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Estimation d'une couche vitreuse de polymère aux interfaces

3.4 Plasticité

4.1.2 Estimation d'une couche vitreuse de polymère aux interfaces

Une des motivations de ce travail de thèse consistait à mettre en évidence la présence d'une couche vitreuse de polymère au voisinage des charges. Cette couche a déjà été identiée autour de particules monodisperses de silice [10,20,238]. Dans le cas du noir de carbone, son existence demeure controversée, mais plusieurs auteurs à l'image de Struik font l'hypothèse de son existence et interprètent de nombreux phénomènes à partir de cette dernière [212,213,214,215].

La RMN du proton (eectuée alors directement sur les protons du polymère) pour-rait être une technique adaptée à cette étude. Comme expliqué au chapitre (2.5), le polymère solide (ou vitreux) a une relaxation rapide, il faut donc regarder ici le signal aux temps courts, relatif aux chaînes à dynamique lente (vitreuse). Nous comparons alors les signaux aux temps courts de l'ensemble des échantillons par rapport à celui du polymère pur pris à sa température de transition vitreuse Tg. Nous cherchons ainsi à mettre en évidence une partie vitreuse (à mobilité réduite) éventuellement présente autour des charges de noir de carbone.

Signal de la matrice polymère pure à Tg. Dans un premier temps, nous étudions le polymère pur (élastomère non renforcé) à sa température de transition vitreuse Tg pour mettre en évidence la réponse RMN caractéristique du polymère à l'état vitreux (relaxation très rapide : typiquement 25 µs). Ceci nous permettra notamment de dis-cerner la présence éventuelle de parties rigides et mobiles dans les échantillons chargés à diérents taux de charges. Le signal est obtenu ici par une séquence  écho solide  h¡ π 2 ¢ x, τ,¡π 2 ¢

y, τ,acquisitioni qui permet de s'aranchir du temps mort du spectromètre (intervalle de temps présent directement après l'impulsion pendant lequel le signal n'est pas observable, en raison de saturations des composants électroniques de détection, du-rant ici 8 µs environ). Une telle séquence est représentée sur le schéma (4.8). La fonction

x y

(π/2) (π/2)

τ τ Sommet de l'écho de spin

Acquisition du signal RMN

t

Fig. 4.8: Séquence de RMN écho solide. Les deux barres verticales représentent les deux impulsions

π/2déphasées de 180◦

, séparées d'un délai τ. L'acquisition du signal RMN commence au sommet de l'écho formé un temps τ après la deuxième impulsion.

de relaxation du polymère vitreux (expérience eectuée à T = Tg = 200 K) présente un prol à peu près gaussien visible sur la gure (4.9), à partir duquel nous pouvons estimer le second moment M2 (en sec−2). On peut écrire le signal de relaxation RMN

0 100 200 300 400 500 1 10 100 t2(µs2) 0 10 20 30 40 50 0 20 40 60 80 t(µs) Aimantation M(t)

a) b)

ln (M(t)) droite de pente M2 2

-Fig. 4.9: (a) Signal de relaxation du polyisoprène pur à Tg à la suite d'une séquence de RMN écho solide. (b) Mise en évidence du prol gaussien du signal.

sous la forme : M (t)≈ exp µ −M2t2 2 ¶ (4.1) En traçant ln (M(t)) en fonction de t2, nous obtenons une droite de pente −M2/2. Nous trouvons ici M2 ≈ 2,1×1010sec−2, soit, en unités de fréquence : M2

≈ 22,7 kHz. Cette largeur est une mesure des interactions dipolaires  statiques  entre tous les protons. Nous pouvons comparer cet ordre de grandeur avec l'estimation du couplage dipolaire proton-proton dans un groupe CH2 , qui est de 22,6 kHz. L'ordre de grandeur trouvé est donc correct.

Signal de la matrice pure en fonction de la température. Nous étudions ici l'évolution de la fonction de relaxation de l'élastomère non chargé en fonction de la température de Tg− 10 K à Tg+ 100K avec Tg = 200 K. Cette analyse nous permettra de connaître le signal RMN caractéristique du polymère pour chacune des températures ci-dessus. Le rétrécissement par le mouvement [77], représenté sur la gure (4.10) (échelle de temps qui augmente lorsque T augmente, soit une largeur de raie qui diminue quand T augmente) est progressif et s'étend sur une centaine de degrés.

∗ De Tg à 233 K : le signal reste essentiellement de nature solide (relaxation  ra-pide ),

∗ De 233 à 293 K : nous observons un rétrécissement progressif de la largeur de raie, le signal passe progressivement d'un signal solide à un signal liquide.

