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2. Le contenu

2.2. Le paratexte

2.2.1. Préfaces et manifestes littéraires

Nous avons introduit dans cette rubrique l’ensemble des préfaces du théâtre des Goncourt, disponibles dans les différentes éditions :

2.2.1.1. Histoire de la Pièce

Il s’agit du texte daté du 12 décembre 1865. Il sert de préface à Henriette

Maré-chal dans sa seconde édition parue quelques jours après la première (1866). Dans cette

préface, les Goncourt expliquent la genèse de la mise en scène de cette pièce et ce qui s’est passé lors et après la première. Par une série de documents et de témoignages, ils visent à prouver que leur œuvre est victime d'une série de préjugés et de calomnies. Ils écrivent:

« Qu’y a-t-il maintenant au fond de toutes ces colères, au fond de toutes ces pas-sions ennemies et jalousie ?

il y a trois questions : La question littéraire ; La question politique ;

La question personnelle, - ou plutôt la question sociale. »2

1 GENETTE (1982), op. cit. p. 10.

2

2.2.1.2. Préface à Henriette Maréchal de 1885

Dans cette préface datée du 15 mars 1885, Edmond de Goncourt revient sur les différents éléments de sa première préface (Histoire de la Pièce) pour les éclaircir ou les rectifier. Il reprend par ailleurs les reproches de la critique en montrant l’injustice qu’ont subi les deux jeunes dramaturges « débutant au théâtre, et désireux d’être joués » :

« (…) nous avions essayé de faire une pièce jouable, une pièce cherchée parmi les combinaisons théâtrales ordinaires, trouvant déjà assez brave d’avoir risqué l’acte du Bal masqué, et d’un esprit original, avant que cet esprit fût devenu l’esprit de tout le monde, avant qu’il eût servi, tout un hiver, aux engueulements des bals de l’Opéra de la rue Le Peletier. »1

2.2.1.3. La Préface au Théâtre

Ce texte est écrit par Edmond le 11 mai 1879 pour servir de préface à l’édition du théâtre des Goncourt chez Charpentier (édition regroupée de Henriette Maréchal et de La Patrie en Danger). Edmond de Goncourt yraconte l’aventure que son frère et lui ont eu avec le théâtre. Il établit une chronologie où figurent projets avortés et pièces brûlées. On comprendra donc toute l’importance de ce document dans lequel il analyse les raisons de leur échec au théâtre. Après avoir affirmé que La Patrie en danger était « incontestablement la meilleure pièce qu[’ils ont] faite, et [qu’elle] a cela, qu[il] ne

trouve nulle part, dans aucun drame du passé : une documentation historique qui n’a pas encore été tentée au théâtre. »2, Edmond de Goncourt justifie leur échec au théâtre par leur acharnement à utiliser dans la peinture du réel un mode d’expression qui ne s’y prête pas.

Le mot de la fin résume le mieux l’esprit de ce texte: «Dans cinquante ans, le

livre aura tué le théâtre»3.

Cette préface a par ailleurs une portée théorique. Edmond, en décidant de réédi-ter en un seul volume, deux œuvres dramatiques, se revendique (entre autres pour

1 Idem, p.106

2 Idem, p.133

3

trer Zola qui prend la place de leader des Naturalistes) comme théoricien du nouveau théâtre.

2.2.1.4. Préface de la première édition de la Patrie en danger

Cette préface parue lors de la première édition (Dentu, 1873) est reprise dans l’édition du THEATRE. Elle est signée par Edmond et sert à introduire une œuvre qu'il a écrite avec son frère. Il précise que contrairement aux représentations (dictées par dif-férentes censures) :

« la pièce ici imprimée, je la donne, telle qu’elle a été écrite par mon frère et moi, telle qu’elle a été lue par mon frère au comité de la Comédie- Française, le 7 mars 1868, je la donne sans changer un mot »1

