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Dans cette dernière section méthodologique, nous définissons tout d’abord le

concept de « modes de PRD » et nous précisons par la suite les notions de

« différend », « conflit » et « litige ».

4.1. Le concept de « modes de PRD »

De manière générale, le professeur Jean-François Roberge définit les modes de

PRD comme « des modes de régulation des comportements sociaux »

175

.

Il précise également que

169 Miville Tremblay, La justice participative, École du Barreau du Québec, Montréal, 2011-2012 à la p 7. 170 Charte québécoise, supra note 24.

171 Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de

1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte canadienne].

172 Voir Charte québécoise, supra note 24, art 10 : « [t]oute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine

égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit » ; Charte canadienne, supra note 171, art 15(1) : « [l]a loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ».

173 Voir Charte québécoise, supra note 24, art 23 : « [t]oute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et

impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle. Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public ».

174 Disposition préliminaire, al 2 NCPC.

175 Roberge, Justice, supra note 105 à la p 15. L’expression « modes de PRD » est d’ailleurs « étroitement associée aux

programmes de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et à la Revue du même titre publiée par cette institution de 2003 à 2008 » : Lafond, Accès, supra note 12 à la p 171, n 634. Il est à noter qu’il existe plusieurs autres expressions utilisées pour désigner ces « modes de régulation ». Le professeur Pierre-Claude Lafond fournit les exemples suivants :

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[l]e champ de pratique de la prévention et du règlement des différends se présente

généralement en pratique sous la forme d’un continuum des modes débutant par la

négociation directe en passant notamment par la médiation, où un tiers facilite les

négociations entre les parties, et allant jusqu’à un arbitrage où le tiers arbitre rend une

décision qui lie les parties

176

.

Aux termes de l’article 1 du NCPC, les modes de PRD ont essentiellement pour

objectif « de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà

né »

177

. Cette disposition précise aussi que ces modes « sont principalement la

négociation entre les parties au différend de même que la médiation ou l’arbitrage

dans lesquels les parties font appel à l’assistance d’un tiers » [nos italiques]

178

.

Le professeur Hubert Reid définit la négociation comme une « [s]érie de

discussions et de démarches entreprises par des personnes en vue de parvenir à

un accord, de conduire une affaire »

179

. La négociation constitue ainsi « un

processus de communication ayant pour but de créer, modifier ou terminer une

relation »

180

.

« modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) ; méthodes alternatives de résolution des conflits ; modes non juridictionnels de règlement des conflits ; modes non contentieux de règlement des conflits ; modes extrajudiciaires de règlement des conflits ; modes amiables de règlement ; modes appropriés de règlement des conflits ; solutions de rechange au traitement judiciaires des conflits ; solution de rechange pour le règlement des litiges (SoRRèL) ; Alternative Dispute

Resolution (A.D.R.) ; règlement extrajudiciaire des différends (R.E.D.) ; règlement extrajudiciaire des conflits (R.E.C.) ;

règlement informel des conflits […] » : ibid aux pp 170-71. Il est à noter que dans le cadre du NCPC, le législateur utilise l’expression « modes privés de prévention et de règlement des différends » [nos italiques]. Selon l’Association du Jeune Barreau de Montréal, cette expression est « longue et complexe, et s’inscrit donc à l’encontre de l’objectif du législateur de simplifier la terminologie » : Association du Jeune Barreau de Montréal, Mémoire déposé lors du mandat « Consultations

particulières sur le projet de loi n° 28 », 2013 à la p 11, en ligne : Assemblée nationale du Québec

<http://www.assnat.qc.ca> [Jeune Barreau de Montréal, Mémoire PL]. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse estime également que l’utilisation du terme « privé » pour qualifier les modes de PRD est inappropriée, notamment parce que ceux-ci « participent […] du même système public de justice » : Commission des droits de la personne, Mémoire PL, supra note 122 à la p 4. Dans cet ordre d’idées, le Protecteur du citoyen avait recommandé de retirer le vocable « privé » étant donné que plusieurs institutions publiques telles que l’Office de protection du consommateur, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et la Commission des normes du travail « peuvent jouer un rôle déterminant dans la prévention de la judiciarisation de certains litiges » : Protecteur du citoyen, Mémoire PL, supra note 28 à la p 8. En somme, nous constatons que les modes de PRD ne sont pas nécessairement « privés », puisqu’ils peuvent être intégrés dans le fonctionnement des tribunaux judiciaires ou administratifs : Voir Ministère de la Justice, Évaluation, supra note 45 à la p 51. L’utilisation du terme « privé » par le législateur nous apparaît donc inappropriée et c’est la raison pour laquelle ce vocable n’est pas repris dans le présent mémoire.

