• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Reconnaissance de la complémentarité des instruments de l’action

1.2. Le PPRNI : un dispositif spécifique à la prévention des risques naturels

1.2.2. Le PPRNI : Passage d’un objectif de moyens à un objectif de résultats ?

Dès l’instauration du dispositif, une enquête est menée auprès des préfets afin d’identifier les communes susceptibles de nécessiter la mise en œuvre d’un PER (Bourrelier, 1997). Cette enquête aurait permis de recenser environ 12.800 communes dont 7.500 pour le risque inondation, dont 940 jugées prioritaires, 3.500 pour les mouvements de terrain, 1.300 pour les séismes et 360 pour les avalanches. L’Etat prévoit alors de les couvrir dans un délai de 10 à 15 ans et les moyens financiers nécessaires pour y parvenir sont estimés à 800 MF. Dans un premier temps, 634 communes sont retenues dans le cadre d’une phase expérimentale de mise en œuvre des PER, prévue pour être conduite jusqu’en 1988. Parmi ces communes, celles où des études techniques préexistaient sont traitées en priorité. Elles sont au nombre de 169 et sont réparties sur 15 départements. L’enquête réalisée en 1982 est actualisée au cours de l’année 1989 avec le souci d’opérer une programmation par bassin de risque. Selon le rapport du Délégué aux risques majeurs de 1988-1990, le nombre de communes concernées par les risques naturels et devant bénéficier d’un PER passe de 12.800 à 15.000. Pour le risque inondation, ce chiffre passe de 7.500 à 9.400. La phase d’élaboration de la loi du 2 février 1995 avec la préparation du passage du PER au PPR, est l’occasion pour l’Etat de fixer de nouveaux objectifs opérationnels.

Il affiche plus clairement la priorité donnée aux territoires pour lesquels il existe un risque pour les personnes et invite les départements à établir une liste hiérarchisée de ces communes. De nouveaux chiffres portant sur les réalisations attendues pour les PPR sont annoncés. Il s’agit désormais d’élaborer 2.000 PPR pour l'an 2000 (Ledoux, 2009). Au début des années 2000, le ministère de l’écologie et du développement durable affiche un nouvel objectif opérationnel : celui de « doter d’un PPR en 2005 les 5000 communes les plus exposées à un risque naturel (3600 d’ici fin 2002) ».

L’objectif est désormais « d’atteindre en 2013 le nombre de 12 500 communes dotées d’un PPRN approuvé. Les moyens financiers qui y sont consacrés ont été portés de 3.8 M€ en 1997 à 13 M€ en 2009 » (MEEDDM, 2010).

Pour atteindre ces différents objectifs quantitatifs des moyens financiers supplémentaires ont été mobilisés. L’utilisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)14, a été ouverte par l’article 55 de la loi de finances rectificative pour 1999 du

30 décembre 1999. Cette contribution a, par la suite, été élargie15 pour permettre, à

compter du 1er janvier 2009 et jusqu’au 31 décembre 2013, la prise en charge de trois quarts des dépenses nécessaires à la préparation et à l’élaboration des plans de prévention, conjointement avec les actions d’information préventive sur les risques majeurs, dans la limite de 20 millions d’euros par an.

Outre les moyens financiers supplémentaires accordés, une nouvelle mesure est prise pour favoriser le développement des PPRN. Suite aux arrêtés du 5 septembre 2000, une modulation de la franchise a été mise en place. Elle s’applique « à toute mise en jeu de la garantie d’assurance des catastrophes naturelles résultant d’un arrêté catnat portant constatation de l’état de catastrophe naturelle publié au Journal Officiel après le 1er

janvier 2001 ».

En l’absence de PPRN prescrit, les assurés situés dans une commune ayant bénéficié de plus de 2 constatations, par arrêté interministériel (un arrêté peut contenir plusieurs constatations), de l’état de catastrophe naturelle pour un même risque en 5 ans, se voient appliquée une augmentation de leur franchise d’assurance dommage aux biens. Cette modulation est suspendue dès la prescription d’un PPRN pour le type de risque concerné. Dans le cas où le PPRN est prescrit depuis plus de quatre ans, sans avoir été approuvé, la modulation de franchise s’applique à nouveau.

