2. Les principes de la procédure applicables dans le cadre du recours au
2.3. Les principes supplétifs
2.3.1. Le principe de la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cadre
résultent de l’exercice de ces procédures et le principe de la suspension
conventionnelle de la prescription pour la durée de la procédure.
2.3.1. Le principe de la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait
dans le cadre du recours aux modes de PRD
Les parties qui s’engagent dans une procédure de PRD et le tiers qui les assiste
dans leurs démarches, s’il y a lieu, doivent respecter le principe de confidentialité.
À ce sujet, l’article 4 NCPC indique ce qui suit :
[l]es parties qui choisissent de prévenir un différend ou de régler celui qui les
oppose par un mode privé et le tiers qui les assiste s'engagent à préserver la
confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cours du processus, sous
réserve de leur entente sur le sujet ou des dispositions particulières de la loi
544.
Selon l’ex-ministre de la justice Bertrand St-Arnaud, le respect de la confidentialité
de ce qui est dit, écrit ou fait dans le cours des modes de PRD représente « un
élément essentiel au succès de ces processus »
545.
La confidentialité permet en
effet d’instaurer un climat de confiance entre les parties, ce qui les encourage à
544 Dans le contexte de la médiation, le deuxième alinéa de l’article 611 NCPC précise par ailleurs que lorsque le médiateur
rencontre une partie séparément, l’information qu’il reçoit de celle-ci ne peut être communiquée à l’autre partie qu’avec le consentement de celle qui fournit l’information. Cette disposition vise ainsi à favoriser la liberté et l’ouverture dans le cadre des échanges entre le médiateur et une partie. Voir Chamberland, Code, supra note 86 à la p 288. Voir aussi Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 à la p 18 (Bertrand St-Arnaud). Dans le cadre de l’arbitrage, l’article 644 NCPC prévoit que « [l]'arbitre est tenu de respecter la confidentialité du processus et le secret du délibéré, mais il n'y manque pas en exprimant ses conclusions et ses motifs dans la sentence ». Suivant cette disposition, la confidentialité s’étend dorénavant à toutes les étapes du processus arbitral. Voir Chamberland, Code, supra note 86 à la p 301. Voir aussi Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission des institutions, 40e lég, 1re sess, vol 43, n° 113
(17 janvier 2014) à la p 13 (Bertrand St-Arnaud) [Assemblée nationale, Journal, 17 janvier 2014].
106
communiquer ouvertement et librement
546. À cet égard, le Barreau du Québec
indique ce qui suit :
[a]lors que le caractère public du recours aux tribunaux est essentiel pour préserver la
transparence d’une justice impartiale, la culture judiciaire doit évoluer vers la
confidentialité des modes privés de règlement afin d’en promouvoir l’usage par les
parties
547.
L’obligation de préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit ou fait dans le
cadre du recours aux modes de PRD n’est toutefois pas absolue. À cet égard, l’ex-
ministre Bertrand St-Arnaud signale que les parties et le tiers, le cas échéant,
peuvent effectivement convenir de renoncer en tout ou en partie au bénéfice de la
confidentialité
548. De plus, l’article 5 NCPC énonce que
[l]e tiers appelé à assister les parties ne manque pas à l'obligation de confidentialité
s'il s'agit de fournir de l'information à des fins de recherche, d'enseignement, de
statistiques ou d'évaluation générale du processus de prévention et de règlement
des différends ou de ses résultats, pourvu qu'aucun renseignement personnel ne
soit dévoilé
549.
Par ailleurs, dans le cadre de la médiation, l’article 606 NCPC précise que le
privilège de non-contraignabilité ne peut être invoqué que par un médiateur
accrédité. Cet article se lit comme suit :
[l]e médiateur ou un participant à la médiation ne peut être contraint de dévoiler,
dans une procédure arbitrale, administrative ou judiciaire liée ou non au différend,
ce qui lui a été dit ou ce dont il a eu connaissance lors de la médiation. Il ne peut
non plus être tenu de produire un document préparé ou obtenu au cours de ce
546 Dans le cadre de la médiation, l’article 607 NCPC précise à cet égard que nul ne peut s’opposer à l’utilisation d’un
document sous prétexte qu’il contiendrait des renseignements personnels (confidentiels) au sens de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c A-2.1. Voir Chamberland, Code, supra note 86 à la p 286. Cette disposition encourage ainsi les parties à communiquer librement et ouvertement et à
échanger un maximum d’informations : Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 à la p 12 (Bertrand St-Arnaud). L’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec estime toutefois que cette disposition est susceptible de contrevenir au caractère consensuel qui est à la base de la médiation : Institut de médiation, Mémoire PL, supra note 188 à la p 15. La partie qui souhaite éviter que des renseignements personnels soient utilisés dans le cadre de la médiation peut cependant se prévaloir en tout temps de l’article 614 NCPC et se retirer du processus de médiation ou y mettre fin de son chef, sans avoir à révéler ses motifs. Par exemple, ce droit de retrait pourrait ainsi être exercé par une entreprise qui voudrait empêcher que des données financières la concernant se retrouvent entre les mains d’un concurrent. À ce sujet, voir Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 aux pp 13-14 (Luc Chamberland). Le droit de se retirer du processus s’inscrit ainsi dans la liberté contractuelle et le caractère libre et volontaire de la médiation : Chamberland, Code,
supra note 86 à la p 289.