176 Roberge, Justice, supra note 105 à la p 15. Voir aussi Antaki, Règlement, supra note 32 à la p 20. 177 Art 1, al 1 NCPC.

178 Ibid, art 1, al 2. Il existe néanmoins un vaste éventail de modes de PRD qui ne sont pas mentionné expressément dans le

NCPC. Mentionnons à titre d’exemple le partenariat préventif, la facilitation, le coaching, l’évaluation neutre, la justice réparatrice et le droit collaboratif. À ce sujet, voir notamment Antaki, Règlement, supra note 32 aux pp 49 et suiv. ; Roberge,

Justice, supra note 105 aux pp 57-60 ; Assemblée nationale, Journal, 8 octobre 2013, supra note 1 à la p 10 (Rita de

Santis).

179 Reid, Dictionnaire, supra note 127, sub verbo « négociation ».

180 Roberge, Justice, supra note 105 aux pp 148-49. Le professeur Nabil N. Antaki signale également que la négociation est

« l’action de discuter les affaires communes entre des parties en vue d’un accord » : Antaki, Règlement, supra note 32 à la p 50.

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Quant à la médiation, la professeure Sylvette Guillemard la définit comme

« un processus par lequel deux personnes échangent des points de vue, des

souhaits, des propositions dans le but d’arriver à une solution et ce, avec l’aide ou

par le biais d’une tierce personne »

181

. Le professeur Roberge précise que la

médiation constitue ainsi

un processus de décision à la suite d’un dialogue et d’une négociation assistée ou

facilitée par un tiers neutre et impartial, sans pouvoir décisionnel, librement choisi par

les parties en vue de régler une situation problématique de façon amiable et

mutuellement acceptable et, idéalement, rétablir ou bonifier la relation

182

.

Enfin, l’arbitrage se définit de manière générale comme « un mode parajudiciaire

de règlement d’un conflit selon lequel les parties, d’un commun accord ou par

décision de la loi, confient à un tiers, appelé arbitre, la solution de leur

différend »

183

. L’arbitrage peut donc être statutaire

184

ou conventionnel

185

. Il s’agit

ainsi « d’un processus similaire à un procès à la différence que les parties peuvent

choisir le décideur-arbitre et les règles de procédure et de preuve »

186

.

4.2. Les notions de « différend », « conflit » et « litige »

La disposition préliminaire précise que le NCPC « vise à permettre, dans l’intérêt

public, la prévention et le règlement des différends et des litiges […] »

[nos italiques]

187

. L’utilisation de l’expression « des différends et des litiges »

181 Guillemard, Mémoire PL, supra note 97 à la p 12. Pour plus d’informations au sujet de la notion de « médiation », voir

Richard J. McConomy, « Autres moyens de résolution de conflits » dans Lisette Laurent-Boyer, dir, La Médiation familiale, Cowansville (Qc), Yvon Biais, 1992, 150 ; Martha Shea et Suzanne Clermont, « Le droit collaboratif : la diversification de la pratique » dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Développements récents en justice participative :

la diversification de la pratique de l'avocat Cowansville (Qc), Yvon Biais, 2006. Serge Roy, « La médiation en matière

commerciale et le rôle du conseiller juridique » dans Médiation et modes alternatifs de règlement des conflits : Aspects

nationaux et internationaux, Cowansville (Qc), Yvon Biais, 1997, 209 à la p 216. Il est à noter par ailleurs que dans le cadre

du NCPC, le législateur « réserve le terme « conciliation » aux juges pour le distinguer du terme « médiation » réservé aux tiers » : Chamberland, Code, supra note 86 à la p 7.

182 Roberge, Justice, supra note 105 à la p 66. De manière analogue, le professeur Lafond indique que la médiation est « un

processus plus souvent formel par lequel un tiers neutre et indépendant aide les parties à dialoguer, à confronter leurs points de vue et à trouver, grâce à son intervention, une solution au conflit qui les oppose » : Lafond, Accès, supra note 12 à la p 183. La médiation fait donc « fondamentalement partie de la famille de la négociation » : Guillemard, Mémoire PL, supra note 97 à la p 18. La médiation constitue en effet « une négociation assistée » : ibid à la p 12.

183 Reid, Dictionnaire, supra note 127, sub verbo « arbitrage ». Voir aussi André-Jean Arnaud et Jean-Pierre Bonafé-

Schmitt, « Alternatif (Droit) – Alternative (Justice) », dans Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd, Paris, LGDJ, 1993 à la p 14.

