(Avian Influenzae Virus infection ; H1N1 2009 influenza infection) Des virus instables
Les virus de la grippe appartiennent à trois groupes (A, B et C). Ils sont caracté- risés par deux protéines majeures de surface, l’hémaglutinine (H) et la neurami-nidase (N). Si les virus de type C sont assez stables, les virus A et B sont très évolutifs. Ces évolutions sont liées à des mécanismes de glissement antigénique par mutation entraînant un nouveau variant, en règle très proche du précédent, mais qui va faire en sorte que l’immunité acquise à partir des épisodes de grippe précédents sera moins efficace face à un tel variant. Ce phénomène explique la nécessité de faire évoluer tous les ans les vaccins antigrippaux.
Pour les virus de type A, un deuxième mécanisme de variation peut survenir. Il s’agit d’une cassure impliquant le gène d’une des protéines majeures, l’hémaglu-tinine, modifiant le virus de façon beaucoup plus importante et donnant nais-sance à un nouveau virus qui peut être à l’origine d’une épidémie qui peut gagner tous les continents (pandémie) et contre laquelle les populations n’ont pas d’immunité. Ce phénomène explique les pandémies grippales connues his- toriquement (grippe espagnole en 1918 avec 40 millions de morts, grippe asiati-que en 1957 avec 4 millions de morts, grippe de Hong Kong en 1968 avec 2 millions de morts). Après l’émergence d’une pandémie, le virus en cause donne ensuite naissance à des épidémies saisonnières qui perdent progressive-ment, par acquisition d’une immunité par la population, de ses caractères de gravité. C’est ainsi que les virus grippaux en circulation depuis ces 25 dernières années sont des descendants du virus en cause dans la pandémie de Hong Kong.
Ponctuellement, un virus ancien peut par ailleurs réémerger.
Le réservoir de ces virus grippaux est vraisemblablement les oiseaux ainsi que d’autres animaux comme le porc ou le cheval. Il est d’ailleurs vraisemblable que, si la plupart des pandémies débutent en Asie, c’est en raison d’une très forte den-sité de population vivant au contact de ces animaux réservoirs, sachant que les volailles domestiques (canards…) sont en règle contaminées par leurs équiva- lents sauvages (qui peuvent être porteurs sains) et qui peuvent par ailleurs assu-rer la dissémination internationale du virus lors des vols migratoires. L’élevage conjoint des volailles et des porcs favorise le passage du virus aviaire vers le porc, chez qui une hybridation avec un virus grippal humain peut se faire. Le virus hybride (ou mosaïque) peut ensuite être à l’origine d’une épidémie, voire d’une pandémie.
La grippe aviaire A/H5N1
C’est probablement ce mécanisme qui est à l’origine des cas humains de grippe aviaire A/H5N1. L’épizootie aviaire a débuté fin 2003 dans huit pays d’Asie du Sud-Est, touchant des millions de volailles d’élevage, la transmission à l’homme ayant été officialisée par l’OMS en janvier 2004. Si des éléments inquiétants ont
été confirmés comme une transmission interhumaine, les données épidémiolo-giques actuelles restent cependant très rassurantes avec un nombre limité de cas humains (450 cas) contrastant cependant avec une mortalité de près de 60%,é de près de 60%, attestant pour le moment d’une très faible transmissibilité à l’homme.
Parallèlement, l’épizootie aviaire a continué de progresser en touchant l’Europe en début d’année 2006 puis le continent africain, grâce aux mouvements d’oiseaux migrateurs et vraisemblablement à l’exportation de volailles pour la consommation.
Chez l’oiseau, le virus A/H5N1 est responsable essentiellement d’une maladie digestive rapidement mortelle. Chez l’homme, après une incubation de 2 à 4 jours (maximum 8 jours), le tableau débute souvent par une diarrhée pour se compléter par des signes respiratoires avec notamment une pneumopathie res-ponsable du décès dans les formes graves. Des formes cliniques sans gravité sont possibles, de même que des formes asymptomatiques. La transmission, difficile, se fait par contact direct (aérosols, contacts avec les plumes souillées par les virus excrétés par les fientes expliquant qu’au-delà de 1 à 2 mètres, il n’y a plus de ris-que) avec des volailles infectées, vivantes ou mortes.
La crainte d’une nouvelle pandémie
Face à cette évolution, la crainte était la rencontre de ce virus aviaire A/H5N1 avec un virus humain de la grippe saisonnière qui aurait pu conduire, grâce aux mécanismes vus plus haut, à des échanges génétiques entraînant la diffusion d’un virus hybride ayant la transmissibilité de la grippe saisonnière et potentiel- lement la gravité du virus A/H5N1. Un tel virus, comme les antécédents histori-ques nous l’ont déjà démontré, aurait pu alors diffuser à un niveau pandémique.
