois à un sur cent développe une diarrhée sévère. La sévérité de l’infection dépend de l’immunité intestinale (exposition préalable), de la quantité de l’inoculum ingérée, de la quantité de liquide ingérée avec l’inoculum (une grande quantité accélère le transit), du groupe sanguin du patient (le groupe O est plus à risque) et de l’acidité de l’estomac.
Cette acidité peut être abaissée par des prises de médicaments anti- acides, une gastrectomie ou le plus souvent – dans les populations pauvres – par une alimentation quotidienne insuffisante.
Dès qu’il est dans l’intestin grêle, le vibrion s’y multiplie, adhère à la muqueuse intestinale et libère une toxine qui va faire sécréter l’eau dans la lumière intestinale avec un volume sécrété supérieur aux capacités d’absorption des intestins. De plus, la toxine inhibe aussi l’absorption d’eau par le côlon et a par ailleurs une action émétisante. Il en résulte une diarrhée aqueuse qui peut atteindre 15 à 20 L/j et des vomissements incoercibles responsables d’une déshydratation majeure.
Principales manifestations cliniques et principes du diagnostic
Le temps d’incubation varie de 18 heures à 5 jours. La plupart des infections de choléra s’expriment par une diarrhée modérée ou sont asymptomatiques. Dans les cas sévères, le choléra provoque brutalement une diarrhée sans fièvre, pro-fuse, non douloureuse, blanche avec des débris muqueux lui donnant l’aspect d’« eau de riz ». Des vomissements font suite à la diarrhée, puis des crampes musculaires dans les bras et les jambes. Sans traitement, une déshydratation
sévère s’installe en quelques heures. En l’absence de traitement, 50 % des patients décèdent mais seulement 1 % sous traitement.
L’OMS a proposé la définition clinique suivante : « Une épidémie de choléra doit être suspectée si un patient âgé de plus de 5 ans présente une déshydratation sévère ou meurt d’une diarrhée aqueuse aiguë, ou s’il y a une augmentation brutale des cas de diarrhées aqueuses aiguës spécialement des patients présentant des selles “ eau de riz ” caractéristiques du choléra. »
L’introduction des tests colorimétriques de diagnostic rapide (par exemple Smart® ou Crystal VC®) ont un intérêt épidémiologique pour diagnostiquer le début et la fin d’une épidémie, notamment dans les zones isolées et/ou sommairement équipées.
Le diagnostic doit cependant toujours être confirmé par culture dans un laboratoire de référence pour identifier le sérogroupe et tester la sensibilité du germe aux anti-biotiques. Les selles doivent être transportées sur milieu adapté : Cary-Blair® ou, à défaut, dans du sérum salé isotonique. Dans ce dernier cas, des pastilles buvard trempées dans les selles sont placées dans des tubes remplis de sérum salé.
Principes du traitement
Il repose sur la réhydratation qui doit intervenir le plus tôt possible. L’évaluation de la déshydratation et les décisions de traitement se font selon des critères clini-ques bien décrits par l’OMS :
n en cas d’absence de signes, réhydratation par voie orale (plan A) ;
n en cas de déshydratation modérée, réhydratation orale toutes les minutes (plan B).
n en cas de déshydratation sévère, le patient nécessite une réhydratation intra-veineuse par une solution de Ringer lactate (plan C) (30 mL/kg en 30 minutes puis 70 mL/kg en 2 h 30). Il est placé sur un lit troué (ou mieux avec des son-des anales et urinaires) permettant de recueillir ses urines et ses selles et d’adapter ensuite les entrées de liquide.
Pour les cas modérés et sévères, l’antibiothérapie réduit la période pendant laquelle le vibrion est excrété ainsi que la durée de la diarrhée. La durée d’hospitalisation et l’utilisation de consommables en sont réduites d’autant. L’antibiothérapie systéma-tique des cas avérés ne devrait donc être justifiée qu’exceptionnellement, et en fonction de considérations logistiques en cas d’afflux massif de malades. Les cas de résistance du vibrion aux antibiotiques classiques (tétracyclines, cotrimoxazole et érythromycine) sont de plus en plus fréquents. L’azythromycine et les quinolones sont des options possibles, mais dans tous les cas le profil de résistance doit être testé sur un échantillon de souches représentatives de l’épidémie en cause.
L’adjonction de sulfate de zinc à raison de 20 mg/j pendant 10 à 14 jours réduit la durée et la sévérité de la diarrhée et du choléra chez les enfants dans les zones endémiques.
