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Les pratiques culturelles des jeunes à l'épreuve des structures spatiales et du manque d'infrastructures

Pratiques culturelles pour les jeunes ruraux : quelle offre sur les territoires ?

A. Infrastructures et structures spatiales : comment infuencent-elles les pratiques culturelles ?

2/ Les pratiques culturelles des jeunes à l'épreuve des structures spatiales et du manque d'infrastructures

L'impact de la taille des municípios sur le pourcentage de jeunes choisissant de développer une activité culturelle est important, comme cela a pu être soulevé dans l'enquête nationale Projeto Juventude : « dans les villes de grande taille 6% des jeunes ont des activités culturelles pour occuper leur temps libre du week-end, dans les villes de petite taille cet indice tombe à 1%. Ces données pointent les effets du manque d'équipements (salles de cinéma ou de théâtre par exemple) et de politiques culturelles, en particulier dans les

municípios les moins peuplés»225. Ainsi, après avoir dressé l'état des lieux des infrastructures, équipements et structures spatiales auxquels les jeunes ruraux des trois territoires choisis ont accès, il faut questionner l'impact de ces éléments sur leurs pratiques effectives. Il s'agit d'abord d'analyser la mobilité culturelle des jeunes : fréquences, distances, natures, modes de transports utilisés dans leurs déplacements de loisir, avant de voir quelles autres stratégies compensatoires ils mettent en place localement.

► Mobilité culturelle et de loisir

La mobilité est une variable d'ajustement centrale pour les jeunes, afn d'accéder à une offre culturelle et de loisir localisée plus ou moins loin de leur domicile. Mais cette mobilité est diffcile à cause de la conjonction d'une série de caractéristiques territoriales déjà développées, qui rendent la motilité (capacité à être mobile) contradictoire et les déplacements incommodes.

Cependant, et comme souligné dans le schéma ci-dessus, la motilité des jeunes ruraux rencontrés bénéfcie aussi d'une compétence relativement développée à la mobilité et d'une bonne appropriation globale de la propension à se mouvoir. On considère ainsi la motilité des jeunes

ruraux comme un capital, une compétence à mobiliser face aux obstacles imposés par le territoire226. Ce capital, malgré la « révolution » qu'a représenté la démocratisation de la voiture et de la moto dans les espaces ruraux brésiliens dans les années 2000 (extensionista de Santa Cruz do Sul, entretien n°77), est encore mal distribué parmi les jeunes ruraux227. Selon Jean-Paul Carrière, le maintien sur un territoire n'est possible que si on peut justement en sortir. Or, des typologies des conditions face à la mobilité montrent qu'il existe, outre les « non vulnérables » et les « vulnérables », une catégorie d' « assignés territoriaux » (Le Breton, 2002 ; Dupuy, 2001) qui sont les ménages qui n’ont pas (ou diffcilement) accès à la mobilité pour des raisons fnancières (empêchant le passage du permis de conduire ou l’achat de véhicules en nombre suffsant), physiques, culturelles (forte diffculté physique ou psychologique à quitter son territoire) ou comportementales (défcit des capacités de mobilité). Comme « prisonniers » de leur espace de vie, le territoire que ces ménages peuvent parcourir est limité, ils sont dépendants de l'offre de proximité et de leur réseau familial et amical proche, ce que Le Breton (2002) qualife de « mobilité dépendante », et la rationalisation de leurs déplacements est une nécessité, allant parfois jusqu’au choix des seuls déplacements véritablement essentiels (achats, enfants, travail) aux dépens des autres (visites, loisirs). La mobilité vers la ville peut ainsi être conditionnée par la nécessité d'acheter des produits moins chers. Un couple nous expliquait ainsi la stratégie d'économie mise en place, la nécessité de s'organiser davantage lorsque l'on habite en milieu rural, pour eux qui se rendent moins de trois fois par an à la grande ville voisine distante de 80 km228. La ville est ainsi fréquentée essentiellement d'un point de vue utilitaire, comme dans le cas de cet étudiant en alternance trois jours par mois à Chapeco, capitale régionale à 300km de chez lui, expliquant « En ville si on y pense bien, on ne proftait de rien, parce que on y allait juste pour étudier et on rentrait. On n'avait pas le temps pour sortir, ces choses là... » (entretien n°143, M, 18 ans, CdL), ou de cette mère de famille qui va à São Miguel do Oeste pour acheter « les choses pour la maison, la nourriture, ces choses qui sont bien moins chères là-bas ».