184 Au sujet de l’arbitrage statutaire, voir notamment Code du travail RLRQ c C-27, art 100 (arbitrage de griefs en droit du

travail) et Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des avocats RLRQ, c B-1, r 17, art 7 et suiv. (arbitrage des comptes des avocats). Voir aussi Lafond, Accès, supra note 12 aux pp 215-16.

185 L’article 2638 CcQ définit l’arbitrage conventionnel comme un « contrat par lequel les parties s'engagent à soumettre un

différend né ou éventuel à la décision d'un ou de plusieurs arbitres, à l'exclusion des tribunaux ».

186 Roberge, Justice, supra note 105 à la p 75. Voir aussi Arnaud, supra note 183 à la p 14. 187 Disposition préliminaire, al 2 NCPC.

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signifie que le législateur établit ainsi une distinction entre les termes « différend »

et « litige »

188

. À ce propos, l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec indique

ce qui suit :

[d]ans son sens commun, le différend est habituellement compris comme étant plus

large que le litige. Il comprend certes la notion de « problématique » et de « conflit »

mais n’exclut pas celle du litige, un conflit ou une problématique posé ou matérialisé

en termes juridiques et éventuellement concrétisé par une action en justice

189

.

De ce point de vue, le « litige » apparaît donc comme un « problème

judiciarisé »

190

. En ce qui concerne la notion de « conflit », la Commission du droit

du Canada s’exprime en ces mots :

[l]es conflits sont omniprésents dans nos vies; ils surgissent à la maison, au travail,

dans nos rapports en tant que membres de diverses collectivités. Cela ne veut pas

dire pour autant que notre vie quotidienne se déroule dans un climat de siège. Les

conflits varient en intensité et en durée. Certains causent des dommages matériels et

émotifs profonds et durables. En fait, certains conflits sont intégrés à nos vies au point

où ils nous définissent. D’autres ont simplement un caractère irritant ─ ces petits

agacements vite oubliés au cours de nos activités quotidiennes

191

.

En conclusion de ce qui précède :

 la notion de « différend » englobe celle de « conflit »

192

;

 la notion de « conflit » inclut de simples désagréments temporaires ainsi

que des problématiques profondes et durables

193

;

 la notion de « litige » réfère à un « conflit » appréhendé sous l’angle

juridique et judiciarisé

194

.

188 Voir Institut de médiation et d’arbitrage du Québec, Mémoire déposé lors du mandat « Consultations particulières sur le

projet de loi n° 28 », 2013 à la p 8, en ligne : Assemblée nationale du Québec <http://www.assnat.qc.ca> [Institut de

médiation, Mémoire PL].

189 Ibid.

190 Guillemard, Mémoire PL, supra note 97 à la p 9. Voir aussi Antaki, Règlement, supra note 32 aux pp 7 et suiv.

191 Commission du droit du Canada, De la justice réparatrice à la justice transformatrice, 1999 à la p 7 [Commission du droit

du Canada, Justice].

192 Voir Institut de médiation, Mémoire PL, supra note 188 à la p 8. 193 Voir Commission du droit du Canada, Justice, supra note 191 à la p 7.

41

Partie III. L’adoption du NCPC : le contexte

théorique

Introduction

Tel que nous l’avons mentionné antérieurement, dans le but principalement

d’améliorer l’accès à la justice civile, l’Assemblée nationale du Québec a adopté, le

20 février 2014, le projet de loi 28 instituant le NCPC

195

. Ce nouveau Code, qui est

considéré par le législateur comme un « outil fondamental d’accès à la justice »

196

,

est le résultat d’une importante révision de la procédure civile ayant débuté il y a

maintenant plus de 15 ans

197

. Afin de permettre au lecteur de mieux comprendre

l’évolution de la procédure civile et de bien situer le NCPC dans son contexte

théorique, en vue de l’analyse détaillée des principes de la procédure applicables

aux modes de PRD dans la quatrième partie de ce mémoire, cette troisième partie

a été divisée en trois sections. Dans la première section, nous retraçons les

principales étapes historiques de l’évolution de la réforme de la procédure civile

ayant mené à l’adoption du NCPC. Dans la seconde, nous présentons l’objectif

fondamental poursuivi par cette réforme, qui est de changer la culture du milieu

juridique pour relever le défi de l’accès à la justice, puis nous analysons les

principaux obstacles à ce changement de culture. Dans la dernière section, nous

expliquons de quelle manière la disposition préliminaire, les principes de la

procédure applicables aux modes de PRD et les règles du livre VII du NCPC

permettent l’évolution du concept d’« accès à la justice ».