Prévention
Prévention individuelle
Trois règles systématiques sont à prôner pour la prévention du choléra :
n cuire la nourriture et manger les repas chauds. Réchauffer les restes de nourri-ture des repas précédents. Ne manger que des fruits fraîchement pelés ;
n boire de l’eau bouillie ou décontaminée (par une solution chlorée ou par le soleil dans des bouteilles de plastique PET) ;
n se laver les mains au savon avant de préparer la nourriture, avant les repas, après l’utilisation des toilettes.
Pour les voyageurs, du fait d’un risque très faible, la vaccination par le vaccin oral (Dukoral®) doit être réservée aux professionnels exposés. C’est un vaccin tué. Il nécessite l’administration de deux doses (reconstituées dans de l’eau potable) à 3 semaines d’intervalle. Il protège de Vibrio cholerae O1, et non contre Vibrio cholerae O139 et il n’empêche pas le portage (donc la dissémination) des bactéries.
En zone d’endémie et en cas d’épidémie, il convient dans l’entourage immédiat d’un patient de :
n éliminer ses excrétas et vomissements dans des latrines après leur désinfection ;
n exposer ses vêtements au soleil avant lavage.
Prévention collective
Dans les communautés à risque, la prévention passe par la mise en place :
n d’un système sentinelle de surveillance incluant des informateurs clés pouvant alerter les autorités sanitaires ;
n d’équipes formées à l’investigation de l’épidémie sur place et l’installation de premières mesures : cartographie des cas de choléra, identification des popula-tions à risque et distribution de solutions de réhydratation par voie orale, mise à disposition d’eau potable ou chloration de chaque bidon d’eau puisé dans les zones contaminées (lacs, mares .), éducation sanitaire. En tant qu’outil de santé publique dans le contrôle et la prévention des épidémies, la place du vaccin oral actuellement disponible n’est pas clairement établie. En outre, son administration nécessite une logistique non négligeable – de l’eau potable, une chaîne du froid et pouvoir revacciner la même population 2 semaines plus tard. Enfin, la protec-tion procurée par le vaccin s’atténue progressivement et n’a pas été démontrée comme suffisante au-delà de 3 ans tout au plus ;
n d’infrastructures sanitaires formées à la prise en charge des cas, équipées en solutés de réhydratation par voie orale/parentérale, en antibiotiques et en hypo-chlorite de calcium pour décontaminer les mains, le linge, le sol, les objets des malades, les déjections et les morts.
La chimioprophylaxie ne doit pas être donnée aux sujets contacts asymptomati-ques à cause du risque de développement de résistances. La mise en place d’un cordon sanitaire n’est pas une mesure efficace.
À long terme, la prévention du choléra repose sur l’amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau potable et d’élimination des eaux usées notam-ment dans toutes les villes des PVD.
Pour en savoir plus
Calain P, Chaine P, Johnson E et al. Can oral cholera vaccination play a role in controlling a cholera outbreak? Vaccine 2004 ; 22 : 2444-51.
Sack DA, Sack B, Nair B, Sidikke AK. Cholera. Lancet 2004 ; 363 : 223-33.
Wang xY, Ansaruzzaman M, Vaz R, Mondlane C et al. Field evaluation of a rapid immunochro-matographic dipstick test for the diagnosis of cholera in a high-risk population. BMC Infect Dis 2006 ; 6 (1) :17.
Cysticercose
(Cysticercosis) Paul-Henri Consigny
Ce qu’il faut savoir pour comprendre
La cysticercose se rencontre dans toutes les zones où sévit Taenia solium : principale-ment zones d’élevage extensif et familial de porc (Amérique latine, Mexique, Asie du Sud-Est, Chine, Inde, Afrique subsaharienne, Madagascar et Réunion, mais aussi Océanie, Europe de l’Est…). L’homme se contamine en ingérant des œufs de Taenia solium présents dans des aliments, particulièrement des crudités, souillés par des déjections humaines (péril fécal), ou par contact direct avec des mains souillées. Une auto-infestation est possible à partir d’un Taenia adulte présent dans l’intestin, faute d’hygiène après défécation. L’hypothèse de l’auto-infestation endogène par « remon-tée » puis lyse dans l’estomac d’anneaux d’un Taenia reste à ce jour non prouvée.
L’homme est l’hôte définitif du Taenia solium mais, dans la cysticercose, maladie liée à la forme larvaire et non adulte, il tient le rôle d’hôte intermédiaire, à la place du porc. Dans cette situation, l’homme est une impasse parasitaire.
Chez l’homme, les œufs de Taenia solium, sous l’effet de l’acidité gastrique, libérent les embryons hexacanthes, qui traversent la paroi digestive et dissé-minent dans tout l’organisme pour se localiser, puis s’enkyster, sous forme de larves cysticerques (Cysticercus cellulosae), pour la plupart dans les muscles mais aussi dans d’autres tissus (système nerveux central, œil, peau, tissu sous-cutané, cœur…). Ces larves, constituées d’une vésicule contenant un scolex invaginé, atteignent leur taille définitive d’environ 1 cm en 2 à 3 mois, et peuvent rester viables pendant plusieurs années, avant de dégénérer.
