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Chapitre 2 : Emergence de nouveaux acteurs de l’action publique de prévention et en

2.1. Un nombre croissant de parties prenantes dans le domaine de la gestion des risques

l’assurance au regard du lien particulier qui existe entre « prévention » et « indemnisation ».

Plus précisément seront successivement étudiés :

- la diversité de parties prenantes dans le domaine de la gestion des risques naturels ; - la spécificité des systèmes d'assurance des catastrophes naturelles et les relations

induites entre pouvoirs publics et assureurs ;

- la mise à contribution de ces interactions pour soutenir; l’action publique de prévention.

2.1. Un nombre croissant de parties prenantes dans le domaine de la gestion des risques naturels

Dans le cadre de la gestion des risques naturels, il faut désormais intégrer des parties prenantes opérant à différentes niveaux (Nussbaum, 2009 b ; 2010). Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques unes peuvent être identifiées.

Au niveau onusien, le Programme Cadre d’action de Hyogo pour une plus grande résilience des nations et des communautés, adopté en 2005 par 168 pays à la conférence mondiale de l’ONU, offre aux institutions internationales et régionales, aux groupes comme la Banque Mondiale ainsi qu’aux gouvernement nationaux un cadre de référence pour l’action publique de prévention. Il vise à « réduire de manière substantielle les pertes humaines et les dommages sociaux, économiques et environnementaux, subis par les collectivités et les pays suite à des catastrophes » et affiche les 5 priorités suivantes (UN- ISDR, 2009) :

- Faire de la réduction des risques de catastrophes une priorité nationale et locale avec l’appui d’un cadre institutionnel solide.

- Identifier, évaluer et surveiller les risques de catastrophe et renforcer les systèmes d’alerte.

- Construire une culture du risque et de la résilience à tous les niveaux par l’utilisation des connaissances, des innovations et de l’éducation.

- Réduire les facteurs de risques dans des secteurs clefs.

- Renforcer la préparation à la crise pour être en mesure d’intervenir efficacement à tous les niveaux.

Au niveau européen, la Commission Européenne s’est surtout attachée à constituer un fonds de solidarité mais elle s’ouvre également progressivement vers une approche davantage préventive notamment dans la gestion des inondations.

Au niveau national, en se référant aux cinq collèges de la « gouvernance à cinq » du Grenelle de l’environnement, les principales parties prenantes peuvent être identifiées comme suit :

- l’Etat, avec ministères et compétences déconcentrées, notamment MEEDDM, Ministère du logement, Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ministère de l’agriculture ;

- les collectivités territoriales notamment les collectivités territoriales spécialisées telles que syndicats de rivière, Etablissement public Territorial de Bassin (EPTB) ; - les syndicats ;

- les entreprises dont les représentants de l’industrie de l’assurance ;

- les associations de la société civile dont les associations de riverains et autres associations ou ONG participant à la vie locale en général ;

Sans être explicitement nommés, les citoyens et notamment ceux exposés aux risques naturels sont des acteurs centraux de l’action publique de prévention. Ils sont représentés indirectement par ces différents collèges.

Cette diversité d’acteurs peut être illustrée par la figure ci-dessous.

Figure 8 : Schématisation des acteurs de l’action publique de prévention sur le modèle de la « gouvernance à cinq »

Par ailleurs, l’action publique de prévention stricto sensu interfère avec d’autres politiques publiques notamment les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de normalisation de la construction, les politiques de sécurité civile ; la politique économique (notamment de défense et de résilience économique et la politique de régulation de l’assurance) ; la politique agricole et de développement rural ; la politique de l’Outre Mer ; la politique de la recherche ; l’éducation ou encore la santé.

Les modifications du positionnement réciproque des acteurs dans ces différents domaines ont des répercutions importantes sur l’action publique de prévention. Ainsi, selon Padioleau « la France favorise à l’excès les politiques de sécurité civile » qui « offrent des bénéfices politiques voyants ». Pour cet auteur « il ne s’agit pas de mettre en cause la nécessité de la sécurité civile, simplement elle doit être soumise aux priorités et intégrée à des politiques globales de la sûreté territoriale environnementale des personnes et des biens » (Padioleau, 2003). Comme cela a été souligné lors du colloque de Divonne-les- Bains (notamment dans le libre point de vue sur la situation française, présent dans le dossier des participants et rédigé par l’AFPCN34), il s’agit de s’interroger sur « la place du

curseur entre la prévention et l’intervention », autrement dit, entre « ce qui doit être évité » et « ce qui doit être sauvé » : Quelle est la pertinence de mesures visant à « autoriser un aménagement en zone à risque au motif que les moyens de secours sont adaptés et permettront de faire face » au regard notamment de la pérennité des secours, des responsabilités associées et d’études de dangers et de sécurité pouvant être engagées ? Concernant les politiques d’ « aménagement », on peut noter le passage progressif de l’aménagement « du » territoire, pensé au seul niveau de l'Etat, à l’aménagement « des » territoires (Lacour et al., 2008). Brunet dans « les mots de la géographie dictionnaire critique », définit l’aménagement comme une « action volontariste et réfléchie d’une collectivité sur son territoire » et distingue l’aménagement « au niveau local (aménagement rural, urbain, local), […] au niveau régional (grands aménagements régionaux, irrigations), […] au niveau national (aménagement du territoire) » (Brunet et al., 1993).

