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Choix conceptuels, épistémologiques et méthodologiques

C. Quels outils et quelle mise en œuvre ?

2/ Arpenter le terrain

« L'Européen ou le Nord-Américain qui débarque au Brésil peut croire possible d'y appliquer les concepts qui ont fait leurs preuves ailleurs, les techniques de recherches auxquelles il est habitué […], alors qu'il faut bâtir là-bas ses propres catégories sociologiques et découvrir de nouvelles méthodes d'appréhension des faits. » Bastide Roger, « Trois Livres sur le Brésil », Revue Française de Science Politique, 1955, p.110

Sans créer de nouvelles méthodes ni prétendre bâtir de nouvelles catégories, c'est en associant plusieurs méthodologies de terrain que nous sommes parvenue à cerner notre problématique, en adaptant chacune aux différentes situations, supports et types d'objets à comprendre. Différentes méthodes scientifques d'observation se sont avérées appropriées pour l’appréhension spécifque des pratiques culturelles et de loisir et le temps long nous a permis de développer la potentialité de notre travail et de son originalité principale : l'étude des recompositions du territoire.

► L'observation

Il existe plusieurs type d'observation dans les sciences humaines et sociales, rendant possible la récolte de données exploitables dans la réfexion. Si l'observation « indirecte » a longtemps primé (questionnaire, entretiens déléguant en fait l'observation à l'enquêté), les méthodes d'observation

directe ont pour but principal de s'assurer de la réalité des pratiques évoquées en entretien et de

résister aux constructions discursives (Arborio, Fournier, 2010, p.8201). Mais il s'agit de faire une « observation armée » consistant en « l'exercice d'une attention soutenue pour considérer un ensemble circonscrit de faits, d'objets, de pratiques dans l'intention d'en tirer des constats permettant de mieux les connaître » (idem). Elle permet, en accédant à ce qui se joue « derrière les discours », de restituer les jeux d'acteurs, la cohérence des comportements, « les rapports au monde que chacun manifeste à travers ses pratiques » (idem). L'observation directe est particulièrement pertinente pour « les comportements qui ne sont pas facilement verbalisés ou qui le sont trop » (idem, p.22), comme les pratiques culturelles et de loisir nous semble être de parfaits cas. Si l'observation des paysages est une pratique de base de la géographie, observer les comportements sociaux n'est pas le propre du sociologue, et ce qui le singularise dans cette activité c'est son intention : « rechercher ce que la pratique doit à l'immersion de son auteur dans le monde social et ce qu'elle nous dit de son fonctionnement » (Arborio, Fournier, 2010, p.47), dans notre cas, ce que la pratique culturelle doit à l'immersion du jeune qui la met en place dans le territoire et ce qu'elle nous dit de ses recompositions.

Le principe de l'observation participante est de s'immerger dans son objet d'étude pour ne plus en être seulement un observateur extérieur mais une partie prenante et intégrante. Pour Alain

Touraine, il s'agit en quelques mots de « la compréhension de l’autre dans le partage d’une condition commune » (Beaud, Weber, 1997). Inventée en 1924 par le sociologue Lindeman, de l’école de Chicago (Kirk et Miller, 1986, p. 76), l'expression d'observation participante indique que « par un séjour prolongé chez ceux auprès de qui il enquête (et par l’apprentissage de la langue locale si celle-ci lui est inconnue), l’anthropologue se frotte en chair et en os à la réalité qu’il entend étudier. Il peut ainsi l’observer, sinon "de l’intérieur" au sens strict, du moins au plus près de ceux qui la vivent, et en interaction permanente avec eux. » (Olivier de Sardan, 1995). À défaut de séjours « prolongés », nous avons tout de même été hébergée chez l'habitant, et donc souvent chez un des jeunes de notre corpus, durant la majorité de nos 45 journées sur le terrain. Nous avons passé des week-ends dans les familles et les communautés nous accueillant, créant de réels liens et devenant, même si trop peu de temps, une réelle observatrice-participante. En prenant des notes au cours de chaque moment de sociabilité et de loisir vécu par les jeunes, en recherchant à « vivre leur vie » quelques jours, nous avons pu recueillir des données riches et uniques accessibles d'aucune autre manière, consignées ou gardées par la propre imprégnation dans notre raisonnement (c'est « la familiarisation de l’anthropologue avec la culture locale, dans sa capacité à décoder, sans à la fn y prêter même attention, les faits et gestes des autres, dans la façon dont il va quasi machinalement interpréter telle ou telle situation […] et cela interviendra très indirectement et inconsciemment, mais très effcacement, dans la façon d’interpréter les données relatives à l’enquête », Olivier de Sardan, 1995).

