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2. Les principes de la procédure applicables dans le cadre du recours au

2.2. Les principes fondamentaux

2.2.2. Le principe de la bonne foi, la transparence et la coopération

Le premier alinéa de l’article 2 NCPC précise que les parties qui s’engagent dans

une procédure de PRD sont « tenues d'y participer de bonne foi, de faire preuve

de transparence l'une envers l'autre, à l'égard notamment de l'information qu'elles

détiennent, et de coopérer activement dans la recherche d'une solution […] »

519

.

Cette disposition vise ainsi à favoriser la création d’un espace de dialogue

transparent et constructif où les parties sont invitées à échanger librement et à

explorer ensemble des options de solutions, dans un esprit de collaboration. De

cette manière, l’obligation de participer de bonne foi aux modes de PRD, de faire

preuve de transparence et de coopérer activement dans la recherche d’une

solution poursuit l’objectif d’établir un climat de confiance entre les parties afin

qu’elles puissent communiquer ouvertement.

517 Assemblée nationale, Journal, 22 octobre 2013, supra note 506 à la p 3 (Luc Chamberland). L’article 617 NCPC respecte

donc le principe d’accessibilité des moyens technologiques. Par ailleurs, afin d’assurer une pratique uniforme, le législateur a prévu que le recours aux moyens technologiques dans le contexte de la médiation familiale fera l’objet d’un encadrement réglementaire spécifique. Le quatrième alinéa de l’article 619 NCPC indique à cet égard que « [l]e ministre de la Justice détermine, par arrêté, les conditions de mise en œuvre des moyens technologiques utilisés par le service de médiation familiale ainsi que les autres services que ce dernier peut offrir et les conditions auxquelles il peut le faire ». À ce sujet, voir Chamberland, Code, supra note 86 aux pp 291-92.

518 Voir notamment Hryniak, supra note 287 aux para 23-29. 519 Art 2, al 1 NCPC.

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En édictant ces obligations, le législateur souhaite notamment éviter que le recours

aux modes de PRD soit utilisé comme « un moyen pour retarder le règlement du

dossier ou pour obtenir de l'information dont on se servira contre l'autre [partie]

plus tard […] »

520

. Sur ce point, l’ex-ministre de la justice Bertrand St-Arnaud

précise en effet que « [l]'absence de bonne foi pourrait pervertir la qualité de la

démarche et rendre illusoire le règlement du différend »

521

. Pour éviter que les

parties utilisent les modes de PRD à des fins dilatoires, le NCPC a donc prévu

expressément que les parties qui choisissent de recourir à ces procédures doivent

agir de bonne foi, avec transparence et dans un esprit de coopération En posant

ainsi ces jalons, le législateur permet non seulement de prévenir les abus, mais il

favorise en outre l’atteinte de certains objectifs explicitement mentionnés dans la

disposition préliminaire, tels que l’amélioration de l’accessibilité, de la qualité et de

la célérité de la justice civile et « l’exercice des droits des parties dans un esprit de

coopération et d’équilibre »

522

.

D’un point de vue comparatif, l’article 20 NCPC, qui se situe dans le chapitre

portant sur les principes directeurs de la procédure civile, indique ce qui suit :

[l]es parties se doivent de coopérer notamment en s'informant mutuellement, en tout

temps, des faits et des éléments susceptibles de favoriser un débat loyal et en

s'assurant de préserver les éléments de preuve pertinents.

Elles doivent notamment, au temps prévu par le Code ou le protocole de l'instance,

s'informer des faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et des éléments de

preuve qu'elles entendent produire [nos italiques]

523

.

Aux termes de cette disposition, le principe de coopération invite donc les parties à

adopter une « démarche active pour rechercher de l'information »

524

. L’obligation

mutuelle de s’informer vise ainsi à prévenir les « surprises »

525

entre les parties et

520 Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 19 (Bertrand St-Arnaud). Voir aussi Chamberland,

Code, supra note 86 à la p 4.

521 Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 19 (Bertrand St-Arnaud). L’utilisation inappropriée des

modes de PRD pourrait ainsi restreindre l’accès à la justice d’un point de vue économique et temporel en entraînant des coûts et des délais injustifiés.

522 Disposition préliminaire, al 2 NCPC.

523 Bien que l’article 20 NCPC ne s’applique pas directement dans le cadre de l’exercice des modes de PRD, il fournit un

éclairage intéressant permettant de mieux comprendre la portée et l’étendue du principe de coopération. Voir aussi art 146, al 2 et 148, al 1 NCPC, relativement au respect de ce principe dans le cadre de l’établissement du protocole de l’instance.

