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Pratiques culturelles pour les jeunes ruraux : quelle offre sur les territoires ?

B. Des acteurs déterminants

1/ Politiques publiques

« Les espaces de culture et du loisir doivent se poser en termes de droit, mais parler d'un "droit à la culture" implique de créer des conditions d'accès aux produits, aux informations, aux moyens de production, de diffusion et de valorisation de la culture. On doit donc espérer une politique publique démocratique qui augmente la capacité critique des jeunes avant que la tendance des industries culturelles à homogénéiser ne renforce les ghettos de l'identité. »247

On peut déclarer un droit, mais si les conditions de sa réalisation ne sont pas données il ne peut être exercé. Or, les problèmes des politiques et programmes publics observés sont récurrents et tiennent pour la plupart aux dysfonctionnements mêmes du système brésilien : manque d'infrastructures, absence de supports et d'expertise pour mener à bien les projets font partie d'un contexte fortement inhibant. Ensuite, les politiques ou supports qui voient le jour souffrent des défauts d'un système qui ne leur permet pas de développer leur potentialité. Malgré un essor quantitatif et qualitatif dans les années 2000, le secteur public demeure plutôt absent dans les domaines qui nous intéressent, et les événements politiques de 2016 ont eu pour effet un net désengagement de l'État fédéral et des États fédérés (graves crises fnancières aboutissant au non-paiement des fonctionnaires, au non-règlement de contrats engagés, à une suspension de nombreux programmes en particulier dans les domaines de la jeunesse et de la culture). Nous ferons d'abord un état des lieux des politiques existantes, avant de voir les limites, tant conjoncturelles que systémiques qui empêchent aujourd'hui l'effcience de l'État brésilien sur les problématiques soulevées. L'absence de politique publique est déjà une politique publique.

247 Brenner Ana Karina, Dayrell Juarez, Carrano Paulo « Cultures du loisir et du temps libre des jeunes brésiliens » dans Abramo Helena Wendel; Branco, Pedro Paulo Martoni. Retratos da juventude brasileira: análises de uma pesquisa nacional, São Paulo, Instituto Cidadania : Fundação Perseu Abramo, 2005. 446 p. - p. 177

► Le contexte des politiques de développement rural, de jeunesse et sur la culture

Notre sujet étant à l'intersection de trois domaines, culture – jeunesse – ruralité, il faut observer d'abord distinctement les politiques menées dans les chacun de ces champs afn de clarifer la démarche, comment ils sont croisés ou non, avant d'analyser des programmes essayant de lier spécifquement les trois aspects.

• Développement rural

Dans ce pays où un quart du PIB provient du secteur agro-industriel, et où les « centres » ont longtemps vu l' « intérieur » comme un simple grenier, les politiques de développement rural n'ont jamais vraiment traité le monde rural sur d'autres plans qu'agricole, alimentant le manque actuel d'infrastructures, même les plus fondamentales (on ne peut qu'être frappés par le manque d'écoles, de routes ou d'assainissement) car « dans la vision traditionnelle, le développement rural est perçu comme une garantie de l'accroissement de la production agricole, sans tenir compte des conséquences et des impacts de cette croissance pour la conservation de la biodiversité, la souveraineté et la sécurité alimentaire, la préservation des modes de vie et la reproduction de la culture »248. Il n'est pas pertinent de retracer ici l'histoire des politiques agraires brésiliennes, mais il faut souligner leur singularité. Celles-ci ont connu plusieurs phases249 : politique agraire généraliste des années 1970 à 1990, politiques spécifques pour l'agriculture familiales dans les années 1990 parallèlement à un fort soutien à l'agronégoce, politiques thématiques (jeunesse, écologie) aujourd'hui, mais avec toujours le même horizon : moderniser et considérer l'agriculteur seulement comme un producteur. Les politiques publiques ont accentué, en particulier dans le Sud du pays, territoire « récent », les aspects économiques et productifs, et ont totalement négligé la recomposition des territoires du point de vue culturel. De plus, les observateurs dénoncent une « évidente dichotomie entre politiques à caractère productif et celles destinées à l’assistance sociale » et analysent ce processus de dualisation des politiques destinées à l'agriculture familiale250. Les thématiques des politiques liées à l'agriculture familiale et à la souveraineté alimentaire et nutritionnelle ont donné lieu à une production bibliographique particulièrement abondante (voir en particulier Catia Grisa et Sergio Schneider (dir.), Políticas públicas de desenvolvimento rural no Brasil, UFRGS, 2015).

