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2. Édition et informatique

2.1. Quelques repères historiques

2.1.2. Histoire de l’hypertexte

2.1.2. Histoire de l’hypertexte.

2.1.2.1. Naissance de l'hypertexte.

Mais l’hypertexte tel qu’on le connaît aujourd’hui est une notion récente. Trois noms ont marqué la naissance de la notion : Vannevar Bush, Douglas Engelbert et Ted Nelson.

Le premier est le concepteur «virtuel » d’un projet MEMEX (Memory Exten-der_ extenseur de mémoire) qui n’a jamais vu le jour faute de moyens techniques. En 1945, Vannevar Bush a publié dans The Afantic monthly un article intitulé : « As We May Think »_ selon notre manière de penser_ où il imagine une sorte de grande «biblio-thèque personnelle mécanisée » qui aurait pour vertu principale la possibilité de stocker une multitude d’informations en y garantissant un accès rapide et souple. Il s’agit à la fois d’une base de données et d’un logiciel, d’une « mémoire dans laquelle sont stockés les divers éléments d’information et [d’un] mécanisme qui permet d’y accéder »2

. La

technique d’indexation est ce qui rapproche le plus MEMEX des hypertextes ultérieurs. En effet, jusqu’à cette date, l’indexation était faite uniquement par ordre alphabétique sans possibilité de créer soi-même des chemins d’accès personnels. Grâce à Buch, la machine est devenu le partenaire de l’homme dans la lecture des données été leur rap-prochement.

Douglas Engelbert a eu lui aussi un rôle important dans la création de la notion d’hypertexte. Sur le plan technique, c’est dans les laboratoires qu’il dirigeait dans les années soixante qu’a été inventée la souris, qu’ont été manipulés, les premiers multife-nêtrages d’écrans et qu’ont été créés les moyens graphiques de présenter les idées et les liens associatifs entre les données.

1

BALPE, LELU et SALEH (éditeurs), Hypertextes et hypermédia : réalisations, outils, méthodes, Paris, Hermes, actes de la conférence « Hypertextes et hypermédias », 11-12 mai 1995, coll. « Techniques de l’information », 1995.

2 Roger LAUFER et Domenico SCAVETTA, Texte, hypertexte, hypermédia, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1992. p. 40.

Engelbert est, par ailleurs, le concepteur du projet AUGMENT ; en 1963, il pu-blia un article intitulé « A Conceptual Framework for the Augmentation of Man’s Intel-lect » _ un cadre exceptionnel pour l’accroissement de l’intelIntel-lect humain_ où il propose un « dispositif expérimental destiné aux chercheurs pour l’archivage de leurs articles, essais et rapports, dans une espèce de revue, que tous pouvaient lire et compléter par des références croisées entre les documents.»1 : le NLS (oN Line System, système en ligne).

Engelbert a donc joué un double rôle : d’une part, dans le développement d’interfaces conviviales, ce qui a permis de rompre avec les anciens ordinateurs qui res-semblaient plus à des machines à calculer, et d’autre part, dans le lancement d’un projet qui n’est certes pas un hypertexte mais qui en a les caractéristiques et principalement les notions de « filtres de point de vue » et de banque de données non linéaires.

Ted Nelson est considéré comme le père de l’hypertexte ; c’est lui qui a lancé le mot pour la première fois en 1965. Il en donne d’ailleurs une définition qui, loin d’être savante, a l’avantage de cerner clairement le besoin qui l’a poussé à cette découverte : « Par hypertexte, j’entends simplement l’écriture non séquentielle. »

Je cherchais un moyen de créer sans contrainte un document à partir d’un vaste ensemble d’idées de tous types, non structurées, non séquentielles, exprimées sur des supports aussi divers qu’un film, une bande magnétique ou un morceau de pa-pier. Par exemple, je voulais pouvoir écrire un paragraphe présentant des portes derrière chacune desquelles un lecteur puisse découvrir encore beaucoup d’informations qui n’apparaissent pas immédiatement à la lecture de ce para-graphe.2.

