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5.2 Concept d'amplication des contraintes

5.2.1 Principe du concept

On cherche à établir une relation entre le taux d'étirement λmacroimposé à l'échelle macroscopique, par exemple lors d'un cycle de contrainte-déformation et le λmicro réelle-ment ressenti par l'échantillon à l'échelle microscopique cette fois. On va donc dénir des facteurs d'amplication des contraintes locales existant au sein des échantillons soumis à des déformations macroscopiques. Ces facteurs d'amplication sont estimés à partir de trois techniques expérimentales dans notre étude : la mécanique, la RMN et enn la diraction de rayons X aux grands angles (mesure des seuils de cristallisation).

Contraintes relevées à l'échelle microscopique au niveau des chaînes de po-lymères. Pour comprendre les modications de dynamique induites sur les chaînes de polymères par les charges de noir de carbone, nous avons étudié notamment au cha-pitre (4.1) l'eet de diérents types de noir de carbone (échantillons renforcés à 50 pce en charges de noir de carbone dans cette première partie) sur les chaînes polymères, à l'échelle microscopique. On utilise les résultats du chapitre (4.1) pour tracer sur la

gure (5.2) l'écartement ∆ν du doublet RMN en fonction de l'élongation ¡λ2− λ−1¢ pour quatre échantillons : un non renforcé et trois renforcés à 50 pce de trois types de noirs de carbone, avec pour chacun un taux de soufre de 1,5 pce.

0 1 2 3 4 5 6 7 0 100 200 300 400 500 N358 N772 N326 ∆ν (Hz) Non renforcé κ c = (λ2-1)min cristallisation 2-1)macro 2-1)micro κ c = 5 κ c = 6 κ c = 7,5 κ c = 25 λ2-1 Fig. 5.2:Expérience de RMN2

H. Doublet ∆ν du cyclohexane deutéré tracé en fonction de (λ2

− λ−1

) pour le caoutchouc non renforcé (1,5 pce) et les élastomères chargés à 50 pce de N326, N358 ou N772.

Pour chaque pente RMN obtenue, on est en-dessous du seuil χc de cristallisation.

On observe que la pente obtenue pour l'échantillon non renforcé est plus faible que celles des échantillons chargés. Cela indique que les contraintes stockées au sein des chaînes de polymères sont plus faibles pour les échantillons non renforcés que pour ceux chargés, et cela même pour le polymère renforcé d'agrégats de noir de carbone dits  non renforçants  (le noir N772). Nous pouvons noter que la valeur des pentes RMN dépend du type de noir de carbone. Toutes choses égales par ailleurs, plus le noir de carbone est renforçant (en terme de module élastique notamment), plus sa pente RMN est importante. Par conséquent, les contraintes stockées dans l'élastomère sont reliées à la nature des charges de noir de carbone.

Généralement, on trouve que la pente RMN est d'autant plus importante que le noir est renforçant, mais c'est aussi le cas lorsqu'on augmente la concentration en charges et la densité de réticulation (par exemple, les pentes sont plus élevées pour les échantillons renforcés à 50 pce plutôt qu'à 30 pce, et plus élevées pour des échantillons réticulés à 2,5 pce plutôt qu'à 1,5 pce). Les valeurs de ces pentes indiquent donc à l'échelle microscopique des chaînes de polymères des contraintes stockées dues aux charges et à la réticulation.

Pour mettre cela en évidence, chaque courbe σ(λ) est superposée à celle de l'échan-tillon non renforcé par une simple transformation le long de l'axe des λ, à sa valeur en force ou contrainte σ pour une déformation macroscopique de λ = 2, comme cela est représenté sur les gures (5.3) et (5.4).

20 15 10 5 0 σv (N /m m 2 ) 8 6 4 2 0 λ2−λ−1 Non renforcé N358 N326 N772

Fig. 5.3:Courbes de contrainte-déformation des échantillons non chargé et renforcés mesurées durant

des cycles mécaniques à T = 22◦

C et 0,1 mm/s. Le taux de soufre est de 1,5 pce pour chaque échantillon ;

les élastomères renforcés contiennent 50 pce de noir de carbone. σvest la contrainte vraie.

σv

(N

/m

m

2 )

2−λ−1)micro équivalent non renforcé

Non renforcé (x1.00) N358 x 4.50 N326 x 3.00 N772 x 2.52 20 15 10 5 0 40 30 20 10 0

2−λ−1)micro équivalent non renforcé

Non renforcé N358 N326N772 0 1 2 0 5

Fig. 5.4:Courbes de contrainte-déformation superposées à celle de l'élastomère non renforcé par une

simple translation de l'abscisse (λ2

− λ−1

). On montre en insert le début des courbes, à faible taux de

déformation. σvest la contrainte vraie.