Nous avons pu jouer un rôle lors de plusieurs moments du travail de terrain, me faisant tour à tour animatrice auprès des jeunes (à Florianopolis ou Abelardo Luz lors du Master 2), public observé des événements culturels (Olimpiadas Rurais, rodeios où notre présence n'est jamais passée inaperçue) ou membre éphémère des communautés (en restant plusieurs jours sur place, logeant chez les agriculteurs et prenant part aux activités des jeunes), m'offrant à chaque fois des « postes d'observations » privilégiés. Parfois, le fait d'avoir été considérée par les adultes pas seulement comme une observatrice distante mais comme une curieuse investie m'a permis de saisir certains témoignages, de prendre part à des activités, d'avoir des contacts et des facilités pour le terrain. J'ai dû me présenter comme neutre face à certains intérêts ou combats sociaux et témoigner le plus de respect possible aux différents jugements exprimés, tout en en gérant le fait qu'une des premières demandes du terrain par rapport au chercheur est justement son propre positionnement sur le sujet. On doit montrer « pâte blanche » (en particulier à la fois à l'intérieur et en dehors des mouvements sociaux) et expliquer que notre rôle est de comprendre les choses, et non de les juger. Il faut également attester de son sérieux, de son intérêt et de sa sincérité afn de « conquérir son maintien sur le terrain » (Arborio, Fournier, 2010) et de pouvoir y revenir à plusieurs reprises. Il faut être attentif à la fois aux risques d'empathie (prendre pour sienne l'analyse des acteurs) et de manipulation (gérer la place que les acteurs nous assignent). Nous avions également à l'esprit les enjeux de méthodes liés au fait de travailler sur le Brésil : question de la « transférabilité » des idées venues de l'extérieur, de la négociation due aux conditions de travail de terrain, différences culturelles202.

Du point de vue des jeunes, avoir été saisie tour à tour, selon les situations et les terrains soit comme l'une des leurs (jeune et rurale), soit comme membre de l'équipe d'un projet (pour les Pontos

202Voir Brochier Christophe, « Quelques remarques sur les enjeux de méthode dans la recherche sociologique sur le Brésil », dans Leturcq Guillaume, Louault Frédéric, Schneider Marques Teresa Cristina, Le Brésil : un laboratoire pour les sciences sociales, L'Harmattan, 2013, p.15-16

de Cultura par exemple) m'a aidée à mieux accéder à leur parole, à pouvoir les observer sans qu'ils modifent trop leur comportement et à comprendre leurs avis sur mes problématiques sans leur poser, dans un premier temps, de questions directes et formelles avec une posture de chercheuse. De ce fait, être présentée sur le terrain en temps qu' « amie d'untel », « companheira », « collègue » de tel acteur ou jeune connu sur le terrain a pu être un avantage conséquent, renforcé par le fait d'être moi-même « jeune » et de pouvoir être considérée comme pair (Arborio, Fournier, 2010, p.36).

Au cours de l'intégralité de nos recherches, sur le terrain ou non, nous sommes accompagnée, outre l'appareil photo (voir Portfolio sur l'usage de la photographie dans notre travail) et le dictaphone indispensables, de cahiers de recherche, centraux dans le développement de notre réfexion. Le carnet de terrain est un outil central de la démarche ethnosociologique, par la posture qu'il donne au chercheur en observation participante (pour justifer sa présence ou son retrait) et parce qu'il participe de l'organisation et conservation des observations faites, « c’est le lieu où s’opère la conversion de l’observation participante en données ultérieurement traitables » (Olivier de Sardan, 1995). Dans notre cas, son association avec la prise de note permanente sur des lectures, événements scientifques, cours, voyages, en fait une pierre angulaire du propre raisonnement, relu à chaque occasion pour optimiser notamment les séjours sur les trois terrains distinctifs. Ces données permettent ensuite dans le travail de donner corps et chair aux pratiques observées, de faire apparaître le « degré de vitalité de l'acte » (Malinowski, 1922).