Nous nous focaliserons ici uniquement sur les politiques de ces dernières années, et seulement sur celles prenant en compte un développement rural plus large que le développement agricole. Tout d'abord la Política de Desenvolvimento do Brasil Rural (PDBR) élaborée par le Conselho Nacional de Desenvolvimento Rural Sustentável (CONDRAF), est le résultat de dix années de débats et réfexions participatives ayant culminé en 2008, à Olinda, lors de la Conferência Nacional de Desenvolvimento Rural Sustentável e Solidário (CNDRSS). Le document

248 CONDRAF, Política de Desenvolvimento do Brasil Rural, 2010. Le CONDRAF (Conselho Nacional de Desenvolvimento Rural Sustentavel) est un organe collégial faisant partie du MDA, un espace de concertation et d'articulation entre différents niveaux du gouvernement et des entités de la société civile dans le domaine du développement rural, de la réforme agraire et de l'agriculture familiale.

249 Tonneau et Sabourin, Agriculture Familiale et politiques publiques de développement territorial : le cas du Brésil de Lula, Confns, 2009

250 Voir Cazella Ademir Antonio, Capellesso Adinor José, Medeiros Monique, Tecchio Andréia, Sencebé Yannick et Burigo Fabio Luiz, « Políticas publicas de desenvolvimento rural no Brasil: o dilema entre inclusão produtiva e assistência social », Politica &

Sociedade, Florianopolis, Vol. 15, Ediç o Especial, 2016.

propose de « réorienter le processus de développement des aires rurales du pays, en faisant la promotion d'un changement effectif des priorités des actions historiquement accomplies par l'État fédéral »251. Le PDBR a été conçu comme une « ligne de division des eaux » entre une ancienne conception du rural par l'État brésilien exclusivement dans sa dimension agricole et une nouvelle conception politique qui aurait pour but de « dépasser les manques conceptuels ». Il s'articule autour de sept principes directeurs (démocratie, durabilité, inclusion, diversité, souveraineté, égalité, solidarité) et trois attributs fondamentaux du rural : la production (agricole ou non), la relation avec la nature et la reproduction de modes de vie différenciés. Ce dernier point nous intéresse plus particulièrement, présentant le rural comme « un espace de vie, une organisation sociale et de production culturelle pour les personnes qui y résident ou pour d'autres segments sociaux qui recherchent les aménités typiques du rural pour vivre ». Pour atteindre ces objectifs « d'égalité et d'harmonie », le PDBR met en place des dizaines de « directives stratégiques » organisées en quatre thèmes : 1/ potentialisation de la diversité et de la multifonctionnalité des espaces ruraux, 2/ dynamisation économique et durabilité, 3/ qualité de vie avec inclusion sociale et égalité des opportunités, 4/ renforcement de l'État en tant qu'acteur politico-institutionel fort.

Une volonté et une prise de conscience semblent donc présentes au sein même de l'État fédéral vis-à-vis du rural et de la nécessité d'y implanter, par exemple, davantage de programmes de loisirs et de culture. L'axe de l'éducation notamment a été développé, mais sans les autres politiques publiques, la promotion de l'éducation en milieu rural ne bénéfcie pas nécessairement au développement des territoires dans leur ensemble252. Les politiques d'éducations rurales sont dénoncées pour être « sans continuité et élaborées sur un mode hiérarchisé [suivant] les modèles internationaux et les paradigmes de l'éducation urbaine » (Vansuita, 2007). Ainsi, les jeunes rencontrés se sentent majoritairement délaissés par les pouvoirs publics d'abord en tant que ruraux, affrmant que « le

município ici ne fait rien », ou que « les autres institutions elles sont très loin de ce débat »253.

