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Nous décrivons dans cette partie un modèle physique permettant de décrire le ren-forcement, les eets Payne et Mullins ainsi que les relaxations et plasticité. Ce modèle est basé sur l'existence de polymère vitreux notamment au voisinage des charges, et plus particulièrement sur le recouvrement des couches vitreuses entre charges par le biais de ponts vitreux.

5.3.1 Principe du modèle de  couche vitreuse 

Toujours dans le but de faire le lien entre les propriétés mises en évidence à l'échelle macroscopique d'une part, et microscopique d'autre part, on s'appuie ici sur un mé-canisme de renforcement basé sur de fortes variations de la dynamique des chaînes de polymères selon leur localisation au sein des échantillons.

On s'intéresse en particulier à l'existence d'une fraction de polymère à dynamique réduite, qui se manifeste sous la forme de chaînes présentant un gradient de mobilité de l'état liquide (chaîne libre isolée, identique aux chaînes de la matrice polymère non chargée) loin des charges, jusqu'à l'état vitreux au contact immédiat des particules ren-forçantes. Un tel gradient de mobilité a été mis en évidence sur nos échantillons par des expériences de RMN au chapitre (4.1.3) (remarque : on a pu mettre en évidence uniquement les parties appelées  transition  et  état caoutchoutique  de la gure (5.9). De nombreux comportements et interprétations nous laissent supposer que la par-tie  état vitreux  existe mais est de très faible épaisseur, donc dicilement identiable au sein de nos échantillons). Ce mécanisme est représenté gure (5.9). Une telle couche

NOIR DE CARBONE état vitreux transition état caoutchoutique distance à la surface couche immobilisée couche perturbée élastomère en masse ÉLASTOMERE

Fig. 5.9: Représentation schématique de l'évolution spatiale du module élastique en fonction de la distance aux particules renforçantes.

vitreuse où les propriétés des chaînes sont perturbées, a déjà été suggérée dans plusieurs interprétations des élastomères renforcés [9,10, 11,84,125, 152,211]. Ces couches vi-treuses, lorsqu'elles ont une épaisseur assez importante, peuvent percoler et constituer ainsi des  ponts vitreux  formant un réseau rigide qui va contribuer aux propriétés mécaniques en plus de la réticulation chimique et du réseau percolant agrégat-agrégat ou agglomérats de charges, comme cela est représenté gure (5.10).

D'une manière globale, on peut voir le matériau comme un ensemble d'agrégats reliés par des liaisons fortes (de type hydrogène) et des liaisons faibles (de type Van der Waals) avec le polymère lié. Il faut toutefois discerner deux cas selon le taux de charges de noir de carbone contenu dans nos mélanges :

1 Particule renforçante Interphase rigide a) b) pont vitreux

Fig. 5.10: Représentation schématique du rôle de l'interphase rigide : (a) : pas de couplage ; (b) : couplage mécanique des particules via l'interphase rigide.

∗ pour les faibles taux de charges, soit sous le seuil de percolation (i.e. pour les teneurs en noir de carbone inférieures à 15 pce), il n'y a pas de réseau percolant agrégat-agrégat. On peut alors raisonnablement décrire la structure des charges comme un assemblage de sous-structures (agrégats liés par des liaisons fortes) reliées les unes aux autres par du polymère lié, comme cela est montré sur la gure (5.12) à basse température.

∗ Pour les forts taux de charges, soit au-dessus du seuil de percolation (i.e. pour les teneurs en noir supérieures ou égales à 30 pce), la même description est appliquée, avec cette fois en plus un réseau percolant agrégat-agrégat.

5.3.2 Évolution de la couche vitreuse en fonction de la température

L'ensemble des résultats permet donc à présent de proposer un modèle physique pour nos matériaux composites polyisoprène-agrégats de noir de carbone, et ainsi d'expliquer en partie l'origine des variations des modules élastiques notamment en fonction de la température, visibles sur la gure (3.4), retracée dans cette partie pour plus de commodité (gure5.11). Ainsi, on pense que la couche de polymère à mobilité réduite au voisinage des agrégats engendre des  ponts vitreux  entre les charges, induisant en quelque sorte un réseau supplémentaire en plus du réseau de réticulation entre les chaînes de polymères et du réseau d'agglomérats entre charges de noir de carbone. Cette couche de polymère vitreux est représentée sur la gure (5.12), pour deux taux de réticulation diérents et en fonction de la température. L'idée est que l'épaisseur de la couche vitreuse doit dépendre de la densité de réticulation.