∗ De 293 K à des températures plus élevées : le signal reste de nature liquide (re-laxation  lente ).

Pour mettre en évidence de manière plus précise le rétrécissement par les mouve-ments, nous avons tracé en insert sur la gure (4.10) le τrel pour chaque température,

0 100 200 300 400 500 600 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 T augmente 213, 203 et 193 K 273 K 283 K 293 K M( t) t(µs) 253 K 243 K 233 K 263 K 200 220 240 260 280 300 320 0 20 40 60 80 100 τre l T(°C)

Fig. 4.10: Signal de relaxation RMN en fonction de la température dans la matrice pure, pour un

échantillon non renforcé, de Tg− 10 K à Tg+ 100K. En insert, on représente l'évolution du temps de

relaxation τrel en fonction de la température.

correspondant au temps t1/2 au bout duquel le signal a décru d'un facteur deux. On obtient ainsi l'échelle de temps de la relaxation (indépendamment de l'analyse de la forme de la relaxation).

Signal à température ambiante dans les diérentes séries d'échantillons. On s'intéresse ici au signal RMN à température ambiante des échantillons renforcés d'agré-gats de noir de carbone. On cherche à mettre en évidence un décalage de température de transition vitreuse Tg dû à la présence d'une éventuelle fraction de polymère à mobilité réduite au voisinage immédiat des charges renforçantes.

Aux temps courts : de 0 à 500 µs : La présence d'une couche vitreuse se traduirait par un signal de nature solide aux temps courts (voir gure (4.11)), comme Berriot et coll. l'ont observé dans des systèmes modèles renforcés avec de la silice.

On commence donc dans un premier temps à étudier l'allure des relaxations RMN des échantillons renforcés aux temps courts. Nous pouvons observer le signal directement en utilisant la séquence échos solides (π/2, τ, π/2) qui permet de s'aranchir du temps mort du spectromètre. Les courbes de relaxation obtenues pour des échantillon renforcés à trois fractions diérentes (15, 30 et 50 pce) de noir de carbone N326 et N358 sont montrées gure (4.12).

Fig. 4.11:Relaxation RMN à 100◦

C mesurée par la séquence écho solide. En pointillés, échantillon non renforcé. La courbe continue représente la relaxation  totale  de l'échantillon renforcé par 18 % en volume de particules de silice. Les (◦) représentent la relaxation de la partie mobile (à relaxation lente) de l'échantillon renforcé. En insert : comparaison de la décroissance rapide de l'échantillon renforcé à

100◦

C, par rapport à la relaxation de la matrice pure mesurée à T ≈ Tg. D'après [8].

obtenu pour la matrice pure à sa température de transition vitreuse, visible gure (4.9 -a), puis une évolution du signal vers une relaxation plus mobile, à l'image de celle de la matrice pure à Tg + 100 K, visible gure (4.10). Nous ne voyons donc pas la présence

80 60 40 20 0 A im a n ta ti o n R M N 600 500 400 300 200 100 0 t (µs) Non renforcé 15 pce N358 30 pce N358 50 pce N358 15 pce N326 30 pce N326 50 pce N326 50 25 75 100 80 60 40 20 0 A im a n ta ti o n R M N 500 400 300 200 100 0 1) Non renforcé 2) 15 pce N358 3) 30 pce N358 4) 50 pce N358 5) 15 pce N326 6) 30 pce N326 7) 50 pce N326 1 2 3 4 5 6 7 a) b) t (µs)

Fig. 4.12:(a) Relaxation RMN des échantillons renforcés de noirs N326 et N358 et non renforcé à la suite d'une séquence écho solide. Les valeurs d'aimantation sont divisées par la masse des échantillons. (b) Mêmes courbes normalisées.

de deux populations bien distinctes, une immobilisée correspondant à la partie vitreuse (avec un signal comparable à celui de la matrice prise à Tg) et une mobile (avec un signal pas ou peu aecté par rapport à celui de la matrice pure à la même température), comme cela est observé par Berriot et coll. [8] sur des échantillons renforcés de particules de

silice, dont les relaxations RMN sont représentées sur la gure (4.11).

Cependant, nous observons bien que les signaux des échantillons renforcés relaxent un peu plus vite aux temps courts que celui de l'échantillon non chargé.