Face aux critiques et pour pallier aux dysfonctionnement de l'État central, il existe une tendance à la décentralisation des politiques publiques de développement rural, en particulier dans le Sud du pays. À travers la gestion du PRONAF par exemple on observe le passage d'un processus de formulation des politiques centralisées (top-down ou exogène) à une intervention plus décentralisée (bottom-up ou endogène)254. L'État de Santa Catarina est particulièrement intéressant en la matière, les politiques publiques rurales y étant passées sur les trente dernières années d'une vision macro et d'une perspective descendante à un développement local et durable (notamment avec le programme Microbacias 1 puis Microbacias 2, rebaptisé SC Rural dans sa troisième

251 CONDRAF, Política de Desenvolvimento do Brasil Rural, 2010, p.6

252 « Il est vrai que les ruraux qui ont accès au savoir ont davantage les conditions pour réféchir à leurs droits et les revendiquer collectivement. Cependant, l'absence ou l'insuffsance d'autres politiques publiques, de combat contre la pauvreté, la garantie des droits, le développement rural, l'amélioration des conditions d'infrastructures comme l'habitat, les écoles, l'assainissement, les routes, le droit au loisir, à la santé, à l'alimentation donnent encore la sensation que dans ces conditions il "manque tout" et on comprend alors la démotivation des populations à s'engager dans des programmes éducatifs qui demandent un investissement personnel et familial. Pour cela il faut insister sur la nécessité d'application de politiques publiques qui répondent aux demandes réelles des populations rurales. » Vansuita Ana Paula, Educação de jovens e adultos do campo : um estudo sobre o PRONERA em Santa

Catarina, Florianópolis, agosto de 2007, p. 113

253 Entretien n°62 : « H: Le município fait des choses pour inciter les jeunes à rester en milieu rural ? D: Ah, pas grand chose... le

município en lui-même ne fait rien, n'incite en rien en fait [...] Le gouvernement de l'État aussi devrait aider en quelque chose parce que... il aide, il fait tellement de chose, et parfois pour l'agriculture, qui est le plus important, il ne fait rien du tout » ; Entretien n° 143, M, 18 ans, CdL : « [Parlant de l'intérêt du syndicat de producteurs] Les autres institutions sont très loin de ce débat, ils n'arrivent même pas à résoudre les problèmes les plus triviaux qu'ils ont. »

254 « Oeste Catarinense : uma região emblematica para estudo da mudança rural » dans Mior Luiz Carlos, Agricultores familiares,

mouture). La centralisation et l'orientation productiviste sont questionnées255 et des tentatives de décentralisations telles que les SDR, Secretaria de Desenvolvimento Regional256 ont été mises en place. Cette évolution vers une dimension territoriale des politiques publiques rurales a notamment été analysée dans Desenvolvimento Territorial Sustentavel no Brasil, ouvrage coordonné par Paulo Vieira, Ademir Cazella, Claire Cerdan et Jean-Paul Carrière (2010).

Depuis l'impeachment d'août 2016 et la crise politique qui s'en suit, les politiques de développement rural ont été énormément bouleversées. La suppression de l'emblématique MDA et sa transformation en un secrétariat dépendant du MAPA, le ministère historiquement chargé de l' « agronégoce », de l'agriculture d'exportation et des grands propriétaires, a été un symbole fort. Elle a eu des répercutions très concrètes sur la baisse de sa capacité à faire avancer la Réforme Agraire, à redistribuer les richesses vers l'espace rural et à donner plus de droits aux travailleurs ruraux. La défnition de l'agriculture familiale par l'État fédéral a elle-même été restreinte par le décret n°9.064, du 31 mai 2017 instaurant le Cadastro da Agricultura Familiar (CAF), mettant en péril l'accès aux politiques publiques pour une large part de la population rurale. Une loi est en discussion permettant le paiement des ouvriers ruraux seulement en nature (hébergement), ce qui est considéré par de nombreux observateurs comme une légalisation du retour à l'esclavage. Les mesures de protection environnementales et des minorités ethniques sont également largement compromises, le lobby « ruralista » souhaitant permettre la vente et l'exploitation du plus de ressources possible. Enfn, la criminalisation des mouvements sociaux ruraux et notamment l'assassinat de plusieurs militants courant 2017, est un signal fort donné en termes d'orientation du rôle de l'État dans les espaces ruraux.