L’Etat conserve un rôle majeur dans ce domaine, notamment au regard de son implication et de ses responsabilités dans la mise en œuvre de « la politique nationale d’aménagement et de développement durable du territoire » définie par la loi du 25 juin 1999 (Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT)) (Mazière et al., 2007). Pour autant, dans le cadre de leurs compétences de proximité, les communes aménagent quotidiennement leur propre territoire, notamment au travers de mesures telles que la construction d’écoles, l’organisation des transports urbains, l’aménagement de zones d’activités ou de loisirs, ou encore l’élaboration de documents d’urbanisme et la délivrance des permis de construire. Plusieurs communes peuvent se regrouper en Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) pour mettre en œuvre ces actions. Il peut s’agir d’une mise en commun de moyens de gestion mais également de plans d’actions pour traiter globalement des problèmes économiques, sociaux, environnementaux etc. Par ailleurs, l’entretien et l’aménagement d’une partie du réseau routier, l’organisation des transports collectifs non urbains, la construction des collèges, la protection et la gestion d’espaces naturels sensibles, ou encore, l’aménagement et l’exploitation de cours d’eau domaniaux, sont de la compétence des départements. Le conseil régional participe également aux politiques de développement et d’aménagement de la région. Sa consultation est même obligatoire dans ce domaine. Les régions exercent leurs compétences notamment au travers du Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) qui fixe, à moyen terme, «les orientations fondamentales du développement durable du territoire régional35 », ainsi que des contrats

de projet État-Région (CPER) qui doivent permettre de définir les priorités stratégiques pour chaque région et contribuer à mettre en œuvre le SRADT (Bonnard, 2009).

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http://www.afpcn.org/071205PreventionSecours/index.htm

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Ainsi, depuis les lois de décentralisation de 198236, les collectivités territoriales sont

devenues des acteurs à part entière de l’aménagement de leur territoire et donc de l’action publique de prévention. L’aménagement et la prise en compte des risques naturels dans cet aménagement peuvent être considérés comme des responsabilités partagées conduisant à la mise en œuvre d’une grande diversité d’actions publiques déclinées sur différentes échelles territoriales. Communes, départements, régions et l’Etat sont directement concernés par la gestion et l’aménagement de leur territoire et en sont acteurs. A ce titre, ils doivent veiller au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique37 et intégrer la présence de risques naturels. Selon Merlin, ces

acteurs doivent faire face à des contradictions difficiles à surmonter, comme les dilemmes entre planification et libéralisme, entre développement économique et égalité spatiale, entre équité et efficacité, entre aménagement et environnement (Merlin, 2002). Ces difficultés sont également mises en évidence par Brunet, Ferras et Théry qui parlent de la France comme « un territoire à ménager » (Brunet et al., 1993). Ainsi, considérer que la politique de prévention doit s’intégrer dans la gestion d’un territoire invite à garder à l’esprit que si la protection de la population et des biens contre les risques naturels est bien un enjeu majeur, pour les différents acteurs du territoire ce n’est pas le seul.

Au final, l’évolution verticale de l’action publique de prévention, avec des interventions à de nombreux niveaux géographiques, et son évolution horizontale, avec une forte transversalité, se traduit par un nombre croissant de parties prenantes opérant respectivement dans des systèmes, politiques et cadres de relations publiques et privées très diverses.

De plus, au sein même d’un secteur particulier, il existe une diversité d’acteurs et donc de points de vue et d’intérêts. Ainsi l’industrie de l’assurance offre une pluralité de discours, de pratiques et de besoins. Le schéma ci-dessous en représente les principaux acteurs.

Figure 9 : Les acteurs de l’industrie de l’assurance (Nussbaum, 2010)

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Loi de mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et régions à laquelle s’ajoute la loi de janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat dont l'article 59 a transféré, sous de strictes conditions, aux communes et à leurs groupements, la compétence pour élaborer les schémas directeurs et les plans d'occupation des sols (aujourd’hui SCOT et PLU).

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Par la suite, les acteurs considérés seront les entreprises d'assurance qui seront désignées sous le terme d'assureurs ou de fournisseurs d'assurances. Dans les paragraphes suivants, il est proposé de s'intéresser aux rapports particuliers entre les assureurs et les autorités publiques.

2.2. La spécificité des systèmes d’assurance des catastrophes naturelles et les

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