Le temps long des quatre années de présence entrecoupée au Brésil (depuis le Master 2 en 2012 à la fn de notre séjour à l'UFSC en 2016) permet d'intégrer aux classiques séjours de terrain d'autres éléments d'observation-participation et des opportunités originales qui ont aussi fait partie prenante de notre compréhension des problématiques abordées dans cette recherche :

- suivre des cours à l'Université brésilienne (UFSC et UFFS) : choisis par affnité avec mon sujet de recherche (Sociologie de la jeunesse, Géographie Rurale, Géographie du Santa Catarina, Socio-économie rurale lors du Master 2 et Agriculture et Ruralités en doctorat), et liés à la réalisation du doctorat en co-tutelle (cursus complet du PGA Agroécosystèmes).

- participer à des stages de terrain et réaliser des voyages hors-terrains : les activités de terrain organisées par l'UFSC (lectures de paysage dans le périurbain de Florianopolis, semaine autour du géotourisme rural dans le Parana avec des doctorants en géographie, semaine sur la formation socio-spatiale du Santa Catarina) ainsi que des voyages réalisés personnellement dans d'autres milieux ruraux du pays (États du Mato Grosso do Sul, du Minas Gerais et de Rio de Janeiro principalement) permettent l'appréhension de la diversité des situations au Brésil (malgré une méconnaissance totale du Nord et Nordeste).

- participer à des équipes de travail : nous avons pu au fl des terrains participer à des réunions de travail (avec les chercheurs de l'Epagri à Chapeco ou les Pontos de Cultura du Santa Catarina par exemple) et surtout intégrer des équipes de recherche comme le LAF ou le LEMATE du PGA, participant ainsi à la mise en place de projets de recherche (par exemple le projet FAPESC Études des initiatives de décentralisation des politiques publiques de développement rural dans la Santa Catarina) et de divulgation de la recherche (réalisation d'un cours sur l'agroécologie au Brésil pour

l'école d'agronomie AgroSup Bordeaux en décembre 2015). Nous avons également pris part à un diagnostic participatif réalisé par l'UFSC dans les municípios d'Anita Garibaldi et Cerro Negro en novembre 2015 et février 2016.

- réaliser des interventions et publications à propos de nos travaux pour participer au débat académique. Elles nous ont également aidée à formuler et défendre nos hypothèses de travail (voir liste dans annexe n°3).

- utiliser un compte sur un réseau social : la création d'un compte professionnel sur un réseau social très utilisé par les acteurs rencontrés a été portée initialement par la volonté de récolter des informations souvent révélatrices sur les pratiques culturelles, tout en gardant à l'esprit le prisme inhérent à ce genre de support. Le partage de mes travaux et ceux d'autres chercheurs ayant trait à la géographie rurale à la fois avec les acteurs de terrains, les jeunes et des collègues académiques, nous a également motivée, dans une dynamique de restitution. Ce compte s'est enfn révélé très utile pour garder contact avec mes informateurs et notamment recueillir leurs témoignages sur la crise politique et l'évolution de projets que nous avions pu évoquer sur place.

S'il est diffcile de « mesurer le rendement informatif d'un temps de terrain supplémentaire » et le « risque de diluer le projet d'analyse dans l'infnie particularité d'une situation observée » (Arborio, Fournier, 2010, p.43), nous avons stoppé le recueil d'information sur le terrain en février 2016. Nous avons ainsi réalisé durant l'année brésilienne de co-tutelle 10 séjours de terrain, 45 jours au total (environ 15 sur chaque territoire), au cours desquels nous avons mené plus d'une centaine d'entretiens, s'ajoutant aux 70 menés en Master 2. Un tableau présente en annexe les dates, lieux et durées de nos activités de terrain ainsi que les noms et fonctions des personnes rencontrées (voir annexe n°4). Il est ici synthétisé dans une cartographie récapitulative des entretiens, par type d'acteur et lieux :