• Politiques de jeunesse rurale

Les liens sociaux des jeunes sont davantage noués aux relations primaires par défaut d’un État-Providence mais cela ne veut pas dire que les Brésiliens peuvent se passer d’un État-Providence. Il y a là une double tâche : parvenir à une socialisation intégrale des jeunes et bâtir une société démocratique.257

Le souci de formuler des politiques publiques pour la jeunesse, est très récent, voire encore dérisoire au Brésil (Novaes, Vannuchi, Ribeiro, 2004. p.19 ; Carneiro, Castro, 2007, p.23). En tant que « sujet de droit et de politiques publiques, le jeune n'a émergé au Brésil que dans les années 1980 »258 et c'est ensuite surtout à partir du premier gouvernement Lula que sont apparues des mesures signifcatives comme la création, en 2005, d’un Secrétariat national de la jeunesse qui vise à élaborer des politiques destinées à la jeunesse et a notamment permis l’institutionnalisation du CONJUVE : Conseil national de la jeunesse composé pour deux tiers de représentants de la société civile (diverses entités, organisations et mouvements sociaux ruraux et urbains) et d'un tiers de représentants du gouvernement.

255 Paulilo Maria Ignez Silveira, Schmidt Wilson, Agricultura e espaço rural em Santa Catarina, Editora da UFSC, 2003, p. 11

256 Vladimir Oganauskas Filho, Descentralização administrativa do Estado de Santa Catarina: caracterização e resultados

(2003-2015), Florianopolis, 2016

257 Correa Sílvio Marcus de Souza, « Brésil : une société des jeunes ? », Conférence à la Chaire Fernand Dumont, INRS – Urbanisation, culture et société, Observatoire Jeunes et Société, novembre 2005

258 Novaes Regina « As juventudes e a luta por direitos », Le Monde Diplomatique, édition Brésilienne n°64, dossier Juventude e politica, novembre 2012, p. 10 à 18

L'évocation de cette mise en place permet d'aborder un aspect central et singulièrement brésilien des politiques publiques des années 2000-2010 : leur co-construction avec les mouvements sociaux et le lien direct de l'obtention de certaines mesures avec la mobilisation de la société civile. Cet aspect est présent également dans d'autres domaines : agroécologie259, souveraineté alimentaire o u encore agriculture familiale260. Ainsi, dans ce cas des politiques de jeunesse « ces initiatives apparaissent dans un contexte d’intenses débats promu par les entités représentatives de la jeunesse urbaine et rurale, autour de questions relatives au rôle des jeunes dans la société, ainsi qu’à leurs droits et revendications »261, s’inscrivant ainsi dans un processus social plus large de construction et de reconnaissance d’un nouvel acteur social.

En termes de jeunesse rurale, ce processus a abouti à des actions mises en place ces dernières années au niveau fédéral : création d'un groupement social Jeunes Ruraux, action conjointe du gouvernement et des organisations syndicales (le gouvernement transfère les ressources à la CONTAG262 qui met en œuvre le programme via ses commissions au niveau des États), programme complémentaire à la réforme agraire intitulé « Nossa Primeira Terra »263 et une ligne d’investissement du PRONAF pour les jeunes « Pronaf-Jovem »264 qui visent à générer des revenus, stimuler l’installation des jeunes dans une exploitation agricole et réduire l’exode rural. Ces mesures souffrent toutes de lourdeurs bureaucratiques où les critères de sélection sont souvent critiqués par les organisations représentant les travailleurs ruraux. Ainsi « Nossa Primeira Terra » a été rebaptisé « notre première dette » par les jeunes du MST. Ces programmes passent souvent par l'intermédiaire des organes d'extensão rural (voir glossaire), Epagri (dans le Santa-Catarina) et Emater (dans le Rio Grande do Sul), qui sont techniquement des entreprises auxquelles sont déléguées des missions publiques, mais considérées par les agriculteurs comme étant la présence de l'État auprès d'eux.

L'Epagri et l'Emater sont effectivement présents auprès des jeunes, les forment, appuient et fnancent parfois leurs projets, comme pour G. (entretien n°81) qui a reçu des conseils (pour l'application de la subvention et la viabilisation légale) et 60.000R$ pour son projet d'agroindustrie (par le Fundo Estadual de Apoio ao Desenvolvimento dos Pequenos Estabelecimentos Rurais - FEAPER, accessible exclusivement avec l'aide de l'Emater). Les extensionistas sont la personne référente la mieux identifée par les jeunes, non seulement pour parler de questions productives mais aussi pour ce qui touche à la vie personnelle et familiale en milieu rural. La formation en alternance « Jovem empreendedor rural » de l'Epagri du Santa-Catarina a aidé plusieurs jeunes que nous avons pu rencontrer. Ils en retirent une expérience très positive, notamment d'un point de vue humain (mais nous avons pris contact avec eux justement via l'Epagri, ce qui a pu biaiser leur discours). L'infuence sur leurs parcours personnels peut être décisive comme en témoignent

259 Voir notre chapitre co-écrit avec Ademir Cazella, Abdon Schmitt Filho, Oscar Rover, Jairo Antonio Bosa, Natal João Magnanti, « Perspectives critiques de l'Agroécologie au Brésil » dans l'ouvrage à paraître en 2017 sous la direction de Bernard Charlery, Fabienne Cavaillé et Micha l Pouzenc aux PUM, La Renaissance rurale d’un siècle à l’autre ?