Dans ce cadre, on observe que le jeito, « système D » brésilien, est très développé en ce qui concerne la mobilité. Nous avons pu en profter personnellement lors des séjours où nous ne disposions pas de véhicule et dépendions donc, certes des transports en commun, mais surtout de l'amabilité des conducteurs de véhicules divers. Nous avons également pu à l'occasion d'autres séjours, faire profter à certains jeunes de notre véhicule, afn de les conduire à notre tour. Le carona (institution brésilienne entre l'auto-stop et le covoiturage) est ainsi un mode de déplacement essentiel pour les jeunes ruraux, y compris pour des déplacements de loisir, et certains n'hésitent pas à le faire fonctionner : R. est toujours rentré de Chapeco à São Miguel do Oeste par ce moyen avec nous ou d'autres conducteurs, le bus lui coûtant trop cher, et nous avons par exemple partagé un trajet en camion avec L. entre son domicile et la ville de Lages où il se rendait pour un concert (le

226 Voir Mélanie Gambino et Olivier Desmesure, « Habiter les espaces ruraux : les enjeux des formes de mobilité des jeunes. Regards interdisciplinaires », Norois 2014/4 (n° 233), p. 25-35. et Vincent Kaufmann, Emmanuel Ravalet, Élodie Dupuit (dir.), Motilité et

mobilité : mode d'emploi, Neuchâtel, Éditions Alphil, coll. « Espaces, mobilités et sociétés », 2015, 256 p.

227 Pour les différences de socialisation à la mobilité géographique selon le milieu social voir Jamieson, « Migration, place and class : youth in a rural area », The Sociological Review, 48-2, 2000

228 Entretien n°142 : « [À propos du fait de se rendre à Lages] On y va parfois pour faire une course, de choses qu'on ne trouve pas ici... et là bas c'est beaucoup moins cher, les habits mais aussi la nourriture, là bas c'est plus notre budget. Sauf que parfois ça ne compense pas d'aller là-bas, sortir d'ici et dire "ah aujourd'hui je vais faire mes courses là-bas". C'est plus quand on a l'opportunité, quand on doit faire un autre voyage. Parfois on réuni de l'argent et on se dit "je vais réunir suffisamment d'argent pour aller à Lages faire des courses" ».

chauffeur était venu livrer sa famille et retournait justement en direction de la ville). Le jeito implique aussi des petits arrangements avec la loi comme la conduite avant 18 ans qui permet de « rouler un peu partout dans la région »229.

La dépendance à autrui dans la mobilité est prégnante en particulier sur les plus longs trajets, car si certains jeunes possèdent une moto, ils sont peu nombreux à avoir une voiture. Dans la tranche d'âge étudiée les garçons semblent cependant assez mobiles en véhicule, et c'est davantage la météo ou la qualité des routes qui remet en question les trajets. En revanche les flles sont souvent plus dépendantes, n'ayant pas leur permis de conduire ou pas de véhicule et étant tributaires de leurs frères, pères ou maris pour se déplacer. Dans ce contexte on comprend que seuls les déplacements les plus nécessaires soient réalisés (travail, santé, études) ou ceux incluant une participation du reste de la famille230. Néanmoins, une jeune de São Miguel do Oeste, alors qu'on la questionnait sur la possibilité de se rendre à pied ou à vélo (pratique très peu développée au Brésil) chez ses amis nous expliquait que : « pour aller chez mes amis en l'occurrence c'est loin... c'est à quatre, huit kilomètres. Du coup on essaye de se retrouver le week-end. Sauf quand il y a du travail... on peut aussi, mais là c'est elles qui viennent ou bien moi je vais chez elles H: Mais du coup c'est vos parents qui vous emmènent ? A: ou bien elles viennent en bus scolaire, avec moi après les cours » (entretien n°119). La mobilité pour des pratiques culturelles dépend aussi du groupe d'amis avec lequel elle s'envisage. Un jeune souligne par exemple comment l'absence d'autres jeunes célibataires dans sa communauté l'amène à faire plus de 40 km (dont la moitié de routes de terre) pour rejoindre la grande ville la plus proche : « bon, ici dans la localité non, le seul jeune qu'il y ai et qui ne soit pas encore marié c'est moi ! Du coup je vais à Lages, on se retrouve là bas, avec des gens que je connais » (entretien n°76, M, 22 ans, CdL). L'accès à la « grande ville » est parfois plus facile que celle au bourg, et les jeunes fnissent par y concentrer davantage certaines de leurs activités de loisir comme ce jeune qui vit à 60 km de Santa Cruz do Sul et affrme y avoir un accès plus facile qu'au centre du município dont il dépend, car en utilisant la voiture de l'entreprise dans laquelle il est en stage, ou le bus « ça me prend que 50 minutes parce que la route est bonne, elle est toute goudronnée, il n'y a que 3km de routes de terre » contre 43 km du centre du município mais avec « que de la route de terre, l'accès est horrible, la route n'est pas entretenue » ,cela impactant fortement sa relation au centre bourg, même si celui-ci propose des activités231. Ainsi, toutes les distances ne sont pas perçues ni pratiquées de la même manière.