Principales manifestations cliniques et principes du diagnostic
Symptomatologie
La symptomatologie observée dépend de la localisation des larves cysticerques, la gravité de la maladie tenant aux localisations oculaires ou du système nerveux central.
Points essentiels
l Maladie parasitaire liée aux larves d’un cestode du porc, Taenia solium, consé-quence de l’ingestion d’aliments souillés par des déjections humaines contenant des œufs de ce cestode.
l Localisation des larves au niveau musculaire, sous-cutané, mais aussi au niveau oculaire et du système nerveux central, faisant toute la gravité potentielle : cause très fréquente d’épilepsie en milieu tropical.
l Diagnostic par l’imagerie cérébrale (lésions kystiques ou, sur des formes ancien-nes, calcifications), et à un moindre degré la sérologie.
l Traitement le plus souvent médical, associant un antiparasitaire (albendazole ou praziquantel) à des corticoïdes.
l Prévention par le respect des mesures d’hygiène personnelle et alimentaire (cuis-son de la viande de porc).
Les localisations musculaires sont le plus souvent asymptomatiques, pouvant être associées à des localisations sous-cutanées, qui se traduisent par des nodules sous-cutanés, indolores, mobiles, d’environ 1 cm de diamètre, souvent décou-verts fortuitement.
La localisation cardiaque est plus rare, le plus souvent asymptomatique, mais peut se manifester par des troubles de la conduction.
La cysticercose oculaire peut concerner toutes les parties de l’œil : surtout le vitré et la rétine, mais aussi l’espace rétro-orbitaire (exophtalmie possible), la conjonc-tive, la chambre antérieure, les muscles orbitaires. Les troubles visuels dépendent principalement de l’atteinte rétinienne ou de l’uvéite chronique induite. Des troubles visuels d’origine neurologique centrale (neurocysticercose) peuvent aussi s’observer.
Dans la cysticercose cérébrale, ou neurocysticercose, les signes neurologiques observés, non spécifiques, peuvent traduire une compression, avec éventuel effet de masse, un blocage de la circulation du liquide cérébrospinal, ou sont le plus souvent les conséquences de la réaction inflammatoire retrouvée lors de la dégénérescence des larves cysticerques. Vont ainsi pouvoir être observées en premier lieu des crises d’épilepsie souvent révélatrices, mais aussi une hyperten-sion intracrânienne, des déficits moteurs, une hydrocéphalie… ou tout autre signe neurologique (y compris des démences). Les localisations médullaires sont plus rares, responsables de tableaux compressifs.
Les complications neurologiques principales que sont l’hypertension intracrâ-nienne, l’hydrocéphalie, voire certaines localisations cérébrales ou médullaires, peuvent engager le pronostic vital ou fonctionnel. De même, les localisations rétiniennes peuvent se compliquer d’une cécité définitive.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments : sérologie positive, imagerie compatible, voire antécédent éventuel de téniase à Taenia solium.
L’éosinophilie est très inconstante et souvent discrète. Elle peut être retrouvée dans le liquide cérébrospinal en cas de neurocysticercose.
Le diagnostic sérologique, dans le sang ou sur le liquide cérébrospinal, en cas de neurocysticercose, apporte un élément d’orientation mais la positivité est incons-tante. Restant longtemps positif, il ne constitue cependant pas un indicateur de viabilité des cysticerques. Il peut être fait par ELISA, avec risque de croisement avec d’autres cestodoses (hydatidose, certaines téniases…), ou Western Blot, plus spécifique.
L’imagerie utile est la suivante :
n scanner cérébral : image typique de cysticerque viable (hypodense à bords nets, contenant un petit nodule hyperdense, correspondant au scolex) unique ou multiple. Lors de la dégénérescence de la larve, on observe une image iso-dense, rehaussée par l’injection de produit de contraste, puis, pour les lésions anciennes, des calcifications. L’IRM est un meilleur examen pour diffé- rencier les différents stades de la larve cysticerque et pour voir certaines localisa-tions (figure 12). C’est souvent l’évolution des images qui conforte le diagnostic ;
n échographie du globe oculaire, pour visualiser les cysticerques intra-oculaires ;
n radiographie des parties molles (cuisses notamment) objectivant des opacités calcifiées en grain de riz, dans les cysticercoses musculaires ou sous-cutanées anciennes (cf. figure 9.2, p. 67).
Le diagnostic de certitude est apporté par l’examen anatomopathologique d’un nodule sous-cutané ou de tout autre fragment biopsique.