260 Voir les travaux de Sergio Schneider, Claire Cerdan ou Ademir Cazella à ce propos.

261 Carneiro Maria José Teixeira, « Des politiques publiques pour la jeunesse rurale au Brésil », Grain de Sel, n°38, 2007

262 Commission nationale des jeunes de la confédération nationale des travailleurs agricoles

263 « Notre première terre » apporte un fnancement pour l’acquisition de terres. Il est partie prenante d’un programme national de crédit foncier. Le public cible est constitué de fls d’agriculteurs ou d’étudiants des écoles d’agriculture ou maisons familiales rurales âgés de 18 à 24 ans qui doivent eux-mêmes être organisés en association pour avoir accès au crédit. L’échéance de remboursement est de 17 ans avec des intérêts de 3 à 6%, selon le montant du prêt.

264 Ligne de fnancement pour le développement d’activités agricoles ou d’investissements à la campagne. Elle est orientée vers les jeunes entre 16 et 24 ans qui suivent une école technique agricole ou qui ont un minimum de 100 heures de cours technique ou de stage. La limite de fnancement est de 6 000 Reais (2 200 euros), avec des intérêts de 1% par an.

plusieurs d'entre eux, parlant d'une ouverture d'esprit, de rencontres, de formation de « liderança »265

et de renforcement de leur volonté d'être ruraux et de s'investir dans leur territoire (entretien n°64, M, 19 ans, CdL) :

« CA: On n'a pas beaucoup, mais on réussit à survivre, c'est pour ça que j'ai décidé d'investir dans ma propriété, justement aussi à travers le cours. Être rural, après que j'ai commencé ce cours ça s'est renforcé H: Tu as aimé ce cours de l'Epagri ? CA: Oui, j'ai beaucoup aimé ce cours, et même avant ce cours je ne voyais pas tellement de bénéfces, pas tellement de futur à la ferme, mais après que j'ai commencé ce cours j'ai commencé à avoir de nouvelles idées. Là bas ce sont éclaircis d'autres facteurs c'est ça qui a pas mal aidé [...] Là bas on a beaucoup appris, tout ce qu'on a appris avec les professeurs et aussi avec les autres collègues des autres régions. »

Ce cours, avec des fnancements notamment de la Banque Mondiale et de l'État catarinense, se déroule dans treize centres de formation de la région autour de quatre axes : environnement, partie « sociale », revenus et gestion. Les cours techniques sont adaptés aux profls productifs de chaque région et ils alternent avec des temps sur la propriété familiale. À la fn, les jeunes doivent présenter un « projeto de vida » pour lequel une partie recevra des fonds. Ces projets relèvent généralement de l'aménagement ou de l'investissement dans la ferme pour la production, la conversion ou plus rarement des activités de tourisme rural ou de transformation de la production (entretien n°37). Si la philosophie générale et les modes d'action des Epagri sont souvent critiqués (nous y reviendrons dans la partie sur les limites des politiques publiques), leur force médiatique est indiscutable, ce que nous avons pu constater lors de deux événements publics auxquels nous avons pu assister courant 2014-2015 dans l'État de Santa-Catarina (voir encadré n°4 page suivante).

Mises à part celles développées en direction des jeunes de l'agriculture familiale, les politiques publiques de jeunesse sont absentes de l'espace rural au Brésil et elles sont diffciles d'accès pour les jeunes ruraux car concentrées dans les métropoles (Macedo, 2007). Les politiques adressées directement et réellement accessibles aux jeunes ruraux sont souvent centrées sur le travail et en particulier l'agriculture, ne reconnaissant pas suffsamment un « droit de rester en milieu rural », incluant l'accès à la terre, au crédit, mais aussi à la culture et aux loisirs, des conditions qui « permettent vraiment de choisir entre rester ou partir »266. Ces éléments sont abordés