(Lymphatic filariasis) Michel Cot
Ce qu’il faut savoir pour comprendre
La filariose lymphatique est une maladie parasitaire causée par une filaire, ver rond dont les deux principales espèces, Wuchereria bancrofti (90 % des cas) et Brugia malayi (10 %, uniquement asiatique) sont transmises par différents mous-tiques (Culex, Anopheles ou Aedes). L’ensemble des zones tropicales et subtropi-cales est concerné, particulièrement l’Asie, l’Afrique et le Pacifique occidental, et l’OMS estime que 120 millions de personnes sont infectées dans le monde. Le risque de contamination pour un voyageur occasionnel est peu important si le séjour en zone de transmission est court.
Lors de la piqûre par un moustique infecté, les larves de filaires (microfilaires) pénètrent dans la peau puis le système lymphatique. Elles subissent plusieurs mues et se transforment en vers adultes de quelques centimètres de long. Après copulation, les femelles pondent des larves de quelques centaines de microns, qui circulent dans le système lymphatique et passent de façon périodique dans le sang, généralement nocturne (diurne pour certaines sous-espèces du Pacifique). Les larves vivent en moyenne une année et les adultes 10 à 15 ans.
Les moustiques se contaminent par ingestion de microfilaires lors de la piqûre d’un individu infecté.
Principales manifestations cliniques et principes du diagnostic
La plupart des infections sont asymptomatiques, bien que des lésions ultrasono-graphiques du système urinaire et génital aient été montrées chez des porteurs de microfilaires apparemment sains. Les signes cliniques semblent surtout liés à la présence des vers adultes dans le système lymphatique.
Des manifestations aiguës à type de lymphangite ou d’adénite (fébrile ou non) peuvent se produire, en particulier au niveau des membres inférieurs. L’infection
Points essentiels
l La plupart des infections restent cliniquement muettes. Elles doivent cependant être traitées.
l Les symptômes apparaissent progressivement et sont variables selon les indivi- dus, les manifestations chroniques (éléphantiasis) étant responsables de consé-quences fonctionnelles et psycho-sociales lourdes.
l Le risque d’infection pour un voyageur est faible si le séjour est court. Une chimioprophylaxie est envisageable en cas de long séjour.
à W. bancrofti se caractérise par une atteinte génitale masculine fréquente (hydrocèle, épididymite). L’ éosinophilie pulmonaire tropicale (EPT) est un syn- drome surtout observé en Asie (Inde), associant une toux et une dyspnée géné-ralement nocturnes avec une hyperéosinophilie importante (génédrome surtout observé en Asie (Inde), associant une toux et une dyspnée géné-ralement
3000/L de sang). Des formes graves sont possibles avec, à terme, fibrose.
Les manifestations chroniques sont la conséquence de l’obstruction des voies lym-phatiques, avec formation, au bout de plusieurs années, d’un œdème induré réalisant un éléphantiasis des membres (cahier couleur : figure 16) ou du scro- tum (W. bancrofti uniquement). L’atteinte des voies urinaires se traduit plus rare-ment par une chylurie. Ces manifestations ont un retentissement psycho-social très lourd sur les populations touchées.
Le diagnostic parasitologique direct se fait par mise en évidence de microfilaires dans le sang prélevé la nuit (sauf pour la sous-espèce à périodicité diurne) sur goutte épaisse ou autres techniques de concentration sanguine (centrifugation en solution de formol – technique de Knott, ou filtration sur membrane en poly-carbonate) (cf. cahier couleur : figure 10.4). Ces méthodes sont peu sensibles, de nombreux individus infectés étant amicrofilarémiques.
La sérologie est peu spécifique. Il existe des tests sensibles et spécifiques recher- chant la présence d’antigènes circulants (ELISA et test rapide d’immunochroma-tographie sur carte utilisable sur le terrain), mais uniquement pour W. bancrofti.
La PCR est limitée à des laboratoires spécialisés.
Principes du traitement (en milieu spécialisé)
La diéthylcarbamazine ou DEC (Notézine®), ancien traitement « de référence » (prise unique de 6 mg/kg ou 6 mg/kg/j en 2 ou 3 prises pendant 2 semaines), active sur les micro- et macrofilaires, est de moins en moins utilisée au profit de l’ivermectine (Mectizan®), utilisée à la dose unique de 150 à 200 g/kg. On y associe maintenant une dose unique de 400 mg d’albendazole (Zentel® ) en rai-son de ses propriétés macrofilaricides. En zone endémique pour la loase (bloc forestier centre-africain), la recherche préalable de Loa loa est indispensable, l’utilisation de DEC et même d’ivermectine pouvant entraîner des réactions sévères en cas de co-infection. L’association DEC–ivermectine a également mon-tré une très bonne activité microfilaricide. Une voie de recherche possible serait un traitement complémentaire par cyclines en raison de son action sur Wolbachia, bactérie dont il a été montré qu’elle jouait un rôle clé dans la survie à long terme des filaires (intérêt déjà démontré dans l’onchocercose).
En raison des lésions infracliniques, les porteurs asymptomatiques de microfilai-res doivent être traités. L’EPT est rapidement résolutive sous traitement, ainsi que les manifestations aiguës où l’on doit associer repos au lit, anti-inflammatoires, pommade à l’oxyde de zinc localement, antalgiques et antibiothérapie (fré-quence des streptocoques). Pour les lésions chroniques, seuls les soins locaux, la prévention des surinfections, voire la chirurgie peuvent être envisagés.