Une telle pandémie, dont il est toujours difficile d’évaluer la probabilité de surve-nue et de prédire son degré de virulence, pourrait cependant dans les hypo-thèses les plus pessimistes entraîner une morbidité et une mortalité considérables (notamment dans les pays en développement). Ces projections pourraient cependant être revues à la baisse car, une fois ce virus « mosaïque » isolé, la mise au point et la production à large échelle d’un vaccin monovalent pourrait ne prendre que quelques mois. Par ailleurs, un traitement devrait pouvoir être pos- sible. Deux médicaments antiviraux (notamment l’oseltamivir) bloquant la neu-raminidase sont efficaces contre les virus grippaux saisonniers ou aviaires. Pour être efficaces en curatif, ils doivent être débutés très précocement (dans les 48 heures du début des signes). Une utilisation préventive est possible, soit en postexposition (dans les 48 heures du contact), soit en prévention « primaire » en situation épidémique.
La grippe à nouveau virus A/H1N1(mars 2009)
Les craintes engendrées par le virus aviaire H5N1 ne se sont en 2009 pas concré-tisées (même s’il est toujours en circulation) avec une transmission à l’homme et interhumaine qui reste occasionnelle, contrastant avec la gravité de la maladie (moins de 450 cas mais avec une mortalité de 60 %). Par contre, une nouvelle épi-démie apparue en mars 2009 au Mexique a très rapidement dégénéré en pan-démie. Si le porc a joué un rôle initial, la transmission interhumaine a par contre été rapidement très efficace. Même si les données sont incomplètes, cette nouvelle pandémie ne semblait pas en septembre 2009 particulièrement virulente par
rapport à la grippe saisonnière avec une mortalité comparable (autour de 0,5 %) mais par contre une transmissibilité potentiellement importante, notamment chez les adolescents et les adultes jeunes (les plus âgés ayant probablement déjà ren-contré un virus proche). Les femmes enceintes et les obèses semblent plus à risque de forme pulmonaire sévère. L’oseltamivir (1 cp 2 fois/j pendant 5 j), donné dans les 48 h du début des signes est recommandé si forme grave, grossesse, terrain fragilisé ou enfant 1 an. Un vaccin monovalent à 2 doses devrait être disponible à l’automne 2009.
Poxviroses
(Monkeypox virus)Les poxviroses ne sont pas stricto sensu dues à des virus émergents (certains d’entre eux, comme le Molluscipoxvirus responsable du Molluscum contagiosum, étant très répandus dans le monde entier) mais, du fait des craintes alimentées par le risque biologique lié au terrorisme (utilisation possible du virus de la variole comme arme biologique) ou de l’émergence de petites épidémies de Monkeypox, elles ont malgré tout un caractère potentiellement émergent.
Seul le Monkeypox est abordé ici, le virus de la variole ayant été déclaré éra- diqué de la surface du globe (en dehors de quelques laboratoires qui entretien-nent des souches).
Le virus Monkeypox fait partie des orthopoxvirus au même titre que le virus de la variole et de la vaccine. Le virus circule chez les écureuils, certains singes et le rat de Gambie (à l’origine d’une épidémie aux États-Unis en 2003) dans les forêts tropicales humides d’Afrique de l’Ouest et centrale (principalement République démocratique du Congo) et peut être sporadiquement transmis par contact direct (chasse notamment) à l’homme avec une transmission secondaire directe interhumaine possible, bien que faible. Le Monkeypox provoque une maladie proche de celle de la variole (cahier couleur : figure 22), en beaucoup moins grave, avec fièvre, polyadénopathies, exanthème maculeux puis papu- leux, précédant l’apparition de pustules nécrotiques laissant des séquelles cica-tricielles. Des complications infectieuses peuvent être responsables du décès. Le diagnostic est clinique avec confirmation par prélèvements envoyés au labora-toire de référence. Il n’y a aucun traitement spécifique, l’important étant d’éviter la surinfection des lésions et la dénutrition.
Un des diagnostics différentiels est la varicelle ou l’infection à tanapox virus responsable d’un tableau clinique proche mais transmis par moustiques, les sin-ges constituant vraisemblablement le réservoir.
Paramyxoviroses (virus Hendra et Nipah)
(Hendra, Nipah virus)Sans décrire la rougeole (pourtant responsable encore d’un million de décès par an dans le monde, principalement dans les pays en développement) ni les oreillons, paramyxoviroses les plus connues, d’autres virus de la même famille sont considérés comme émergents : les virus Hendra et Nipah.
Le virus Hendra, découvert il y a une dizaine d’années en Australie, touche essentiellement les chevaux, même si quelques cas humains ont été décrits avec un tableau d’encéphalite.
Très proche de ce virus, un autre virus appelé Nipah, apparu en Malaisie en 1998, a touché sous forme de plusieurs poussées épidémiques plusieurs centai-nes de personnes en Asie (principalement Malaisie, Singapour, Bangladesh) avec une mortalité de l’ordre de 20 à 30 %, dans un tableau grippal compliqué d’une encéphalite. Un contact avec les porcs semble être un facteur favorisant, le réservoir semblant être des chauves-souris frugivores.