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Chapitre 5 : Une diversité de démarches évaluatives engagées dans le domaine de la

5.3. Des démarches qui s’appuient en majorité sur des informations qualitatives sans

5.3.3. Méthodes et outils mobilisés dans les démarches initiées par des chercheurs

Dans le cadre des travaux de recherche, des méthodes particulières d’évaluation ont été développées ou analysées privilégiant différentes approches, notamment des approches comparatives, des approches socio-économiques, l’analyse multicritères ou encore à partir de la notion de vulnérabilité.

Des travaux de recherche conduits dans ce domaine ont pu s’appuyer sur des comparaisons entre différents pays ou sur l’étude de situations particulières rencontrées à l’étranger pour en tirer des enseignements en France ; c’est le cas par exemple des travaux sur :

- La politique publique de prévention du risque d'inondation en France et en Angleterre: de l'action publique normative à la gestion intégrée (Barraqué et Gressent, 2004) ;

- L’évaluation économique du risque d'inondation, comparaison France / Pays Bas

(Barthélémy, 2002) ;

- Les pluies diluviennes au Saguenay des 19 et 20 juillet 1996. Un regard sur l’expérience québécoise (Ledoux, 2005).

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D’autres travaux reposent sur des outils d’évaluation économique. Ils cherchent à évaluer les impacts socio-économiques des phénomènes naturels dans l’optique d’apporter des éléments d’aide à la décision pouvant être retenus pour orienter ou faire évoluer l’action publique de prévention (Torterotot, 1993 ; Hubert et Ledoux, 1999 ; Grelot, 2004 ; Vinet, 2007 ; Erdlenbruch et al, 2008). Pour l’essentiel de ces travaux, il s’agit d’évaluer l’efficience et la pertinence a priori d’une mesure de prévention. Les méthodes développées dans ce cadre s’appuient sur des outils spécifiques tels que la courbe de Farmer.

Pour Pigeon, la courbe de Farmer permet par exemple de formaliser les effets non désirés des travaux de protection (Pigeon, 2007).

Figure 24 Courbe de Farmer appliquée aux risques d’inondation dans la vallée de l’Arve (Pigeon, 2007)

Selon cet auteur, elle pourrait même être considérée comme « un moyen de représenter la complexité ». Une « utilisation géographique » de cette courbe aiderait à comprendre et formaliser les relations entre les risques, les catastrophes et le développement durable (Pigeon, 2010).

Par ailleurs, une démarche reposant sur une approche multicritères a été mise au point à la fin des années 1990. Elle a pu être utilisée à plusieurs reprises et a été affinée au fur et à mesure des retours d’expérience. Au travers d’un double objectif, mesurer l’efficacité globale de la cartographie règlementaire sur le terrain et analyser l’appropriation du risque et de la réglementation par les acteurs locaux, cette méthode renvoie à des aspects qualitatifs et quantitatifs (Pottier et Hubert in Laganier, 2006).

Les critères et indicateurs retenus dans le cadre de ces travaux sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Critères d’évaluation Principaux indicateurs associés Arrêt ou limitation du développement en zone

à risques

Autorisations d’occupation des sols (nombre et nature des permis de construire accordés ou refusés)

Protection des biens existants et futurs Mesures individuelles de prévention mises en œuvre

Sauvegarde du patrimoine naturel des plaines d’inondation

Evolution des surfaces des espaces naturels dans le lit majeur des cours d’eau

Changements dans l’occupation et l’usage des sols

Vocation donnée aux terrains exposés aux risques à différentes périodes, transformations des paysages

Attitudes et pratiques des occupants des zones à risques

Perception du risque, niveau d’information, réactions en situation de crise, opinions vis-à-vis de la politique menée

Effets sur le développement, l’activité économique et les finances locales

Impact sur les ressources communales, évolution des valeurs foncières et immobilières, coûts supplémentaires de construction, déplacement d’activités hors de la zone à risque ou de la commune

Effets sur le marché foncier Dynamique des transactions, prix des biens mis

en vente

Effets sur l’environnement Evolution des écosystèmes riverains et des

paysages

Tableau 6 : Grille relative aux critères et aux indicateurs de l’évaluation des PPRNI, notamment d’inondation (Laganier, 2006)

En outre, certains travaux de recherche peuvent aborder la question de l’évaluation de l’action publique à travers la notion de vulnérabilité. Au vu de la diversité de définitions existantes (Birkmann, 2006 ; Leone et Vinet 2006 ; Reghezza, 2006 ; Thywissen, 2006), il apparait clair que ce champ reste en construction. Toutefois, différents travaux se sont orientés vers une recherche de l’opérationnalité avec le développement de modèles qui tentent de représenter et d’expliquer l’existence de vulnérabilités à partir d’une identification des facteurs qui lui donne naissance ou qui l’accentue. A travers ces modèles, les différentes actions mises en œuvre dans le cadre de la gestion des risques naturels et leurs effets (désirés ou non) sont étudiés et pris en compte pour une meilleure d’appréciation du degré de vulnérabilité.

Ainsi D’Ercole et Metzger proposent une méthode permettant de décrypter ce qui fait la vulnérabilité d´un enjeu. Pour ces auteurs, l’analyse de la vulnérabilité d’un territoire suppose de d’étudier conjointement l’organisation territoriale, la vulnérabilité des enjeux majeurs, et la vulnérabilité spatiale du territoire. Les mesures de préparation à la crise et plus largement de prévention mise en œuvre sur le territoire sont clairement identifiées comme des facteurs pouvant amplifier ou diminuer la vulnérabilité (D’Ercole et Metzger, 2009 a ; 2009 b).