Largeur de raie en fonction de la fraction volumique en noir de carbone. Cela se voit de façon équivalente sur les largeurs de raie représentées gure (4.13). (Nous rappelons qu'il est équivalent d'observer le spectre de RMN S(ω) ou la fonction de relaxation S(t), les deux fonctions étant liées par Transformée de Fourier : S(ω) = TF(S(t)).) 7 1 735 Hz 1465 Hz =CH -CH2 -CH3 1260 Hz

a) b)

Fig. 4.13: Spectre RMN1

H du polyisoprène : (a) non chargé et (b) renforcé par du noir de carbone N358. Température ambiante.

La structure du spectre (ou de façon équivalente la fonction de relaxation) est assez complexe. Elle comprend :

∗ 2 raies (ou groupe de raies) espacées de 1,66 ppm (soit 1465 Hz à 400 MHz) dont les intensités sont dans un rapport 1 : 7, correspondant aux groupements CH2 et CH3 d'une part (raie de droite), et au CH d'autre part.

∗ La largeur à mi-hauteur de chaque raie vaut typiquement 735 Hz soit 1,84 ppm. Nous sommes sensibles ici à la partie mobile de la matrice polymère. Ces expériences sont faites en champ homogène (sonde  liquide  haute résolution). La contribution de l'inhomogénéité du champ magnétique statique à la largeur de raie est négligeable dans cette étude. Ce spectre est plus large que celui d'un liquide simple, à cause notamment de la moyenne non nulle des interactions dipolaires au sein de la matrice polymère. Ceci est une caractéristique des polymères réticulés. Les mouvements des chaînes sont anisotropes en conséquence de l'étirement local des chaînes. La largeur permet d'estimer une valeur moyenne de l'élargissement dipolaire ∆.

En observant l'évolution du spectre pour des échantillons chargés au noir de carbone, nous mettons en évidence un élargissement des raies des spectres de RMN avec la fraction volumique de noir de carbone. Nous observons bien sur la gure (4.13-b) un élargissement de la raie principale (1260 Hz au lieu de 735 Hz pour le non chargé, soit un facteur ≈ 2). Par conséquent, les deux raies ne sont plus bien résolues. Cet eet est visible pour tous les échantillons et d'autant plus que le taux de charges augmente. Nous

avons tracé sur la gure (4.14) la largeur de raie en fonction de la nature de l'échantillon. 0 10 20 30 40 50 700 800 900 1000 1100 1200 1300 L a rg e u r à m i-h a u te u r (e n H z)

fraction en noir de carbone (en pce) N358

N326

Fig. 4.14:Évolution de la largeur à mi-hauteur du pic principal en fonction de fraction massique de noir de carbone présent dans le polymère. (¥) : N358 ; (◦) : N326.

Cependant, cet élargissement peut avoir plusieurs origines :

∗ les contraintes plus importantes dans la matrice polymère, que l'on peut repré-senter comme une densité eective de points de jonction plus grande (valeur plus grande de l'interaction dipolaire résiduelle moyenne),

∗ l'inhomogénéité magnétique due au noir de carbone,

∗ l'interaction avec les impuretés paramagnétiques présentes dans le noir de carbone (sous la forme d'électrons non appariés). On sait en eet qu'il y a des radicaux libres à la surface du noir de carbone (voir gure (2.6)). De plus, des travaux réa-lisés sur l'eet de la susceptibilité magnétique du noir de carbone [60] et d'autres par résonance paramagnétique électronique (EPR) [17,21,22] mettent en évidence ces propriétés magnétiques particulières des agrégats de noir de carbone.

Nous avons cherché à séparer ces diérentes contributions.

On rappelle que les diérentes interactions RMN se traduisent par divers facteurs dans la fonction de relaxation :

Mx(t) = M0exp µ

−t T2

hexp(iδt)i hcos h∆i ti (4.2)

où les diérents termes sont :

∗ l'inhomogénéité de champ magnétique local −→B0, ou le déplacement chimique, qui intervient dans hexp(iδt)i,

∗ les interactions dipolaires résiduelles : terme en hcos h∆i ti, qui provient de l'ani-sotropie des mouvements de réorientation, liée à l'étirement local des chaînes (les

crochets h i autour de hcos h∆i ti indiquent qu'il faut sommer sur toutes les chaînes de l'échantillon, qui ont diérentes orientations et diérents taux d'étirement), ∗ la relaxation due aux uctuations rapides des interactions, qui intervient dans

exp(−t/T2). En présence d'impuretés paramagnétiques, ce terme contient lui-même deux contributions :

1 T2 = 1 T2pol + 1 T2para (4.3)

l'une liée aux interactions proton-proton dans le polymère µ

1 T2pol

, l'autre aux interactions avec les centres paramagnériques³ 1

T2para´.