Le niveau de modulation de la franchise varie en fonction du nombre de constatations, par arrêté interministériel, de l’état de catastrophe naturelle dans une même commune pour un même péril au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation :

- premier et second arrêtés portant constatation de l’état de catastrophe naturelle pris pour le même risque : application de la franchise,

- troisième arrêté pris pour le même risque : doublement de la franchise,

- quatrième arrêté pris pour le même risque : triplement de la franchise,

- cinquième arrêté et arrêtés suivants pris pour le même risque : quadruplement de la

franchise.

14

Alimenté par un prélèvement à hauteur de 12 %, aujourd’hui, sur la surprime dédiée à l’extension de couverture d’assurance

15

Article 136 de la loi de finance pour 2006, modifié dans sa partie I par l’article 154 de la loi de finances pour 2009.

Dans le prolongement de cette mesure, une circulaire16 adressée aux préfets le 24

novembre 2000, insiste sur la nécessité de « prendre toutes les dispositions permettant de développer les mesures de prévention dans [leur] département en appelant tout particulièrement [leur] attention sur les conséquences financières que l’application des arrêtés du 5 septembre 2000 ne manquera pas d’entraîner après le 1er janvier 2001 vis à vis des sinistrés, en l’absence de mise en œuvre des dispositions nécessaires ». Il peut être également noté qu’à ce jour, les pouvoirs publics ne peuvent plus guère compter sur la modulation de franchise, pour inciter les communes à la prescription ou l’approbation des PPRNI, car seulement environ 400 d’entres elles sont encore actuellement sous la

« menace » de modulation de franchise17. Les catastrophes jouent également un rôle non

négligeable dans l’activation de la programmation des PPRN. Ainsi en 2004, une circulaire18 spécifique est adressée aux préfets de régions touchés par de récents

événements (évènements de 1999, 2002 et 2003). Elle stipule que « les zones où existe un risque sérieux doivent obligatoirement être couvertes par un PPRN, en priorité là où la vie humaine est menacée. » Cette circulaire précise également que des PPRN doivent être élaborés « sur les territoires couverts par les anciennes procédures qui les ont précédés : plans de surfaces submersibles ou périmètres au titre de l'ancien article R.111-3 du code de l'urbanisme » et que ces nouvelles procédures doivent être conduites « dans des délais rapides compte tenu de l'antériorité de la connaissance ».

En 2006, à l’occasion d’un colloque intitulé « 10 ans de PPR, quelles perspectives pour la prise en compte des risques naturels dans l’aménagement ? », le Sous-directeur de la prévention des pollutions et des risques, annonce que le nombre visé de 5000 PPR en 2005 a été atteint (Ledoux, 2009).

Au-delà des différents affichages d’objectifs quantitatifs globaux, il ne semble pas exister de plan de production établi à l’échelle nationale permettant de dégager une logique claire et transparente de priorisation des PPRN à l’échelle locale. La planification par les préfectures de région ou de département ne semble pas non plus avoir été une pratique systématique. A titre d’illustration, parmi les différents comportements identifiés, il a été observé :

- les prescriptions en masse de PPRN pour les communes reconnues plus de deux

fois en état de catastrophes naturelles durant les cinq dernières années pour éviter de faire peser sur les administrés la sanction que constitue une éventuelle modulation de franchise. C’est le cas par exemple des départements du Nord ou du Pas-de-Calais où se pose désormais la question de la déprescription ;

- un recours quasi systématique à la prescription sur l’ensemble des communes du département. C’est le cas par exemple du Tarn et Garonne, département pour lequel la totalité des communes ont été couvertes par un PPRN en un délai de 3 ans19 ;

- plus récemment, un recours à une véritable politique de priorisation à l’échelle départementale, par exemple dans le cadre du SDRNM du Val d’Oise, sur la base d’une hiérarchisation des communes en fonction de leur exposition au risque.

16

Circulaire n° NOR/INTE 0000267C relative aux arrêtés du 5 septembre 2000, renforçant le lien entre l’indemnisation des dommages résultant des catastrophes naturelles et les mesures de prévention de ces risques.

17

Modulation déjà applicable au prochain arrêté.

18

Circulaire du 21 janvier 2004 relative à la maîtrise de l’urbanisation et de l’adaptation des constructions en zone inondable aux préfets de la région Languedoc Roussillon,préfet de l'Hérault, préfet de l'Ardèche, préfet de l'Aude, préfet de la Drôme, préfet du Gard, préfet de la Lozère, préfet des Pyrénées-Orientales, préfet du Vaucluse.