Il est dicile de mesurer la pente à l'origine, qui donnerait le module élastique Gen régime linéaire. On note ici que le renforcement (i.e. le rapport R = G

chargé/Gnon chargé) mesuré dans le régime linéaire est plus grand d'un facteur 3 environ à celui mesuré dans le régime non linéaire. Cette diérence est une observation directe de l'eet Payne.

On obtient ainsi des c÷cients fméca. et fRMN répertoriés dans le tableau (5.1) du chapitre (5.2.2) couplant pour un échantillon renforcé une déformation macroscopique λmacroet une déformation locale (ou microscopique) λmicro. Ces c÷cients indiquent que pour une même valeur de contrainte σ, les échantillons renforcés ont une déformation λmacro plus grande que le λmicro équivalent à l'échantillon non renforcé. En d'autres termes, pour une même valeur de contrainte macroscopique, les chaînes de polymères de l'échantillon renforcé supportent davantage de contraintes à l'échelle microscopique que celles de l'échantillon non chargé. La superposition eectuée est très bonne à très grande déformation, où l'ensemble des échantillons suit exactement la même courbe de contrainte-déformation. À faible déformation, i.e. dans le régime linéaire, la non superposition des courbes nous permet de mettre en évidence l'inuence du module élastique de l'échantillon sur la courbe de contrainte-déformation : le plus renforçant est celui qui présente la plus forte pente à l'origine (au début du cycle de déformation). Cette mesure est couramment employée pour mesurer le module élastique G.

Étant donné ces résultats, comment expliquer cette amplication de contrainte, c'est à dire la diérence entre le λmicroet le λmacroau sein de nos échantillons renforcés ? Cette question équivaut à se demander pourquoi les chaînes de polymères atteignent leur li-mite d'extensibilité plus tôt, i.e. à un taux de déformation plus faible ? Une des réponses à ces questions se trouve au niveau des eets d'amplication de contraintes dus à l'in-clusion de particules renforçantes supposées indéformables. En eet, dans un système biphasique de particules dures dispersées au sein d'une matrice polymère à l'état caou-tchoutique (donc dans un état  mou ), on peut supposer une augmentation eective de la déformation au sein la matrice polymère, représentée gure (5.5). Le facteur

ap-λ

Charge Élastomère Charge Charge Élastomère étiré Charge

Fig. 5.5:Représentation schématique du concept géométrique d'amplication de contrainte. pelé  amplication de contrainte  est directement relié aux λmicro et λmacro introduits auparavant dans ce chapitre. Il fait le lien entre la contrainte macroscopique imposée à un échantillon lors d'une sollicitation mécanique par exemple, avec les contraintes mi-croscopiques réellement ressenties au sein de la matrice polymère. Mullins et Tobin [160] interprètent la fonction de  Guth et Gold  comme un facteur d'amplication de contraintes selon l'équation ci-dessous :

ǫélastomère= ǫ0(1 + aφ + bφ2) (5.4) avec :

∗ ǫélastomère la contrainte principale ressentie au sein de la matrice polymère, ∗ ǫ0 la contrainte macroscopique imposée à l'échantillon renforcé,

Une autre expression visant à expliquer ce phénomène d'amplication de contraintes, basée sur de simples considérations géométriques, est donnée par Bueche [23] :

λélastomère= λ− φ1/3

1− φ1/3 (5.5)

avec dans ce cas :

∗ λélastomère le facteur d'élongation ressenti au sein de la matrice polymère, ∗ λle facteur d'élongation macroscopique imposé à l'échantillon renforcé, ∗ φla fraction volumique en charges.

L'expression de Bueche n'est exacte que si on interprète le terme en φ1/3 comme la  fraction linéique  en segments rigides dans une dimension dans un système composite de forme allongé. Le véritable facteur d'amplication de contraintes est en fait :

λélastomère= λ− φ

1− φ (5.6)

Cette théorie nous donne donc une interprétation du facteur de renforcement à l'échelle microscopique basée sur des considérations d'amplication de contraintes dans la matrice polymère. Dans la partie (5.2.2) qui suit, nous quantions par des mesures conjuguées de mécanique et de RMN les diérences ressenties au niveau des contraintes appliquées à l'échelle macroscopique d'une part, et ressenties à l'échelle microscopique d'autre part.

5.2.2 Estimation de l'étirement local ressenti par la matrice