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Principales sources d’informations sur la sexualité

Tous disent avoir entendu parler de sexualité, d’abord à l’école, première source citée par la quasi-totalité des jeunes rencontrés. Néanmoins, on comprend facilement toutes les difficultés qui s’imposent aux éducateurs lorsque les termes même qui servent de base pour monter des ateliers/débats thématiques ne sont pas clairs, comme on peut le lire dans cet échange avec Jessy :

« Est-ce que tu peux me dire tous les moyens de contraception que tu connais ? – C’est quoi contraception déjà ?

– Pour toi, c’est quoi ?

– C’est les différentes choses d’éviter de tomber enceinte ou d’avoir des maladies, ce qui est à dire l’implant, le préservatif pour gars, pour fille, la pilule, la pilule du lendemain. » (Jessy, 16 ans.)

Les jeunes rencontrés mettent en avant le fait que l’information qu’ils ont reçue à l’école est restée globale, collective, cantonnée aux aspects sanitaires et techniques mais finalement peu adaptée à leurs demandes, même s’ils ne sont pas toujours en mesure de formuler leurs attentes. Ces attentes en matière d’information sur la vie affective et sexuelle diffèrent d’ailleurs selon les âges et les biographies affectives et sexuelles des individus. Comment embrasser ? Dans quel sens tourner sa langue ? Qui embrasser (au sens de comprendre les enjeux dans la sélection du « partenaire » et ainsi se conformer aux attentes sociales exprimées clairement ou non par le groupe de pairs) ? À qui en parler (lorsque c’est possible, dans la famille ? Doit-on tout partager avec ses parents ? Lorsque ce n’est pas possible dans la famille, vers qui se tourner ?...) ? Mais aussi où avoir des préservatifs gratuitement ? Comment ça se passe si on veut la pilule ou une autre contraception, etc. ? Comment on sait si on est amoureux ?…

Pour les jeunes rencontrés, les professionnels de la PJJ sont légitimes pour organiser et faire de l’information sur la sexualité tout comme l’école :

« Ouais, au collège, deux fois je pense. […] En 3e, en 4e. Ils disaient comment se protéger, en cas de risque,

crois que c’était moins global, c’était pas pareil. Ils demandaient s’il y en avait qui avaient déjà ses règles, s’il y avait qui avaient déjà fait des trucs, des trucs comme ça. Je sais pas avec qui c’était. […] [à propos des sujets abordés] Comment se protéger. Je sais pas, ça fait longtemps. La pilule du lendemain, des trucs comme ça. […] C’était bien, c’est de la prévention. Il n’y a pas à ignorer. C’est intéressant. On en retient quelques informations. On est pas là genre : “Qu’est-ce qu’il me raconte ?...” […] Beh ouais, pour plus tard. Parce que je sais qu’il y a des parents… enfin moi, je sais qu’avec ma mère, j’ai pas forcément envie de lui parler de tout ça en fait. Moi, c’est plus l’école qui m’a appris ça, c’est pas ma mère. Il y a des parents qui sont ouverts par rapport à ça. Moi, ma mère, c’est pas qu’elle est pas ouverte ou quoi, mais c‘est que moi je suis pas ouverte envers elle parce que c’est ma mère. Je sais pas, pour moi, c’est pas pareil. Ma mère, je lui parle de rien par rapport à ça. Il y en a qui en parlent, d’autres non. » (Mélina, 16 ans.)

D’après des professionnels qui l’organisent, la dimension collective de ces ateliers peut contribuer à « diffuser la

bonne parole » de jeune à jeune, mais aussi à construire un discours commun autour de ces enjeux. Ainsi, comme

dans les analyses des séances d’éducation à la sexualité en milieu scolaire (Le Mat, 2014), ces ateliers peuvent participer à renforcer ou rappeler les normes du groupe de pairs, ce qui n’est pas sans poser question dans un cadre de parole hétérosexiste et normatif. Même si peu des jeunes rencontrés semblent avoir pu bénéficier de plusieurs séances d’informations sur la sexualité en milieu scolaire, (malgré les 3 séances prévues par an de la primaire à la fin du lycée par la circulaire de 2003), la PJJ peut investir le champ de l’information à la sexualité, à condition qu’elle ne soit pas trop individuelle (ou trop personnelle) :

« C’est plein de trucs non ? Genre je sais pas. Planning familial, qu’est-ce qu’ils font là-bas déjà ? [Elle réfléchit] Je sais plus. C’est si à la base, t’es en galère et tout, t’es enceinte et tout, ils vont voir, des trucs comme ça. […] Tu peux poser ton bébé aussi là-bas non ? […] Ma sœur, pourquoi elle y avait été ? Ah si, c’était sa pote-là, elle croyait qu’elle était enceinte. […] Mais je fais pas de test ! Si un jour ça doit arriver, dans longtemps, si un jour j’ai un problème ? Non, ça m’arrivera pas ça ! Il faut aller à l’hôpital, non ? Moi, je dis je vais à l’hôpital je pense. » (Mélina, 16 ans.)

Ainsi, comme le dit Mélina, les ateliers à la PJJ servent aussi à donner des informations sur les lieux ressources, stratégiques sur la santé qui sont sur le territoire de l’unité dans laquelle les jeunes sont pris en charge. L’objectif est bien l’émancipation des jeunes de la structure et de l’éducateur en lui permettant d’utiliser les ressources locales :

« Quand on les emmène visiter le planning familial au CHU, c’est d’abord pour qu’ils franchissent la porte une première fois. C’est toujours la plus dure, ensuite, je pense que c’est plus simple entre guillemets, pour y retourner le jour où t’en as besoin. Après, je cherche pas forcément à savoir s’ils y vont ou pas. Mais je pense qu’au moins, la barrière symbolique est moins là ! » (Entretien informel, éducatrice, collègue de Damien.)

Comme dans les enquêtes sur la contraception (Bajos, Ferrand, 2002 ; Amsellem-Mainguy, 2007) les jeunes rencontrés dans le cadre de cette enquête montrent combien ceux qui ne sont pas ou très peu informés sur la protection et/ou la contraception et qui ne savent pas où en obtenir, seront d’autant plus réceptifs aux messages qui circulent dans le groupe de pairs. Il s’agit avant tout de ceux qui ne peuvent en parler en famille (avec leurs parents), qui n’ont pas de lien particulier avec le corps médical (pas ou très peu de consultations chez un médecin généraliste…), et qui ont bien souvent arrêté l’école relativement tôt (fin de primaire, début de collège).