Prévention
Les répercussions de cette parasitose sont importantes en santé publique. La prévention communautaire repose sur l’association d’un traitement annuel de l’ensemble de la population à des mesures de lutte antivectorielle.
Sur le plan individuel, le risque d’infection est faible en cas de séjour de courte durée. La protection contre les piqûres de moustiques (utilisation de moustiquai- res imprégnées et de répulsifs) est recommandée dans tous les cas. Une chimio-prophylaxie par DEC (1/2 cp/j, 2 fois/semaine) ou par ivermectine a pu être proposée pour les séjours prolongés en conditions très exposées sans qu’aucune validation ne soit disponible.
Pour en savoir plus
Hoerauf A. Filariasis: new drugs and new opportunities for lymphatic filariasis and onchocer-ciasis. Curr Opin Infect Dis 2008 ; 21 (6) : 673-81.
www.dpd.cdc.gov/dpdx/HTML/Filariasis.htm
Gale
(Scabies) Paul-Henri Consigny
Points essentiels
l Ectoparasitose très contagieuse, liée à un acarien, Sarcoptes scabiei hominis, spé-cifique de l’homme, de répartition ubiquitaire, de transmission le plus souvent interhumaine, favorisée par des conditions d’hygiène précaires.
l Manifestation par un prurit surtout nocturne avec diagnostic en règle clinique (prédominance aux mains et aux plis), confirmé par la mise en évidence du sar-copte ou de ses œufs par l’examen de grattage de lésions cutanées.
l Une forme profuse, la gale norvégienne, touche préférentiellement les person-nes immunodéprimées.
l Traitement reposant sur les scabicides topiques, ou l’ivermectine orale, associés au déparasitage des vêtements et literie.
Ce qu’il faut savoir pour comprendre
De répartition ubiquitaire, la gale constitue un réel problème de santé publique dans les pays en développement (pauvreté, insuffisance d’hygiène, promiscuité), où elle est endémo-épidémique. Elle n’est pas rare dans les pays occidentaux (cas sporadiques ou épidémies dans les institutions pour personnes âgées notamment, les facteurs favorisants étant les mêmes).
La transmission se fait par contact cutané direct, de personne à personne, éven- tuellement en intrafamilial, souvent à l’occasion de rapports sexuels. La transmis-sion indirecte, par le biais des vêtements, de la literie, est l’apanage des gales profuses, le sarcopte survivant quelques jours hors de son hôte.
Cet ectoparasite est un parasite obligatoire de l’homme : tout le cycle, de l’œuf à l’acarien adulte (en passant par la larve et la nymphe), se déroule au niveau de la couche cornée de l’épiderme, où l’acarien (la femelle) creuse des tunnels, y déposant ses œufs ou ses déjections. La larve provenant de l’œuf devient adulte en 2 à 3 semaines. La durée de vie d’un sarcopte adulte est de 2 à 3 mois.
Principales manifestations cliniques et principes du diagnostic
La période d’incubation est d’environ 3 semaines, en cas de primo-infestation, alors que la réinfestation est symptomatique après 1 à 3 jours.
Le signe cardinal est un prurit féroce, à recrudescence nocturne, entraînant une irritabilité, touchant préférentiellement les espaces interdigitaux des mains, les zones de flexion des poignets, des coudes, les creux axillaires, la région ombili-cale, les fesses, les organes génitaux chez l’homme, les seins chez la femme, épargnant le dos et le visage (sauf chez les nourrissons, où la topographie est plus atypique, avec atteinte du visage, des paumes et des plantes). Le tableau est d’autant plus évocateur qu’il existe une notion de prurit conjugal ou familial.
Les lésions cutanées caractéristiques sont les sillons (hébergeant les acariens adultes), les vésicules perlées (hébergeant les nymphes) et les papulonodules (organes génitaux, régions axillaires). Des lésions non spécifiques de grattage sont associées, voire des zones eczématisées ou impétiginisées.
Les lésions cutanées peuvent manquer ou être atténuées chez les sujets propres et les patients sous dermocorticoïdes, induisant souvent des errements diagnostiques.
Une forme clinique sévère, la gale croûteuse profuse ou « gale norvégienne », touche particulièrement les sujets fragilisés ou immunodéprimés (traitement cor-ticoïde général, voire topique prolongé, infection à VIH…), consistant en des lésions hyperkératosiques disséminées y compris à la tête et au cou. Cette forme, peu ou pas prurigineuse, peut être associée à une polyadénopathie diffuse. Des formes croûteuses localisées peuvent être observées.
Une impétiginisation des lésions (streptocoque, staphylocoque), consécutive à un grattage intense peut survenir, avec risque secondaire de glomérulonéphrite post-streptococcique.
Un traitement inapproprié par dermocorticoïdes peut conduire à des formes croûteuses profuses ou localisées.
Le diagnostic est avant tout clinique, devant un prurit nocturne et des lésions de topographie évocatrice.
Une hyperéosinophilie peut être observée dans les formes profuses.
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence, cependant inconstante, du sarcopte, voire de ses œufs ou de ses déjections, par analyse microscopique du prélèvement (grattage au vaccinostyle) de l’extrémité d’un sillon scabieux.