19

De même, on peut également s’interroger sur l’identification des aléas et des niveaux d’aléa devant bénéficier de la mise en œuvre de PPRN. En effet, les PPRN peuvent traiter d’un ou plusieurs aléas tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. Il semble que l’aléa inondation ait été largement privilégié, ce qui peut se comprendre au regard du coût que représente celui-ci au titre du régime catnat : 60% du montant total de sinistres indemnisés (cf. tableau ci-dessous).

Inondations Sécheresse Evènement cycloniques

7,3 milliards 4 milliards 0,8 milliards

60% 33% 7%

Tableau 1 : Indemnisation des sinistre catnat sur la période 1982-2006, par type d’aléa (sources : FFSA)

Par contre, l’aléa sécheresse (ou aléa retrait gonflement des argiles (RGA)) n’apparaît pas prioritaire en termes de mise en œuvre de PPRN (cf. figure ci-dessous), alors même qu’il correspond à la deuxième cause d'indemnisation au titre des catastrophes naturelles (30% du montant total de sinistres indemnisés (cf. figure ci-dessus). Ceci amène à s’interroger sur les raisons de cette faible couverture : Est-ce à relier à l’absence de véritable danger pour la vie humaine ? Est-ce que ce dispositif n’est pas adapté pour traiter cet aléa ?

Figure 3 : Nombre de commune par état d’avancement des PPRN retrait gonflement des argiles (RGA)

D’un point de vue qualitatif, l’administration centrale a défini pour la réalisation des PPRN de grandes orientations à l’aide de circulaires successives et réalisé plusieurs séries et générations de guides d’aide à leur réalisation par type de phénomène considéré. Celui de 1997, relatif aux inondations par débordement de cours d’eau, comporte un paragraphe destiné à « faire des PPR à bon escient » et propose pour cela des critères tels que la connaissance d’événements récents ou historiques, la déclaration à risque ou encore, par exemple, le nombre d’arrêtés catnat.

De même, l’objectif affiché lors du colloque de 2006 à l’occasion des « 10 ans des PPR », n’est plus de faire « plus de PPR » mais de les réaliser « là où ils seront les plus utiles » et surtout d’élaborer de « bons » PPR. En substance, les déclarations faites lors de ce colloque soulignent l’importance de ne pas confondre un « objectif de moyen » avec un « objectif de résultat ».

Lors de son intervention, le sous-directeur de la prévention des pollutions et des risques précise quelques unes des qualités que l’on peut attendre d’un « bon PPR ». Ledoux, les résume par ces deux points (Ledoux, 2009) :

- Un « bon » PPR est « avant tout un document susceptible d’être compris par tous,

ce qui suppose de travailler avec les élus, les associations et la population ».

- Il doit également « traiter de l’ensemble des points prévus par le législateur : la maîtrise de l’aménagement, certes, mais aussi la réduction des vulnérabilités déjà existantes, ainsi que des mesures de protection et de sauvegarde ».

Cette volonté d’exploiter au mieux l’ensemble des possibilités offertes par un PPR apparaît aussi comme un moyen permettant de mieux l’identifier par rapport aux autres dispositifs de prise en compte des risques naturels dans l’aménagement, notamment au regard de son impact possible sur les biens existants.

Depuis son instauration par la loi du 12 juillet 1982 jusqu’à aujourd’hui, le PPRN a évolué dans ses finalités et dans ses objectifs. Ces évolutions amènent alors à s’interroger sur la stratégie à privilégier pour sa mise en œuvre. La priorité doit-elle donner à la réduction globale de la vulnérabilité sociale et économique ou à la réduction des dépenses d’indemnisation ? Cela conduit également à questionner les réalisations et résultats attendus aussi bien en termes de territoire, d’enjeux (personnes, biens, biens existant, biens futurs) que d’aléas à considérer.

En somme, le PPRN, dispositif de prévention réglementaire porté par l’Etat, semble conserver des contours difficiles à identifier et nécessiterait une plus grande visibilité. A ce dispositif spécifique permettant la prise en compte des risques naturels dans l’aménagement du territoire s’ajoutent de nombreux dispositifs dans le domaine de l’urbanisme ou de la gestion de l’eau répondant à une logique plus intégratrice.

1.3. Une multiplicité de dispositifs qui implique articulation et arbitrages

Documents relatifs