Puis, d’un ton mélancolique et pessimiste, il déclare son désespoir d’être applau-di par un public qui manque de goût ou d’être accepté par une censure encore trop fer-mée à l’ouverture d’esprit que nécessite la compréhension de son œuvre. Il finit par écrire: « obligé de reconnaître que le brutal aphorisme a du vrai pour aujourd’hui

comme il en avait pour hier, et que la République n’a pas encore beaucoup fait pour la régénération du goût public, je me résigne, à peu près de la même manière que je me suicide, à imprimer cette pièce, un peu consolé cependant par un pressentiment vague, qui me dit qu’un jour, un jour que nous devons tous espérer, cette œuvre mort-née sera peut-être jugée digne d’être la voix avec laquelle un théâtre national fouettera le patrio-tisme à la France »2.

2.2.1.5. Préface à Germinie Lacerteux

Cette préface datée de 1888 est postérieure à la publication du THÉÂTRE. Ed-mond y revient sur quelques détails en soulignant qu’avec l’âge et l’exercice, il a pu modifier ses réflexions sur le théâtre. Deux changements majeurs sont signalés : d’une part, il accepte d’effectuer avec l’aide de Porel une adaptation de son œuvre roma-nesque, pratique qu’il s'est auparavant refusé puisque toute son œuvre théâtrale anté-rieure était originale. « Le théâtre que j’ai jusqu’à présent fait, je ne l’ai pas tiré de mes

1 Op.cit., p.115

2

livres (...) entre nous, je trouve cette double mouture médiocre. »1. Entreprise difficile qu’il pourra mener à terme grâce à -pense-t-il - une innovation technique : le tableau remplaçant l’acte.

Ce procédé lui permet de revenir sur l’une des anciennes affirmations des deux frères : l’impossibilité de reproduire la réalité sur scène, tentative qu’il pense pouvoir réaliser grâce à cette technique shakespearienne. Ceci lui permettrait de donner «un

morceau de l’action dans toute sa brièveté : fût-il composé de trois scènes, de deux scènes, même d’une seule et unique scène ».2

Cette préface a donc le mérite de montrer cette approche réfléchie que permet (et nécessite) la préface par rapport à d’autres types d’écrit (principalement le Journal et la

Correspondance).

2.2.1.6. Deuxième préface de Germinie Lacerteux

Ce document est annexé à la Préface de Germinie Lacerteux dès sa seconde édi-tion. Il s’agit du rapport du comité de censure publié par Edmond dans la presse3

et cen-sé montrer au lecteur l’injustice des censures dont il serait victime. Il s’agit là d’un do-cument de portée historique qui permet de voir les critères de la censure et des conve-nances de l’époque.

2.2.1.7. La Préface de Manette Salomon

Cette préfaces’attarde sur la critique qu’a suscité la pièce de la part des Israé-lites. Comme dans la préface d’Henriette Maréchal et dans le Journal, Edmond consi-dère que la critique n’est pas fiable puisque dictée -cette fois-ci- par les Juifs au pou-voir. Il cite une interview qu’il a donnée à Gaston MARY dans la Libre Parole, dans laquelle il justifie sa haine pour les Juifs : « non qu’en tant d’individus mais en tant que

race. » Il ajoute « j’ai lieu de croire que ma pièce n’aurait pas été trouvée par une par-tie de la critique, tellement mal faite, tellement dénudée de toute composition, tellement

1 Préface à Germinie Lacerteux (1888)

2 Idem.

3

ennuyeuse, _ ennuyeuse, cette pièce où tout le temps le jeu de Galipaux amène le rire, si la pièce n’était pas une pièce antisémique»1

.

Cette préface met en avant le caractère antisémite de l’œuvre. Les différents autres thèmes qui constituaient la charpente du roman y sont quasiment absents. C’est comme si Edmond de Goncourt cherchait à confirmer que l’art dramatique, art forcé-ment mineure, ne pouvait dire qu’une seule chose à la fois.