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On étudie dans cette partie la cristallinité des chaînes, déjà évoquée au chapitre (2.6) et étudiée depuis une cinquantaine d'années au sein de la communauté scientique [118,195,221,223,224]. La cristallisation sous tension est un mécanisme microscopique d'alignement des chaînes de polymères parallèlement à la direction de l'étirement ma-croscopique imposée à l'échantillon. La forte orientation des chaînes les rapproche les

une des autres, si bien qu'elles se retrouvent alignées dans un espace conné. Ces méca-nismes engendrent la cristallisation des chaînes polymères, phénomène qui se manifeste par l'apparition de petits cristaux (les cristallites) au sein des échantillons. Ce méca-nisme engendre un ramollissement des contraintes au sein de la partie des échantillons qui reste amorphe (désordonnée), schématisé sur la gure (4.19) et mis en évidence sur la gure (4.20).

Pour mettre en évidence ce phénomène, on eectue des expériences de diraction de rayons X aux grands angles (voir protocole expérimental au chapitre (2.6)). Cette technique permet de mesurer de manière très sensible la présence de cristallites au sein des échantillons et de caractériser la cristallinité des chaînes sous étirement.

partie de chaîne cristallisée

partie de chaîne à contrainte relaxée

a) b)

chaîne non cristallisée soumise à une contrainte

noeud de réticulation

Fig. 4.19:Mécanisme de ramollissement des contraintes d'un échantillon cristallisé. (a) Chaîne non cristallisée. (b) Chaîne en partie cristallisée.

Notre motivation concernant ces expériences n'était pas au départ d'étudier la cris-tallisation en elle-même (avec notamment l'inuence de la cinétique, de la température et de la nature des échantillons), mais plutôt de mesurer pour chacun de nos échan-tillons, le seuil d'apparition de la cristallisation (le λmin de cristallisation), ceci pour savoir si on peut interpréter les eets macroscopiques et microscopiques présents au sein des échantillons déformés en s'aranchissant de la cristallisation sous tension.

Nous avons en fait cherché à minimiser l'apparition de ce phénomène : les échan-tillons étudiés durant ma thèse sont synthétisés à partir de chaînes polyisoprène, répu-tées très favorables à la cristallisation sous tension. Pour réduire cet eet, une proportion de chaînes trans-polyisoprène (en plus des chaînes cis-polyisoprène) est introduite avant réticulation. Ainsi, l'élastomère formé présente une stéréorégularité moindre, diminuant la cristallisation sous tension. Sur la gure (4.20), on met en évidence l'apparition de la cristallisation lors d'un cycle de contrainte-déformation d'un échantillon non renforcé.

Une autre motivation concerne les échantillons chargés. De récentes études eec-tuées sur des élastomères renforcés par des particules de noir de carbone [224] mettent en évidence un phénomène d'amplication des contraintes (décrit au chapitre (5.2)) au sein de ces échantillons composites. Ce mécanisme se manifeste par la présence de contraintes microscopiques locales plus importantes que la déformation macroscopique imposée (autrement dit, un λmin plus grand que le λmax correspondant). De ce fait, les chaînes polymères sont plus contraintes et plus proches, favorisant la cristallisation sous tension. On cherche à estimer ce décalage vers les petites déformations de la cris-tallisation sous tension des échantillons renforcés, décalage qui doit être d'autant plus

0.16 0.14 0.12 0.10 0.08 0.06 0.04 0.02 0.00 6 5 4 3 2 1 λ σn ( MPa ) Cristallisation, ramollissement de contrainte Hystérèse due à la fusion des cristallites

Fig. 4.20: Cycle de contrainte-déformation à λmax = 6,5 d'un échantillon non renforcé, eectué à très faible vitesse de déformation : dλ/dt = 0,015 mm/s, à température ambiante. Mise en évidence de l'apparition de la cristallisation sur la courbe de traction via un ramollissement de la contrainte pour

λ ≃ 5,5. σnest la contrainte vraie.

grand que les contraintes sont importantes et donc que les échantillons sont fortement renforcés. Pour répondre à l'ensemble de ces questions, nous adoptons le protocole

expé-Anneaux d'oxide de zinc (ZnO) Acide stéarique (201) (120) (200) (201) halo diffus : corrélations interchaînes b) a) Tâches de Bragg du Polyisoprène

Fig. 4.21: (a) Spectre de diraction de rayons X d'un échantillon de polyisoprène non renforcé, non étiré et (b) étiré à λ = 6. On peut observer les diérentes taches de Bragg correspondant à la cristallisation des chaînes polymères.

rimental suivant : on étire les échantillons très lentement (vitesse de déformation dλ/dt = 0,015 mm/s) et on mesure (gure4.21) l'intensité de la tache de Bragg (200) carac-téristique de la cristallisation à l'aide d'un détecteur linéaire centré sur cette dernière

(mesure de l'aire correspondant à cette tache en fonction de l'étirement). Nous

repré-a) b)

Fig. 4.22: Spectre de diraction de rayons X d'un échantillon de polyisoprène renforcé à 50 pce de N358, réticulé à 2,5 pce de soufre : (a) non étiré ; (b) étiré à λ = 3.

sentons sur la gure (4.22) un cliché de diraction de l'échantillon renforcé à 50 pce de N358 et réticulé à 2,5 pce de soufre, à l'état relaxé et étiré à λ = 3. L'analyse des gures (4.21) et (4.22) nous indique que les clichés de diraction des échantillons ren-forcés sont légèrement diérents de ceux des échantillons non chargés. En eet, on note la présence d'un second halo dius dû au noir de carbone en plus de celui correspondant au polymère.

