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Chapitre 1 : Reconnaissance de la complémentarité des instruments de l’action

1.3. Une multiplicité de dispositifs qui implique articulation et arbitrages

1.3.2. Dispositifs relatifs au domaine de la gestion de l’eau

La loi du 3 janvier 1992 (loi sur l’eau) inscrit la prévention des risques naturels dans le cadre de la « gestion équilibrée de la ressource en eau ». En effet, l’article 2 de cette loi identifie « la conservation du libre écoulement des eaux et la protection contre les inondations » parmi les « usages à satisfaire ou à concilier » (L211-1 du code de l’environnement).

Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)29 « fixent pour

chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau » (L212-2 et L212-3 du code de l’environnement). Dans la circulaire du 24 janvier 199430 il est spécifié que les AZI doivent être transmis « au

préfet coordonnateur de bassin qui, en liaison avec le président du comité de bassin, les versera au volet Inondation du projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en cours d'élaboration ». Elle précise par ailleurs qu’ils doivent également être portés à la connaissance des présidents des commissions locales de l'eau, lorsqu'elles existent. Les décisions de l'Etat en matière de police des eaux (autorisations, déclarations, rejets, etc.) et les décisions des collectivités et établissements publics, dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le SDAGE. Dix SDAGE sont présents sur le territoire français dont six sur les grands bassins versants de la métropole (Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône- Méditerranée-Corse et Seine-Normandie) et quatre sur les bassins des départements d’outre mer (DOM) (Martinique, Réunion, Guyane et Guadeloupe). Ces documents seront remplacés par des « nouveaux SDAGE », conformes aux exigences de la directive cadre sur l’eau (DCE), d’ici fin 2009.

Au niveau du sous bassin hydrographique, c’est le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

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Cf. également la circulaire du 2 février 1994 relative à la cartographie des zones inondables

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Art. 3. de La loi n°92-3 du 3 janvier 1992

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Il doit notamment assurer la cohérence entre les différentes actions à mener en matière de prévention des inondations, en particulier concernant la préservation des zones d'expansion de crues (ZEC) et la protection des lieux actuellement habités. A ce jour on dénombre 148 SAGE : 44 mis en œuvre, 84 en cours d’élaboration, 7 en instruction et 13 en émergence31.

Figure 6 : Etat d’avancement des Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (Sources: MEEDDM, GEST’EAU, traitement MRN mars 2009)

Des contrats de rivières32 peuvent également être signés entre les préfet(s) de

département(s), l’agence de l’eau et les collectivités locales (conseil général, conseil régional, communes, syndicats intercommunaux ...) à l’échelle de bassin versant.

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http://www.gesteau.eaufrance.fr/ (site des agences de l’eau : Base de données disponible)

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Circulaires du 5 février 1981 et du 12 novembre 1985 relatives à la mise en place de contrats de rivière, circulaire du 24 octobre 1994 relative au plan décennal de restauration et d'entretien des rivières. Appel aux contrats de rivière, circulaire du 30 janvier 2004 relative aux contrats de rivière et de baie

Le contrat de rivière ou de baie a vocation à intégrer les contraintes et perspectives des autres politiques d’aménagement (urbanisme, transport, industrie, agriculture, tourisme, etc.) et la prévention des risques d'inondation fait partie d’un de ces objectifs. En effet, « Les contrats de rivière ont pour objectif la préservation, la restauration et l'entretien d'une rivière et de son écosystème. Ils doivent pour cela instaurer une gestion équilibrée assurant à la fois la satisfaction des usages qualitatifs et quantitatifs de l'eau, la préservation des écosystèmes aquatiques, la prévention des risques d'inondation, la protection, la mise en valeur et le développement de la ressource en eau, dans une perspective de développement durable ». Contrairement au SAGE, les objectifs du contrat de rivière n’ont pas de portée juridique ; toutefois la cohérence avec le SDAGE figure parmi les critères pris en compte pour l’agrément du projet de contrat. Les contrats de rivière peuvent précéder ou suivre l’élaboration d’un SAGE. Depuis le lancement de la procédure en 1981, plus de 220 contrats de rivière ou de baie ont été mis en œuvre ou sont en cours d’élaboration. 90 d’entre eux sont achevés33.

Figure 7 : Etat d’avancement des contrats de rivières (Sources: MEEDDM, GEST’EAU, traitement MRN mars 2009)

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De plus, la loi du 30 Juillet 2003 relative à la prévention des risques naturels et technologiques instaure « des servitudes d'utilité publique » (article L211-12 du code de l’environnement) pouvant être instituées « à la demande de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements sur des terrains riverains d'un cours d'eau ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dans leur bassin versant, ou dans une zone estuarienne ». Ces servitudes peuvent notamment permettre de :

- « Créer des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement,

par des aménagements permettant d'accroître artificiellement leur capacité de stockage de ces eaux, afin de réduire les crues ou les ruissellements dans des secteurs situés en aval ;

- Créer ou restaurer des zones de mobilité du lit mineur d'un cours d'eau en amont

des zones urbanisées dans des zones dites "zones de mobilité d'un cours d'eau", afin de préserver ou de restaurer ses caractères hydrologiques et géomorphologiques essentiels.