524 Assemblée nationale, Journal, 9 octobre 2013, supra note 313 à la p 28 (Gilles Ouimet). L’avocat n’a toutefois pas à

connaître « complètement le dossier de son adversaire » : ibid à la p 29 (Luc Chamberland).

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à s’assurer que « la justice se déroule plus rapidement, plus efficacement »

526

.

Comme le fait remarquer le Barreau du Québec, « [l]a collaboration entre les

parties et le concept de « débat loyal » constituent des éléments importants d’une

saine administration de la justice et de l’efficacité des procédures »

527

. Le Barreau

s’interroge toutefois sur la portée du principe de coopération prévue à l’article 20

NCPC. À ce sujet, il écrit :

[c]ette obligation de divulgation continue irait-elle jusqu’à obliger une partie à révéler et

à dénoncer à la partie adverse des faits ou des documents qui lui sont préjudiciables ?

Allons-nous appliquer en droit civil les règles applicables en droit criminel, pénal et

disciplinaire, qui exigent que le poursuivant, mais pas l’intimé, révèle toute la preuve

pertinente, qu’elle soit favorable ou défavorable à la thèse du poursuivant (R. c.

Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326) ?

528

En plus de l’incertitude au sujet de la portée du principe de coopération, d’autres

obstacles peuvent nuire à sa mise en œuvre, notamment le fait que le législateur

n’a pas prévu de sanction spécifique en cas de manquement à ce principe, tant

dans le contexte judiciaire que dans celui du recours aux modes de PRD

529

. Par

ailleurs, en favorisant les personnes qui « manifestent des comportements

agressifs »

530

, le système judiciaire actuel limite également l’entraide et la

coopération entre les parties, mêmes chez celles où on retrouve une « absence de

propension au litige »

531

.

En revanche, dans le cadre du recours aux modes de PRD, les parties sont

invitées à communiquer librement et à s’entraider, ce qui leur permet de

s’affranchir du modèle judiciaire et de la logique d’affrontement qu’il encourage

532

.

Ainsi, même si « l'envie de collaborer n'est pas instinctive chez les personnes en

conflit »

533

, les modes de PRD, de par leur nature communicationnelle et

participative, encouragent la coopération entre les parties et favorisent de ce fait

526 Assemblée nationale, Journal, 9 octobre 2013, supra note 313 à la p 25 (Luc Chamberland). 527 Barreau du Québec, Mémoire PL, supra note 28 à la p 77.

528 Ibid à la p 78. 529 Ibid à la p 77.

530 Lafond, Accès, supra note 12 à la p 71. Les comportements agressifs constituent ainsi des obstacles subjectifs qui

freinent l’accès à la justice : ibid.

531 Ibid. De cette manière, le système judiciaire limite l’accessibilité de la justice d’un point de vue psychologique.

532 À cet égard, la professeure Louise Lalonde s’exprime en ces mots : « je rêve d'une société où les gens ne s'adresseront

plus ni aux juges d'une manière ou d'une autre parce qu'on aura réussi à coopérer assez ensemble, puis à se comprendre » : Assemblée nationale, Journal, 19 janvier 2012, supra note 86 à la p 28 (Louise Lalonde).

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l’accessibilité de la justice d’un point de vue psychologique. À cet égard,

l’auteur Jacques Faget, directeur de recherches au Centre national de la recherche

scientifique (CNRS) et médiateur, signale que la médiation, par exemple, permet

en effet aux parties « de sortir d’un mode compétitif de traitement des conflits, d’un

jeu à somme nulle où chaque membre tente de faire valoir ses droits ou ses

prétentions au détriment de l’autre, pour passer à une logique gagnant-

gagnant »

534

.

À la lumière de ce qui précède, l’intégration, à l’article 2 NCPC, du principe

fondamental obligeant les parties à agir de bonne foi, avec transparence et dans

un esprit de coopération, lors du recours aux modes de PRD, est donc susceptible

d’améliorer l’accessibilité de la justice civile, notamment sous l’angle des

dimensions économique, temporelle et psychologique. À cet égard, l’avocat Jack

R. Miller estime que le respect de ces règles, en particulier le principe de

coopération, est en effet de nature à assainir les relations entre les parties et à

diminuer de cette manière les coûts et les délais liés à l’exercice de la justice

civile

535

.

2.2.3. Le principe du respect des droits et libertés de la personne