Pour suivre l'évolution de la cristallisation, on peut tracer comme sur la gure (4.23) l'évolution de cette intensité en fonction de l'étirement de l'échantillon, nous donnant ainsi une estimation du taux de cristallisation du polymère pour une élongation donnée (l'ordonnée des graphes (4.23) et (4.24) n'est pas le taux de cristallisation, c'est une unité arbitraire). Enn, la procédure que nous avons adopté pour suivre l'évolution de la cristallinité des chaînes en fonction de l'étirement consiste à tracer le graphe de l'intensité diractée (reétant le taux de cristallisation) en fonction de l'élongation de l'échantillon, comme cela est représenté gure (4.24). Les valeurs précises des λmin et (λ2−λ−1)minde cristallisation (notée χ) pour l'ensemble des échantillons sont également reportées dans le tableau (4.2). L'estimation des λmin de cristallisation est expliquée au chapitre (2.6). L'étude de ces valeurs nous permet directement d'émettre diérentes remarques et hypothèses en ce qui concerne la cristallisation de nos échantillons, et plus particulièrement des élastomères renforcés :

∗ dans un premier temps, on peut comparer la cristallisation des échantillons ren-forcés par rapport au même élastomère non renforcé. On voit directement que le non chargé cristallise pour des taux de déformation beaucoup plus importants, puisque l'on a relevé un λmin de cristallisation de 5,01 (soit un taux de déforma-tion de 400 %), tout à fait est considérable comparé aux élastomères renforcés, cristallisant tous pour des taux de déformation beaucoup plus faibles (compris entre 100 et 200 %).

∗ Cependant, les échantillons chargés cristallisent d'une façon plus progressive que le non chargé ; le seuil est moins marqué.

4 3 2 1 0 Unit é arbitraire 1000 800 600 400 200 0 q x 45.10-3(mm-1) Non étiré Étiré à λ = 4 Étiré à λ = 6 5

Fig. 4.23:Mesure de l'intensité de la tache de Bragg (200) en fonction du nombre de pixels pour un

échantillon à l'état relaxé et étiré à λ = 4 et λ = 6. 1 pixel représente 4,5 ×102

mm 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 Unit é arbitraire λ2- λ-1

Non chargé ; 1.5 pce 50pce N326 ; 2.5 pce 50pce N326 ; 1.0 pce 30pce N326 ; 2.5 pce 30pce N326 ; 1.0 pce 50pce N358 ; 2.5 pce 50pce N358 ; 1.0 pce 30pce N358 ; 2.5 pce 30pce N358 ; 1.0 pce 50pce N772 ; 2.5 pce 50pce N772 ; 1.0 pce 0 5 10 15 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 Unit é arbitraire λ2-λ-1 50pce N358 ; 2.5 pce 50pce N326 ; 2.5 pce 50pce N772 ; 2.5 pce

Fig. 4.24:Intensité de rayons X diractée en fonction de l'élongation (λ2

−λ−1

). Expériences eectuées à température ambiante et vitesse de déformation dλ/dt = 0,015 mm/s. Échantillons non chargé et renforcés. En insert : agrandissement des même courbes aux faibles déformations pour les échantillons renforcés de 50 pce de noir N326, N358 et N772. L'ordonnée n'est pas le taux de cristallisation.

Noir de Taux de λmin2− λ−1)min

Échantillon carbone soufre de de

pce pce cristallisation cristallisation

Non renforcé - 1,5 5,01 24,90 N326 50 2,5 2,42 5,44 50 1,0 2,65 6,64 30 2,5 2,97 8,48 30 1,0 3,12 9,41 N358 50 2.5 2,10 3,93 50 1,0 2,68 6,81 30 2,5 2,57 6,21 30 1,0 2,85 7,77 N772 50 2,5 3,09 9,22 50 1,0 2,68 6,81

Tab. 4.2: Récapitulatif des λmin et (λ2− λ−1)min de cristallisation des échantillons non chargé et renforcés de noir de carbone. Valeurs obtenues à partir de la courbe (4.24).

∗ On note également de nombreuses diérences en ce qui concerne le λmin de cris-tallisation au sein même des échantillons renforcés. Le début de la criscris-tallisation dépend de la nature des charges renforçantes. Ainsi, comme le montrent nos résul-tats, plus le noir de carbone est renforçant, plus la cristallisation intervient pour des faibles taux de déformation. En eet, pour le noir le plus renforçant N358, elle intervient dès λ = 2,10 ; pour le N326 un peu moins renforçant, dès λ = 2,40 pour n'intervenir  seulement  qu'à partir de λ = 2,70 pour le noir N772 peu renforçant.

∗ Des diérences existent aussi au sein d'une même famille de noir de carbone. Elles sont dues d'une part à la fraction en charges, mais également au taux de réticulation, deux paramètres jouant des rôles très important sur la cristallisation. Ainsi, la cristallisation intervient pour des déformations d'autant plus faibles que la fraction en noir de carbone est importante. La même remarque est valable avec le taux de réticulation.

D'une manière générale, la cristallisation se manifeste d'autant plus tôt dans un échantillon soumis à une contrainte en déformation que le désordre dû soit aux charges, soit à la réticulation, est important. De plus, il semble exister une faible fraction de chaînes cristallisées à faible déformation, reliées à l'amplication locale de contraintes due à la présence de charges. Cet eet engendre un abaissement du seuil de cristallisation des échantillons renforcés. Ce point est discuté en détail au chapitre (5.2.2).

4.3 Anisotropie et réorganisation des charges de noir de