Les travaux de Mélanie Gambino sur les jeunes ruraux du Périgord et d'Irlande232 relie des types de mobilité (alternante, sédentaire et de proximité) à trois modes d'habiter, dont nous reparlerons au Chapitre 5.A.1 (voir aussi annexe n°13). Avec Olivier Desmesure, elle analyse en particulier une appropriation décalée de la mobilité par les jeunes ruraux, déconstruisant cette notion « devenue, au fl du temps, une sorte d’injonction paradoxale entre un encouragement social à la mobilité (Le 229 Entretien n°143, M, 18 ans, CdL : « Je sors pas mal. J'ai ma voiture, je la prends... pour l'instant je n'ai pas mon permis mais ici la police... […] À 15 ans je roulais déjà en coccinelle par ici, alors à 17 ans j'ai acheté cette voiture [...] Du coup je roule partout, dans la région ici. »

230 Entretien n°27, F, 24 ans, ExO : « [Tu es déjà allé à un concert ?] Oui déjà..., je suis allée à São Miguel do Oeste, à Beltrão, papa est notre chauffeur. Il y a va, il nous emmène [...]. Une fois il a emmené deux ou trois jeunes de l'assentamento à São Miguel do Oeste pour un concert. »

231 Entretien n°81 : « Il peut y avoir des activités culturelles, mais c'est plus dans le centre du município. C'est que j'habite dans une région du município qui bon, qui rend diffcile ma relation avec eux, parce que mon accès au centre de mon município est pire que l'accès à ici, à Santa Cruz […]. Je ne vais au siège du município que dans des relations de travail, de nécessité en rapport avec la communauté, avec le município, plutôt que pour m’intégrer avec la jeunesse ».

232 Voir notamment Mélanie Gambino et Olivier Desmesure, « Habiter les espaces ruraux : les enjeux des formes de mobilité des jeunes. Regards interdisciplinaires », Norois 2014/4 (n° 233), p. 25-35.

Breton, 2005) et une vie qui se sédentarise de plus en plus (Chauvel, 1998) ». Deux exemples de discours sur la mobilité de loisir de deux jeunes ruraux sud-brésiliens permettent de comprendre à la fois l'aisance et la relative faiblesse de l'appétence pour la mobilité de loisir parmi les jeunes que nous avons rencontrés :

– Entretien n° 100, M, 29 ans, StC : J. estime aller quatre fois par an à Santa Cruz do Sul, vendre son tabac, mais admet n'avoir connu la grande ville qu'à l'occasion d'une opération médicale « la première fois je n'y suis pas allé seul, parce que je ne savais pas vraiment où c'était. Du coup j'y suis allé avec quelqu'un. Et après on s'est baladé un peu dans la ville pour découvrir ». Il explique ne jamais y être allé ou envisager d'y aller pour une activité culturelle. Sobradinho est une ville assez fréquentée par les jeunes d'Arroio do Tigre, pour sortir voir les amis, dîner, mais c'est le « centre » même du « Tigre » (surnom de la bourgade) qu'ils fréquentent le plus : ce couple habitant à 4km y va au moins une fois par semaine, pour les courses et les sorties.