547 Barreau du Québec, Mémoire PL, supra note 28 à la p 68. D’ailleurs, en comparaison avec le caractère public des
instances judiciaires, la confidentialité des modes de PRD favorise l’accessibilité de la justice, notamment d’un point de vue psychologique, en encourageant les parties à échanger ouvertement et librement au sujet de leurs valeurs, intérêts et besoins spécifiques, au-delà des questions juridiques. Au sujet des obstacles psychologiques à la justice, voir notamment Lafond, Accès, supra note 12 aux pp 68-72.
548 Voir Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 27 (Bertrand St-Arnaud). 549 Art 5 NCPC.
107
processus, sauf si la loi en exige la divulgation, si la vie, la sécurité ou l'intégrité
d'une personne est en jeu, ou encore pour permettre au médiateur de se défendre
contre une accusation de faute professionnelle. Enfin, aucune information ou
déclaration donnée ou faite dans le cours du processus ne peut être utilisée en
preuve dans une telle procédure.
Pour invoquer le privilège de non-contraignabilité, le médiateur doit être accrédité
par un organisme reconnu par le ministre de la Justice; en outre, il doit être assujetti
à des règles déontologiques et tenu de garantir sa responsabilité civile par une
assurance de responsabilité ou au moyen d'une autre sûreté
550.
À la lumière de ce qui précède, le médiateur qui ne respecterait pas l’une ou l’autre
des conditions énoncées au deuxième alinéa de l’article 606 NCPC, à savoir
(1) « être accrédité par un organisme reconnu par le ministre de la Justice »
551,
(2) « être assujetti à des règles déontologiques »
552et (3) « garantir sa
responsabilité civile par une assurance de responsabilité ou au moyen d’une autre
sûreté »
553, pourrait être contraint de révéler « dans une procédure arbitrale,
administrative ou judiciaire liée ou non au différend, ce qui lui a été dit ou ce dont il
a eu connaissance lors de la médiation »
554. En édictant l’article 606 NCPC, le
législateur souhaite ainsi « que les gens fassent affaire avec des professionnels
qui sont assurés pour les protéger davantage »
555.
L’article 606 NCPC, qui établit une importante exception au principe de
confidentialité, soulève toutefois plusieurs questions : à qui cette disposition
550 Ibid, art 606.
551 Ibid, al 2. 552 Ibid. 553 Ibid.
554 Ibid, al 1. Voir aussi Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 37 (Rita de Santis) ; ibid à la p 38
(Luc Chamberland). Les règles déontologiques auxquelles le médiateur doit être soumis n’ont toutefois pas à être intégrées dans un code de déontologie régi par le Code des professions, RLRQ c C-26 : Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 aux pp 7-8 (Bertrand St-Arnaud). Ainsi, une personne qui ne serait pas membre d’un ordre professionnel au sens du Code des professions, supra note 554, pourrait invoquer le privilège de non-contraignabilité si elle respecte les conditions énumérées au deuxième alinéa de l’article 606 NCPC. Ce serait le cas, par exemple, d’un agriculteur qui aurait suivi une formation en médiation, qui serait assujettis aux règles déontologiques d’un organisme reconnu par le ministre de la Justice tel que l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ) et qui garantirait sa responsabilité civile par une assurance de responsabilité ou au moyen d’une autre sûreté. Voir Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014,
supra note 391 à la p 9 (Marie-José Longtin).
555 Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 35 (Luc Chamberland). Soulignons que dans le cadre
de la médiation familiale, le médiateur a l’obligation d’être accrédité. À ce sujet, l’article 827.2 Cpc indique en effet que « [t]oute médiation ou séance d'information sur la médiation effectuée ou donnée préalablement à des procédures en matière familiale ou pendant de telles procédures doit l'être par un médiateur accrédité ». Voir aussi Règlement sur la
médiation familiale, D 1032-2012, (2012) GOQ II, 5017. Il en va de même pour le médiateur qui œuvre dans le domaine des
petites créances. L’article 1 du Règlement sur la médiation des demandes relatives à des petites créances, RLRQ 2003, c C-25, r 8 prévoit effectivement que « [l]'avocat ou le notaire qui souhaite agir comme médiateur dans des demandes relatives à des petites créances doit obtenir de l'ordre professionnel dont il est membre l'attestation de son accréditation à titre de médiateur ». Dans les autres matières civiles et commerciales, le médiateur n’a pas l’obligation d’être accrédité. Il est néanmoins possible d’obtenir une accréditation après avoir suivi une formation de 40 heures dans ce domaine. À ce sujet, voir Barreau du Québec, « Devenir médiateur » (6 mars 2013), en ligne : <http://www.barreau.qc.ca>.