Cette prise en compte de la gestion des risques naturels dans l’analyse des vulnérabilités d’un territoire peut également être illustrée par les travaux de Cardona. Ils proposent quatre indices représentant les principaux éléments de vulnérabilité d’un territoire dont le « Risk Management Index » (RMI) qui se concentre sur la mesure de performance des pratiques de gestion des risques (Cardona, 2004).

Ce dernier indice est spécifiquement dédié à la gestion des risques. Il intègre l’ensemble des actions du cycle de gestion avec des indicateurs concernant :

- en amont de la crise : « Risk Identification » et « Risk Reduction » ;

- pendant et après la crise : « Disaster Management » et « Financial Protection ». De même, Barroca et al considèrent que la notion de vulnérabilité d’un territoire doit intégrer « les aspects dynamique et actif qu’un territoire dans ses différentes formes peut mobiliser pour faire face à un événement » (Barroca et al., 2006). Ces recherches proposent alors un outil d’évaluation, le « Flood Vulnerability Assessment Tool » qui recense plus de soixante dix indicateurs structurés en cinq groupes principaux qui prennent en compte différents aspects de la gestion des risques en lien avec :

- l'exposition aux risques (aléas et enjeux) ;

- la prise en compte des risques par les politiques publiques de prévention et de « réparation » ;

- la perception et aux différentes formes de connaissance du risque.

Ces différentes approches peuvent être complétées par les travaux de Pigeon sur la vulnérabilité cachée (Pigeon, 2008). Cet auteur mobilise l’analyse systémique pour approcher la complexité et l’incertitude, et souligne l’existence d’effets inattendus produits par les politiques visant à gérer les risques. Ces effets apparaissent comme des révélateurs de vulnérabilités cachées (cf. figure ci-dessous).

Figure 25 : les effets non désirés de la gestion des inondations révèlent la vulnérabilité cachée à Scionzier, et la complexité (Pigeon, 2008)

A travers la comparaison de deux situations très différentes du point de vu du peuplement, la France et le Sri Lanka, de fortes similitudes sont mises en lumière :

- une tendance à urbaniser des secteurs pour lesquels l’existence de risques

d’inondations sont bien connus ;

- des institutions qui cherchent à lutter contre l’augmentation des risques

d’inondation mais qui le font de manière sélective ;

- des politiques qui n’aboutissent que partiellement aux effets escomptés et qui se traduisent par un déplacement et une transformation des risques.

Elles mettent en évidence la nécessité « de reconnaître l’existence de la complexité, et de l’incertitude qui lui est ici associée » mais également de dépasser une vision statique de la vulnérabilité pour s’orienter vers une prise en compte des vulnérabilités cachées révélées par les effets non désirés des actions des politiques publiques (Pigeon, 2008).

Les travaux de recherche proposent une analyse et/ou le développement de méthodes d’évaluation qui peuvent conduire à la production d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Cet apport méthodologique paraît complémentaire des différentes approches privilégiées par les autres démarches évaluatives. Pour autant, les auteurs de ces travaux ne manquent pas de souligner que de telles méthodes sont très faiblement employées en France, du fait des limites techniques qui les accompagnent, mais également sous l’effet de blocages d’ordre politique et culturel.

La majorité des démarches abordées privilégient des approches qualitatives. Cette prédominance peut être rapprochée des difficultés pour cerner de manière évidente les objectifs, les résultats et les liens de causalité en œuvre dans ce domaine d’une grande complexité. Pour autant, l’analyse des travaux de recherche montre que des méthodes de quantification existent et peuvent être appliquées pour participer à un effort d’objectivité.

Conclusion chapitre 5

Cette analyse met en évidence la mobilisation d’un certain nombre d’acteurs sur la question de l’évaluation de l’action publique de prévention dans le domaine de la gestion des risques naturels. Même si tous n’exercent pas strictement et de façon homogène une mission d’évaluation, ils prennent part à différentes démarches correspondant plus ou moins au cadre théorique défini dans le chapitre 4.

Hormis celle engagée par l’instance présidée par M. Bourrelier, peu de démarches privilégient une évaluation intégrant les différentes dimensions de l’action publique en lien avec la définition d’une stratégie globale et cohérente de la politique publique de prévention des risques naturels. Pour autant, les différentes démarches recensées proposent des analyses sur un grand nombre de dispositifs, d’aléas et de territoire qui, mises bout à bout, tendent à couvrir les différents aspects de l’action publique de prévention. Les méthodes utilisées pour l’étude de ces composantes s’appuient en grande majorité sur le recueil d’informations qualitatives sans chercher à construire une métrique rendant possible les comparaisons dans le temps et dans l’espace. Cette accumulation de démarches évaluatives ne peut donc pas se substituer à un processus d’évaluation global conduit périodiquement et permettant une vision complète de l’action publique de prévention. Toutefois, au-delà de leur hétérogénéité et de leur manque de constance, ces diagnostics établis par une pluralité d’acteurs sur une vingtaine d’années, apparaissent comme des éléments de référence mis à disposition de l’ensemble des parties prenantes de l’action publique dans le domaine de la gestion des risques naturels.

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La profession de l’assurance a souhaité, malgré tout, disposer de sa propre démarche d’évaluation afin d’étudier la contribution des plans de prévention des risques (PPRN) à la réduction de la vulnérabilité collective et individuelle. Pourquoi les assureurs ont-ils souhaité engager leur propre évaluation ? Comment cette démarche se positionne-t-elle par rapport à celles précédemment étudiées ? Quels sont les éléments qui la distinguent des autres démarches ? Dans quelle mesure elle s’en rapproche ?

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Chapitre 6 : La démarche évaluative de la MRN : une

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