Il imagine un projet ambitieux XANADU3 ; il s’agit à la fois d’une base de don-nées gigantesque qui devait regrouper tous les textes publiés, dans laquelle le lecteur puiserait les éléments de sa bibliothèque personnelle, et d’un « programme pilote à l’occasion duquel les principaux composants de la technologie de l’hypertexte ont été

1

LAUFER et SCAVETTA, op cit., p. 41.

2 BARITAULT (A.), Xanadu, Science et Vie Micro, novembre 1990, p. 190-193, cité par LAUFER et SCAVETTA, op.cit.

3 Dans une interview accordée au journal Le Monde daté du 31 mars 1996, T. Nelson précise: "C'était le nom de l'un des palais de l'empereur mongol Ku Blai Khan, près de Pékin. Dans l'une de ses œuvres, le poète anglais Samuel Coleridge se sert du nom Xanadu pour en faire le symbole de la créativité et de l'inspiration romantique. Mais Coleridge dit aussi qu'il a oublié une partie de l'histoire. Xanadu devient donc le symbole du conflit entre l'esprit de l'artiste et les problèmes apportés par le monde extérieur, qui lui font oublier son œuvre. Pour moi, Xanadu est le lieu par excellence de la création artistique et le pa-lais magique de la mémoire, où plus rien n'est jamais oublié"

créés et testés »1. Ce logiciel permettrait au lecteur d’intégrer à sa base de nouveaux textes et liens. La base serait donc ouverte aux enrichissements mais conserverait sa «charpente initiale » qui lui permettrait d’être utilisée par de nouveaux usagers.

On peut considérer qu’entre 1945 et 1965, ont été exposés les grands principes de l’hypertexte. Les avancées ultérieures seraient d’ordre purement technique. Le projet XANADU a donné naissance à des mini-projets (bien que gigantesques eux-mêmes) dont FRANTEXT ou GALLICA constituent les exemples flamboyants en littérature française.

Ce n’est par ailleurs que grâce au logiciel HYPERCARD (fourni gratuitement par Apple avec tout ordinateur Macintosh depuis 1987) que la notion d’hypertexte se popularise. Les tentatives antérieures étaient limitées aux laboratoires de recherche et aux applications sécuritaires.

2.1.2.2. Le domaine français

En France, nous pouvons considérer que la vidéographie, utilisée en MINITEL, constitue dans les foyers la préfiguration de l’hypertexte. LAUFER et SCAVETTA no-tent : « Le minitel est plus et moins qu’un hypermédia : futuriste par sa diffusion, fruste par ses limites techniques »2 : l’écran exigu (il n’y a que 24 lignes utilisables) et la qua-lité médiocre de l’affichage (beaucoup moins bonne que celle d’un écran d’ordinateur ou même d’une page correctement imprimée) en limitent l’usage. Le minitel offre néanmoins une grande partie des principes de l’hypermédia.

2.1.2.3. Hypertexte et Internet

En revanche, ce n’est qu’avec l’arrivée d’Internet qu’un sursaut qualitatif et quantitatif a été réalisé. En effet :

Sur le plan quantitatif, il ne s’agit plus de naviguer entre des textes stockés sur un support unique mais en réseau entre différentes bases de données de types différents.

1 Alain GIFFARD, « Petites Introductions à l’hypertexte », in Banques de données et hypertextes pour

l’étude du roman, Nathalie FERRAND éd., PUF, coll. « écritures électroniques », 1997, p.99-117.

2

Imaginons ce que peut être l’enrichissement atteint grâce à une circulation entre diffé-rentes bases de données bibliographiques, donnant accès à des banques de textes, un réseau de dictionnaires et d’encyclopédies en ligne et une liste de sites et d’adresses électroniques concernant un sujet donné : la ville de Paris, par exemple. Internet permet de dépasser la frontière spatiale (dans le sens d’espace de stockage et de distances entre usagers).

Sur le plan qualitatif, la circulation de documents en ligne a nécessité un mini-mum de normalisation. L’uniformisation des formats n’est pas complètement acquise, mais des raisons principalement commerciales ont imposé le HTML comme format quasi universel de transmission de données sur la toile. Ceci est un pas important dans la construction « virtuelle » d’une base de données universelle. Sur le plan littéraire, par exemple, l’uniformisation des règles de saisie et de balisage des textes faciliterait consi-dérablement tout traitement lexicométrique.