108
s’applique-t-elle exactement ? Quels sont les critères permettant d’identifier les
tiers pouvant être assimilés à des « médiateurs » au sens de l’article 606 NCPC ?
Quelle est la définition de la « médiation » aux fins de l’application de cette
disposition ? Le NCPC est en effet muet sur ces questions et ce silence entraîne
de l’incertitude
556. À cet égard, il existe divers modes de PRD faisant intervenir des
tiers et l’absence d’indications claires qui permettraient d’identifier ce qu’est un
« médiateur » au sens de l’article 606 NCPC empêche ainsi de définir précisément
le champ d’application du privilège de non-contraignabilité
557. À l’heure actuelle, il
n’est donc pas possible de savoir si des modes de PRD comme la facilitation
558, le
coaching
559et l’évaluation neutre
560constituent de la « médiation » au sens de
l’article 606 NCPC et si le facilitateur, le coach et l’évaluateur neutre peuvent être
assimilés à des « médiateurs » pouvant être contraints de dévoiler, devant un
tribunal administratif, arbitral ou judiciaire, ce qui leur a été dit ou ce dont ils ont eu
connaissance dans l’exercice de la procédure de PRD
561.
Selon le Réseau pour une approche transformative du conflit, l’article 606 NCPC
est ainsi susceptible « de fragiliser un grand nombre de médiations bénévoles
socialement utiles dont bénéficient actuellement des citoyens souvent incapables
de s’offrir les services d’un médiateur dûment accrédité »
562. En outre, l’imprécision
556 Voir Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 aux pp 7-8, 10 (Rita de Santis). Dans son mémoire
sur le projet de loi 28, la Chambre des notaires du Québec recommandait d’ailleurs que le législateur fournisse une définition de la médiation, en précisant que l’arbitrage est, quant à lui, défini à l’article 620 NCPC. Voir Chambre des notaires du Québec, Mémoire déposé lors du mandat « Consultations particulières sur le projet de loi n° 28 », 2013 aux pp 5, 14, en ligne : Assemblée nationale du Québec <http://www.assnat.qc.ca>.
557 Voir Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 44 (Gilles Ouimet).
558 Le professeur Jean-François Roberge définit la « facilitation » comme « un processus facilitant les échanges lors d’une
rencontre pour s’assurer d’un déroulement efficace et faire progresser la recherche d’un consensus » : Roberge, Justice,
supra note 105 à la p 63.
559 L’avocate Céline LeBlanc définit le « coaching » comme « un service d’accompagnement juridique [qui] vise à solutionner
les conflits en ouvrant la porte à la négociation ainsi qu'à la médiation qu'elle soit dans le domaine civile ou commerciale » : Céline LeBlanc, « Modes privés de prévention et de règlement des différends : le coaching juridique », 2015, en ligne <http://avocatcoaching.com/> [consulté le 13 juillet 2015].
560 L’évaluation neutre se définit comme « un processus d’évaluation des mérites (juridiques, scientifiques, techniques, etc.)
des prétentions de chacune des parties » : Roberge, Justice, supra note 105 à la p 74.
561 Dans la mesure où bon nombre de personnes qui envisagent de recourir à la médiation souhaitent s’assurer du caractère
confidentiel de la procédure, le manque de précision du champ d’application du privilège de non-contraignabilité est de nature à favoriser les médiateurs qui respectent les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 606 NCPC. À ce sujet, voir Réseau pour une approche transformative, Mémoire PL, supra note 121 à la p 23. La confidentialité est en effet très importante pour les parties, puisqu’elle leur permet notamment d’établir une relation de confiance et de communiquer ouvertement et librement. La confidentialité apparaît ainsi comme « un principe essentiel de la médiation » : ibid à la p 16.
562 Ibid à la p 23. Le Réseau réfère notamment aux médiateurs bénévoles qui œuvrent dans les Centres de médiation de
quartier associés au Regroupement des organismes de justice alternative du Québec (ROJAQ) et à l’Association des organismes de justice alternative du Québec (ASSOJAQ). En effet, bien que ces médiateurs aient reçu des formations à l’interne, ils n’ont pas nécessairement les ressources financières pour remplir les conditions requises par les organismes accréditeurs reconnus, à savoir le Barreau du Québec, l’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada (IAMC), l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ) et le Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (COAMF). Voir