► La poursuite du sens

« Le géographe a pour lui sa sensibilité propre, son savoir-faire qui est avant tout d'ailleurs un précieux, un irremplaçable savoir-voir. » Rochefort cité par Kayser, 1990

Le contact avec le terrain et ses problématiques n'est possible qu'avec l'enquête de terrain qui est pour Bernard Kayser un « aller-retour permanent entre matériau, recueil d'informations et idées, élaborations hypothèses : c'est la poursuite du sens » (2008). Il existe des méthodes propres au monde rural et même à l'étude de la culture en milieu rural, en effet Claire Delfosse, écrit par exemple que : « L'importance accordée à l’enquête de terrain est liée à la géographie et en particulier à la géographie rurale. La "collecte" des dires d’acteurs permet de considérer la culture dans toutes ses dimensions, alors que, dans des documents à caractère statistique et de type technique, elle n’est envisagée que sous un angle, voire absente. »203. Nous avons donc pris le parti d'arpenter nos trois terrains. D'un point de vue logistique et pratique, traverser des États comme le Santa Catarina et le Rio Grande do Sul, et nos trois territoires si distants les uns des autres à l'aide d'un système de bus qui est une institution au Brésil204, fut une occasion importante de ressentir les distances et la précarité des voies de communication qui sont un trait important du profl de notre terrain.

Parfois sans voiture, ce n'est qu'avec le jeito205 très brésilien que l'on arrive à destination, en bus ou en carona206 et que l'on y reste, chez l'habitant ou ses amis, partageant alors le quotidien de ces jeunes que nous étions venu interroger. Nous avons chaque fois été accueillie avec la plus grande hospitalité, permettant de très nombreux contacts et une véritable imprégnation de ce terrain si varié. Manger des grattons (torresmo) au petit déjeuner n'est pas toujours facile, et j'ai sans doute par cette option de la proximité été parfois moins libre dans le choix des lieux de chute et des entretiens menés, mais ce terrain singulier m'a permis d'aller dans des lieux auxquels je n'aurais pas forcément pensé et d'interroger des acteurs auxquels je n'aurais pas eu accès autrement. Le temps long sur place donne la possibilité « aux informations d'arriver au gré des développements de l'activité observée », ce qui est utile afn de « ne pas tenir pour ordinaire ce qui n'est peut être qu’exceptionnel » (Arborio, Fournier, 2010, p.33). Être présente, dans des moments de fête mais aussi de travail, de repas en famille, de repos, de préparation des repas, a permis une assimilation de notre présence et un accès aux « expériences intimes » . Dans la préface à l'ouvrage de Nicolas Renahy Les gars du coin207, Stéphane Beaud et Michel Pialoux encouragent ce « mode de présence intensif sur le terrain » : « Cette proximité est une arme précieuse pour comprendre les pratiques sociales [...] elle donne l'impression de livrer accès aux pratiques à la fois les plus banales et les plus cachées mais souvent les plus décisives pour dépasser la "façade" qu'aiment à offrir d'eux-mêmes les enquêtés […] Il s'agit de montrer en quoi cette proximité a permis à l'ethnographe de travailler sur ce qui est peut être le plus diffcile dans le travail sociologique : comprendre et rendre raison de l'expérience intime des agents sociaux. » Ils ajoutent en note que si « ce type d'enquête se verra toujours reprocher sa faible représentativité […] nous considérons que c'est parce que l'auteur entre à fond dans la singularité de la trajectoire de ses copains, qu'il "fouille" scrupuleusement cette singularité qu'il peut arriver 203 Delfosse Claire, 2003, Géographie rurale, culture et patrimoine, HDR, Université de Lille I : Troisième partie.

204 tant il résiste par les divers lobbies à l'évidente nécessité de la mise en place d'un réseau plus sûr et effcace (le mot « train » renvoyait souvent nos interlocuteurs à une vision d'un siècle passé ou d'un rêve de mobilité fuide inatteignable).