- Préserver ou restaurer des zones humides dites "zones stratégiques pour la gestion de l'eau" délimitées en application

Un droit de préemption urbain peut être institué par les communes, sur tout ou partie de leurs zones urbaines et de leurs zones d'urbanisation future délimitées par un PLU approuvé ou un POS rendu public et situées dans des zones soumises aux servitudes précitées (article L211-1 du Code de l’urbanisme).

A ces mesures s’ajoutent également les dispositifs relatifs à la police et conservation des eaux (article L215-7 à 13 du code de l’environnement) et à l’entretien et la restauration des cours d’eau (article L215- 14 à 18 du code de l’environnement) qui sont des facteurs essentiels pour une bonne prévention des inondations.

Ces différents dispositifs s’articulent selon un schéma précis. Ainsi, les DTA s’imposent aux schémas de cohérence territoriale (SCOT), aux PLU, aux plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) et aux cartes communales. Le SCOT s’impose non seulement aux autres documents d’urbanisme (PLU, cartes communales,…) mais aussi à d’autres documents d’orientation tels que les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, etc. De plus, la portée juridique des SDAGE et des SAGE a été renforcée par la Directive Cadre sur l’Eau du 23 octobre 2000 transposée en droit français par la loi n°2004‐338 du 21 avril 2004, en imposant notamment que les documents d’urbanisme soient compatibles avec les orientations définies par le SDAGE et les objectifs définis par les SAGE (articles L122‐1, L123‐1 et L124‐2).

Si l’articulation entre ces différents dispositifs est bien affirmée dans les textes législatifs et règlementaires, on peut s’interroger sur la réalité et la complexité de celle-ci. En effet, cette articulation se confronte bien souvent à des « problèmes de compatibilité et de cohérence entre des instruments divers qui ne correspondent pas aux même logiques, ne portent pas sur les même territoires et ne sont pas élaborés par les mêmes personnes ni au même moment » (Laganier, 2000). Pour Tourrès, « on en arrive à un empilement de règles rendant extrêmement complexe, dans certaines situations, l’articulation des différentes mesures de prévention préconisées » (Tourrès, 2000).

Au-delà de la question de la prise en compte effective des risques naturels à travers ces différents dispositifs, il peut être relevé la grande diversité de dispositifs pouvant être mobilisés à différentes échelles (nationale, intercommunale, communale, parcelle, bassin versant, sous-bassin versant, cours d'eau) et se référant à différents domaines (urbanisme, gestion de l'eau mais également sécurité civile non traitée ici).

Faut-il mettre en œuvre l’ensemble de ces dispositifs sur chaque territoire exposé ou au contraire certains dispositifs doivent-ils être privilégiés ? Selon quels critères et sur quels territoires ? Se pose également la question de leur articulation lorsque plusieurs de ces dispositifs sont mis en œuvre sur un même territoire.

Conclusion chapitre 1

Les récentes évolutions de l’action publique de prévention dans le domaine de la gestion des risques naturels, ont abouti à la prise de conscience que la mise en œuvre d’un seul type de mesures ne peut apporter qu’une réponse partielle. Désormais, l’action publique de prévention doit composer avec de nombreux dispositifs en lien avec le domaine de l’urbanisme, de la gestion de l’eau ou spécifiques à la prévention. Cette diversité est loin d’être exceptionnelle. La majorité des politiques ou des programmes s’accompagne d’une pluralité d’ « instruments » (Lascoumes et Le Galès, 2004). Si ces dispositifs peuvent apparaitre complémentaires en permettant de gérer les risques naturels à différentes échelles territoriales et selon différentes approches, cette diversité soulève quelques interrogations notamment concernant leur coordination, les processus de prise de décision qui peuvent amener à privilégier tel ou tel dispositif ou encore les contours de chaque dispositif et en particulier du PPRN. Ainsi la reconnaissance de la complémentarité des instruments de l’action publique de prévention s’accompagne de défis importants notamment celui de trouver un équilibre entre « protection » et « prévention », celui d’articuler au mieux les différents dispositifs de prévention, notamment ceux pour la prise en compte des risques naturels dans l’aménagement et celui d’aboutir à une meilleure visibilité des contours du dispositif du PPRN.

Tableau 2 : Schématisation de la multiplicité d’instruments mobilisables pour la prévention des risques naturels répartis en fonction du type d’actions et du domaine de rattachement

Leur utilisation en complémentarité ne se limite donc pas à une juxtaposition de mesures. Cela relève d’un processus complexe qui a des conséquences importantes sur les territoires concernés et par conséquent sur les différents acteurs de l’action publique de prévention. Ce changement observé au niveau des instruments est donc fortement articulé avec un changement au niveau des acteurs (Hassenteufel, 2008).

Chapitre 2 : Emergence de nouveaux acteurs de l’action

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