– Entretien n° 74 : La maman de R. considère que son fls et ses amis « se voient de temps en temps. Ils font du foot tous les week-end dans le centre de Bocaina [na sede de Bocaina]. Ici il n'y en a pas. Il y va en moto. Ils sortent pas mal, il y a un bar et un restaurant dans le centre là bas, c'est ce qu'il y a ici pour eux [é o que tem

aqui para eles], il n'y a pas grand chose mais ils y vont. Leur divertissement c'est dans le centre, ils vont tous là bas, c'est le divertissement qu'ils ont ». R. explique lui que s'il va « au match dans le centre, je vais dans les resto aussi aussi mais moins que les autres gens d'ici car je travaille beaucoup. Beaucoup de jeunes d'ici travaillent dans la ville et vivent ici ou ne rentrent que les week-end. Je sors dans le centre ici, même si c'est pas vraiment la ville »,il sort surtout dans la ville pôle de la région à 45 km de chez lui : « Je vais pas mal à Lages pour les soirées, j'aime tous les types de musique. Je vais a une fête, si c'est pas terrible je vais dans une autre et ainsi de suite. »

Globalement, les jeunes rencontrés se déplacent peu pour leurs loisirs. Ils restent dans un périmètre restreint et n'accèdent à une mobilité plus étendue qu'occasionnellement (vacances, visite à la famille éloignée), le rapport au lointain est ainsi conditionné par des activités de groupe. La famille en premier lieu, à qui on rend visite, que ce soit pour les vacances à 15km de chez soi (entretien n°27, F, 24 ans, ExO), dans une ville de la région (entretien n°142, qui explique tout prévoir au centime près pour une visite par an ; n°119) ou une métropole plus lointaine (à São Paulo par exemple, entretien n°53, F, 24 ans, StC). Les visites à la famille sont à la fois vécues comme une contrainte et comme une opportunité bon marché de partir, pour des jeunes qui en ont peu la possibilité, rendant diffcile la séparation entre moment de loisir individuel et obligation du maintien des liens familiaux233. Les vacances se font parfois avec la communauté : les Juventudes, par exemple, récoltent de l'argent pendant l'année pour partir quelques jours à la plage ou dans un parc d'attraction, donnant l'occasion d'apprendre à ses membres à organiser un tel voyage et d'emmener parfois les parents qui n'avaient jamais vu la mer (entretiens n°53, 71 et 100234). Les organisations

233 Entretien n°142. Entretien n°62 : « H: Tu aimerais avoir plus de temps libre ? D: En fait, enfn, j'aimerais pouvoir prendre une semaine à la fn de l'année pour qu'on voyage quelque part. Tout le monde, parfois, en janvier tout le monde est toujours en vacances, mais ici ce n'est pas possible, du coup... H: Pourquoi ce n'est pas possible ? Tu ne peux pas laisser la propriété ? D: C'est que parfois il y a d'autres... il y a toujours pas mal de gens qui arrivent ici en fn d'année, la famille. Et du coup on ne peut pas partir. Parce qu'on a de la visite, ces choses là et du coup... Mais si on avait l'opportunité, on était en train d'organiser avec mon cousin d'aller à Caxias, parce que là bas il a sa soeur et de là bas on pourrait aller à Torres. »

234 Entretien n°100, M, 29 ans, StC : « Dix ans après être entré dans la Juventude j'ai été "chef de la plage" [líder da praia]. C'était toujours une nouvelle excursion. On faisait, on réservait le bus, la maison à Torres, on organisait tous les gens de la Juventude, et on allait à la plage ! [...] Les excursions que j'ai faites ça a été comme ça. Là en bas, avec la Juventude Cristo Rei. On organisait une fête, on invitait les gens. Pour aider, on destinait les recettes pour les dépenses à la plage. [...] Porto Alegre on y va au moment des Olympiades pour inviter les députés, le gouverneur. »

d'agriculteurs ou mouvements syndicaux et sociaux permettent également des voyages dans le cadre rassurant de partage de valeurs et habitudes communes comme en témoignent des jeunes du MST, des EFA, de la FETRAF ou même de l'Epagri :

