1. L’obligation préalable de considérer le recours aux modes de PRD avant de
1.1. L’exécution de l’obligation
1.1.5. L’harmonisation de l’obligation avec la « justice participative »
Tel que nous l’avons signalé antérieurement, en édictant l’obligation de considérer
les modes de PRD avant de s’adresser aux tribunaux, le législateur poursuit
l’objectif d’opérer un véritable « changement de culture »
414. Sous ce rapport,
l’obligation de considérer s’harmonise ainsi avec la « justice participative » qui
constitue en effet « une nouvelle culture de justice […] »
415. Plus précisément, la
« justice participative » se définit comme « un cadre d’intervention fondé sur trois
valeurs (respect, créativité, proactivité) actualisées dans les trois dimensions
(interaction, contenu, processus) d’un mode de prévention et règlement des
différends »
416. Dans cette optique, le devoir de considérer les modes de PRD,
prévu au troisième alinéa de l’article 1 NCPC, s’accorde ainsi avec la Déclaration
de principe sur la justice participative, qui vise à promouvoir la justice participative
411 Assemblée nationale, Journal, 10 janvier 2014, supra note 391 à la p 42 (Bertrand St-Arnaud). 412 Charte québécoise, supra note 24.
413 Réseau pour une approche transformative, Mémoire PL, supra note 121 à la p 8.
414 Assemblée nationale, Journal, 18 janvier 2012, supra note 34 à la p 56 (Véronique Hivon). Voir aussi Assemblée
nationale, Journal, 24 septembre 2013, supra note 42 à la p 4511 (Gilles Ouimet).
415 École du Barreau du Québec et Miville Tremblay, La justice participative, Barreau du Québec, Montréal, 2011-2012
à la p 8. Il est à noter que l’expression « justice participative » trouve ses origines dans un rapport de la Commission du droit du Canada publié en 2003. Voir Commission du droit du Canada, Transformation, supra note 90.
416 Roberge, Justice, supra note 105 à la p 13. Le recours aux modes de PRD s’inscrit donc au cœur de la justice
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et à encourager la diffusion d’informations au sujet des modes de PRD
417. À ce
sujet, lors de la 7
eédition de la Table ronde sur la justice participative qui s’est
tenue à Montréal le 13 novembre 2014, l’honorable François Rolland, alors juge en
chef de la Cour supérieure du Québec
418, s’exprimait en ces mots :
[l]e tribunal ne peut plus être le premier forum auquel on s’adresse pour régler un
litige. Preuve est faite que la judiciarisation répond mal aux besoins de nos
concitoyens qui souhaitent une solution pratique et expéditive à leurs problèmes, à des
coûts raisonnables. Nous devons leur offrir des moyens plus souples, moins coûteux
et beaucoup plus satisfaisants
419.
Pour adhérer à la justice participative, l’honorable juge François Rolland précise
qu’il faut ainsi
innover, penser et travailler dès le départ dans une perspective de prévention et de
règlement des différends. Cela veut dire se parler et négocier, participer de façon
active à la construction d’une solution. C’est, pour l’avocat, laisser son chapeau de
guerrier au vestiaire pour accompagner son client dans la recherche de ce qu’il est
possible d’obtenir pour combler ses attentes, des moyens offerts pour y arriver, des
coûts et des délais. Il ne s’agit pas de décider pour le client ce qui est bon pour lui,
mais de l’aider à décider lui-même de ses objectifs et de la meilleure voie pour les
atteindre
420.
Soulignant l’importance de changer la culture du milieu juridique et d’intégrer les
valeurs de la justice participative, la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie
Vallée, indique ce qui suit :
417 La Déclaration de principe sur la justice participative a été signée lors de la 7e édition de la Table ronde sur la justice
participative tenue le 13 novembre 2014, par près de 50 personnes incluant la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, l’ex-juge en chef de la Cour supérieure du Québec, François Rolland, la juge en chef de la Cour du Québec, Élizabeth Corte et le bâtonnier du Barreau de Montréal, Greg Moore : Johanne Landry, « 7e édition de la Table ronde sur la
justice participative : Signature de la Déclaration de principe sur la justice participative », Journal du Barreau (décembre 2014, janvier 2015) 16-17 en ligne : Barreau du Québec <http://www.barreau.qc.ca>. Le texte de la Déclaration peut d’ailleurs être consulté en ligne à l’adresse suivante : Barreau de Montréal <http://www.barreaudemontreal.qc.ca/sites/ default/files/declarationjusticeparticipative.pdf> [consulté le 18 décembre 2014].
418 L’honorable juge François Rolland a été juge en chef de la Cour supérieure du Québec du 1er octobre 2004 au 1er juillet
2015. À ce sujet, voir Association du Barreau canadien, « Départ du juge François Rolland de la Cour supérieure du Québec » (12 février 2015), en ligne : ABC <http://abcqc.qc.ca/fr/Publications/Articles/ABC-Quebec/2015-02/Depart-du-juge- Francois-Rolland-de-la-Cour-superie> [consulté le 22 juillet 2015].
419 François Rolland, allocution lors de la 7e édition de la Table ronde sur la justice participative, présentée au Grand Salon
du Club Saint-James de Montréal, 13 novembre 2014, propos transcris par Johanne Landry, « 7e édition de la Table ronde
sur la justice participative : Signature de la Déclaration de principe sur la justice participative », Journal du Barreau (décembre 2014, janvier 2015) 17 en ligne : Barreau du Québec <http://www.barreau.qc.ca>. Sur ce point, l’ex-porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, Gilles Ouimet, souligne que « la décision d'un juge après un procès n'est pas […] le seul moyen et n'est souvent pas le meilleur moyen pour les parties pour trouver une solution à leur problème. Et c'est cette question-là […] qui, à mon point de vue, est véritablement au cœur du changement de culture qu'on propose aux
acteurs du système de justice » [nos italiques] : Assemblée nationale, Journal, 24 septembre 2013, supra note 42 à la p 4511 (Gilles Ouimet). Tel que le souligne l’avocat Jack R. Miller, les solutions mutuellement satisfaisantes sont bien
souvent « le produit de l'interaction des parties » : Assemblée nationale, Journal, 18 janvier 2012, supra note 34 à la p 57 (Jack R. Miller).
420 Rolland, Déclaration, supra note 419. À cet égard, la professeure Julie MacFarlane écrit : « [t]he new lawyer must learn
how to wear the two hats of fighter and settler, and understand when to take one off and put the other on » : Macfarlane,