205 Littéralement « manière, façon », sorte de système D et de talent à toujours arranger les choses à son avantage.

206 Mélange du covoiturage et du stop européens, système de solidarité dans les déplacements qui constitue un des modes de déplacement privilégié pour tous les ruraux .

207 Renahy Nicolas, Les gars du coin, 2005 p. 10.

à des conclusions très générales, parfaitement valides sur le plan scientifque ».

Nous nous sommes, comme l'écrit et l'analyse Malinowski « rendu coupable de manquements à l'étiquette » (1922), et porter une alliance a par exemple pu s'avérer nécessaire (sur les conseils d'une ethnologue), afn de ne pas provoquer de situations compromettantes208. Nous avons compris que boire le chimarrão209 presque systématiquement proposé, est une façon de se faire accepter aussi importante que d'apprendre la langue et d'employer certains régionalismes. Le travail sur le temps libre et les pratiques culturelles appelle d'autant plus au contact réel et au partage de moments en communauté puisque de nombreux moments anodins pour nos interlocuteurs sont en vérité scientifquement signifcatifs (Malinowski, 1922)210. Si on ne se laisse pas surprendre et emporter par ce que le terrain propose, on peut risquer de passer à côté de certaines problématiques réelles, même si cela rend d'autant plus diffcile la sélection parmi la quantité d'informations recueillies. Mais on ne peut nier la diffculté à franchir certaines frontières qu'on ne parvient (partiellement) à dépasser qu'avec une « persévérance courtoise et une méthode dont le point de départ est d'établir des liens de respect mutuel de long terme et qui permet d'avoir accès aux sujets intimes et personnels » (Arborio, Fournier, 2010, p.22).

Au-delà d'une option dans la réalisation d'un terrain de recherche, la richesse d'une expatriation temporaire dans une formation de Géographie constitue aussi un réel apprentissage du ressenti de l'espace et du territoire. Il est impossible, et heureusement peut-être, d'aborder un terrain en pays étranger, en particulier de l'hémisphère Sud, si occidentalisé soit-il, comme on aborde un terrain français, en tant que Français. Nous n'avions aucun lien familial avec le Brésil et c'est presque « par hasard » que notre travail de recherche s'y est ancré. S'expatrier est une expérience tout à fait singulière, qui ne peut aboutir qu'à une manière de travailler nouvelle, en particulier pour le géographe à qui cela peut permettre d'aborder avec un œil neuf les problématiques spatiales, territoriales et humaines qui le préoccupent. Au cours des cinq dernières années (le premier voyage a eu lieu en janvier 2012), nous avons réalisé quatre séjours au Brésil, 24 mois au total. Le Brésil, pour une amatrice de géographie, c'est d'abord a priori la terre des explorateurs, des bandeiros à Levi-Strauss en passant par Saint-Hilaire, et nous ne connaissions rien du Brésil avant d'y arriver, ni même du continent américain, même si les voyages, y compris dans des sociétés différentes des nôtres, nous constituent depuis longtemps. Mais l'expatriation n'est pas de l'ordre du simple voyage et contient l'obligation de devoir s'intégrer un tant soit peu. Il a fallu intégrer la langue, et beaucoup d'autres vecteurs d'identifcation et de sociabilité, l'appropriation des lieux se faisant aussi. Il est permis de vivre ainsi (presque) comme tout un chacun et on peut enfn commencer à comprendre l'espace nouveau où l'on se trouve et avec lui, les personnes qui l'habitent. Appréhender ce territoire comme un espace de vie et non comme un lieu de voyage, a sans doute été nécessaire à l'étude des habitants et des dynamiques qui s'y produisent. L'usage de la langue portugaise, avec ses nuances locales notamment rurales, et l'apprentissage des codes sociaux ont été indispensables au recueil de

208 Sur les stratégies des femmes chercheuses sud-brésiliennes pour réaliser leurs travaux de terrains voir : Bonetti Alinne, Fleischer Soraya, Entre saias justas e jogos de cintura. Experiencias de trabalho de campo de jovens antropologas brasileiras, Florianopolis :