Entretien n°27, F, 24 ans, ExO : « J'ai plus voyagé avec le mouvement. Mon premier voyage un peu lointain était à Florianopolis, c'était il y a 10 ans, pour une rencontre des Sem Terrinha [littéralement les « petits sans terre », groupe des enfants du MST]. Après ça je suis allé à Chapeco plusieurs fois, à Brasilia aussi, en général pour des rencontres. […]. Pour que moi je parte d'ici, il faudrait que ce soit avec le mouvement, pour avoir des expériences nouvelles. Tout avec le mouvement. »

Entretien n° 81 : « Avoir un espace et étudier, l'EFA m'a offert cela, et de connaître d'autres endroits du Brésil, j'y suis allé. Cela m'a vraiment marqué en tant que jeune. H : Où es-tu allé ? G : Une fois je suis allé à un congrès, un congrès de l'Unibaf à Brasilia, et j'ai connu quelques, quelques trucs comme ça plus dans la campagne, une région proche d'Orizona dans le Goias. Et là dernièrement, une autre à Juazeiro dans l'État de Bahia, une rencontre d'agroécologie où je suis allé en lien avec l'EFA. Là bas que j'ai connu ça. Et là ça m'a..., ça m'a enchanté on va dire, j'ai pas mal aimé ça et ça m'a marqué [...] C'est que là bas j'ai rencontré d'autres gens, des gens qui sont dans les campagnes mais dans d'autres conditions, avec d'autres réalités, ça a été très, très bien. »

Entretien n°143, M, 18 ans, CdL : « Parfois quand il y a des voyages du syndicat on va à São Joaquim, Chapeco. L'année dernière je suis allé représenter le Collectif Jeunesse de la Fetraf dans un événement là bas en Argentine [...] [Il raconte que pendant sa journée d'attente à Porto Alegre il a été accueilli dans une permanence du MST, et raconte avec entrain les différents bus qu'il a dû prendre, les heures de transport]. Mais le voyage le plus long que j'ai fait en bus c'était jusqu'à Brasilia, 36 heures de voyage ! […] C'était pour la prise de fonction de Dilma, j'y suis allé avec le PT catarinense qui avait prévu un bus. H: Tu voyages avec le syndicat, le parti, mais en dehors de ça tu pourrais ? CJ: Si ce n'était pas de cette façon ce ne serait pas possible. »

Entretien n°62 : « Je suis allé il y a deux ans dans la région des Missions, dans le Rio Grande do Sul, avec l'Epagri aussi. Sur... on est allé visiter une ferme avec des vaches laitières, des pâturages, ces choses là. On est allé à une exposition de matériel l'année dernière et là, la semaine dernière on est allé à Vacaria visiter... des petits fruits, avec le groupe ici de Cerro Negro. »

Les jeunes ont ainsi peu la possibilité, économique, temporelle et morale, de voyager à titre personnel sans autre but que le divertissement ou la découverte : certains en rêvent (entretien n° 122), mais beaucoup témoignent que ces divers supports leur permettent de connaître des espaces auxquels ils n'auraient pas du tout eu accès individuellement.

Nous n’établirons pas de typologie précise des mobilités des jeunes ruraux comme cela a pu être fait par exemple par Rieutord et Thomasson235 avec leurs types de mobilité « enracinée », « ancrée » ou « amarrée » car nous intégrerons ces éléments à la typologie des modes d'habiter du Chapitre 5. Cependant, il faut souligner l'importance d'observer la mobilité des jeunes, et ici de trois cas individuels, pour la compréhension de leur rapport aux pratiques culturelles, au territoire et à ses recompositions, et nous reprenons ici leur méthodologie pour élaborer ces schémas. Il convient de rappeler que ces exemples étant issus des jeunes choisis pour le dynamisme de leurs pratiques culturelles, ils présentent une mobilité en moyenne plus élevée et étendue que d'autres jeunes ruraux. Les trois ici sélectionnés présentent eux-mêmes des rapports différents à la mobilité de loisir, comme nous le décrivons ici et le schématisons page suivante :

Pour Carla, la mobilité est très infuencée par son travail, où elle se rend quotidiennement avec sa voiture personnelle. En termes de loisir, c'est une mobilité de proximité qui est privilégiée