∗ À basse température (Tg< T ≤ −20C).

Le module est dominé par la contribution des ponts vitreux qui percolent à tra-vers tout l'échantillon, ceci parce que la couche vitreuse est relativement épaisse, en plus de la contribution des agrégats de noir de carbone. Par conséquent, les modules sont pratiquement identiques. Cela explique la superposition des courbes d'un même noir de carbone à basse température sur la courbe (5.11). Dans ce régime, la contribution de l'élasticité de la matrice caoutchoutique est négligeable.

-30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 1 non renforcé 1.0 pce 30 pce N326 - 2.5 pce 50 pce N772 - 2.5 pce 1.5 pce 1.5 pce 50 pce N326 - 2.5 pce 1.5 pce 50 pce N358 - 2.5 pce 50 pce N358 - 2.5 pce 50 pce N358 - 1,5 pce 50 pce N326 - 2,5 pce 50 pce N326 - 1,5 pce 50 pce N772 - 2,5 pce 50 pce N772 - 1,5 pce 30 pce N326 - 2,5 pce 30 pce N326 - 1,0 pce non chargé - 1.5 pce

G ' ( M P a ) T (°C) 5 Fig. 5.11: Module G′

mesuré dans le régime linéaire (amplitude de 0,1 %), 1 rad/s, 1◦

C/min pour des échantillons contenant diérents types de noir de carbone. L'échantillon non renforcé est tracé à titre de référence.

Densité de réticulation 2,5 pce 1,5 pce

Basse température Température intermédiaire Haute température Polymère vitreux Charge Polymère non vitreux

Fig. 5.12: Couche vitreuse existant au voisinage des charges de noir de carbone représentée pour deux taux de réticulation diérents (1,5 et 2,5 pce) en fonction de la température.

∗ Pour des températures intermédiaires (T > -20C).

L'élasticité de la matrice (qui dépend de la densité de réticulation, i.e. de la quan-tité de soufre) contribue d'une façon plus importante (non négligeable) au module. Cependant, le comportement n'est pas dicté par celui de la matrice caoutchou-tique : la décroissance en température ne correspond pas au comportement du système non renforcé, et les modules des échantillons renforcés restent élevés. L'idée introduite ici est qu'une faible diérence de température de transi-tion vitreuse Tg, i.e. une faible diérence d'épaisseur de couche vitreuse peut se traduire par une variation du module importante, si on est proche du seuil de pecolation pc des ponts vitreux, comme cela est repré-senté sur la gure (5.13).

p pc

ξ

0 1

Fig. 5.13:Seuil de percolation pc des ponts vitreux. ξ est la taille du plus grand objet vitreux. Cela explique les diérences qui se développent à plus haute température entre des échantillons de même charges, mais de taux de réticulations diérents. Ce com-portement représenté sur la gure (5.12) induit des modules élastiques diérents, expliquant ainsi la séparation des courbes d'évolution du module G en fonction de la température pour les échantillons réticulés à 1,5 et 2,5 pce, représentées sur la gure (5.11).

∗ À plus haute température.

Les ponts vitreux ont tous fondu. Il ne subsiste qu'une petite couche vitreuse localisée à la surface des charges, mais plus d'interconnexions entre les charges par l'intermédiaire de ponts vitreux. Cela engendre le comportement en terme de module élastique visible sur le graphe (5.11) à haute température, où la diérence de module pour un échantillon renforcé par un même noir de carbone mais à deux taux de soufre diérents n'est due seulement qu'à un terme stérique relatif aux charges et aux taux de réticulation (facteur géométrique en 1 + φ + φ2).

Cependant : on est loin d'atteindre un module comparable à celui du non chargé, dans la plage de température étudiée, et les diérences entre les taux de réticula-tion restent plus faibles qu'avec le non chargé. Il subsiste un fort eet des charges.

5.4 Relaxation aux temps longs, dynamique lente,