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5 Les qualités sociales de la langue des journalistes

5.2 Le pouvoir d’influence

Le pouvoir d’influence des journalistes en matière de langue apparait dans nos textes de deux manières distinctes mais relativement proches : l’influence peut porter sur l’usage de la langue par la société et/ou sur l’évolution de la langue elle-même. Tout d’abord, Michel Francard et al., dans leur étude des représentations linguistiques des jeunes belges francophones, écrivent

228 Ibid., p. 74.

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que « [d]es enquêtes antérieures ont montré l’impact des médias sur les pratiques linguistiques »230. De telles enquêtes ne sont pas citées dans le document, et nous devons reconnaitre que nous n’en avons pas trouvé. Rappelons que Reinke (2005 : 11) et Remysen (2010 : 123) ont mis en évidence que l’idée d’un pouvoir d’influence des médias en matière de langue est généralement admise bien qu’aucune étude n’ait pu le démontrer. Cette idée du pouvoir d’influence apparait dans des textes écrits par des acteurs appartenant à trois de nos cinq catégories d’acteurs : les acteurs impliqués dans le domaine de la langue, des acteurs du domaine du journalisme, mais aussi par plusieurs intellectuels ne faisant pas partie des deux autres catégories.

Certains textes ou la comparaison de plusieurs textes entre eux révèlent une tension sur le caractère bénéfique ou, au contraire, dangereux de l’effet des médias sur les pratiques linguistiques des citoyens. Cette ambivalence se retrouve notamment dans le texte de Marcel Boucher :

(46) Les grands fournisseurs des nouveautés linguistiques, parfois les créateurs, sont les journalistes et les présentateurs de la radio et de la télévision. S’il serait injuste de méconnaître leur contribution à l’élévation culturelle des masses et à la propagation du français, est-ce les dénigrer de dire que la maîtrise de la langue n’est pas égale chez tous231 ?

L’auteur concède donc une influence salutaire des médias sur le niveau culturel de la société, mais recentre rapidement son propos sur l’usage jugé problématique de la langue dans les médias.

La même tension apparait dans la conclusion de l’article du professeur de journalisme Gabriel Thoveron en 1989. L’auteur affirme avoir « tenté de montrer la puissance comme les limites [de ce pouvoir médiatique] et qu’il [ce pouvoir] peut être la meilleure ou la pire des choses »232, bien que son article se penche principalement sur les problèmes que posent la langue des journalistes et son influence. Plusieurs autres textes insistent d’ailleurs uniquement sur les dangers du pouvoir d’influence des médias en matière de langue. Dans un texte de 1976 présentant le Conseil international de la langue française qu’il préside alors233, le grammairien belge Joseph Hanse tient ces propos :

(47) Il faut défendre le français, en France comme ailleurs, contre les dangers qui le menacent de l’intérieur, contre une dégradation accentuée par son étalement, par la puissance des nouveaux maîtres, dans la presse, à la radio, à la télévision, contre la paresse et le snobisme de ceux qui le sacrifient à l’anglais […]234.

230 Francard, Michel et al. (1993), op. cit., p. 31.

231 Boucher, Marcel (1967), op. cit., p. 59.

232 Thoveron, Gabriel (1989), op. cit., p. 60.

233 Hanse, Joseph (1976), op. cit., p. 11‑21.

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Les médias seraient « les nouveaux maitres », statut qui leur confèrerait un « puissant » pouvoir d’influence, dont on lit qu’il opère dans le sens d’une dégradation de la langue. De même, le journaliste Jean-Francis Dechesne met en garde contre les conséquences que peuvent avoir les usages linguistiques des journalistes jugés problématiques et fréquents, dont il a livré une série d’exemples (voir section 4).

(48) De telles pollutions du langage n’ajoutent certes pas beaucoup au malheur du monde. Par contre, elles influencent malencontreusement les jeunes lecteurs ou auditeurs. Ceux-ci ont la candeur de croire que les journalistes manient parfaitement leur premier outil de travail, une langue correcte et compréhensible, et ils répètent un volapük boursoufflé qu’ils prennent pour du français235.

Cette notion de pouvoir d’influence, dont la portée est ici restreinte à la plus jeune couche du public, circule donc également au sein du groupe professionnel des journalistes.

Dans son mémoire de licence en journalisme, Régis Laurent a demandé à 34 journalistes travaillant dans trois quotidiens belges francophones s’ils considéraient que la langue française se dégradait, et dans quelle mesure les médias, d’abord écrits, puis audiovisuels, jouaient un rôle dans cette dégradation236. Son étude révèle que la très large majorité des répondants avalisent l’idée d’une dégradation de la langue. De façon générale, l’influence des médias dans cette dégradation est également considérée comme réelle. D’après les répondants, l’influence des médias audiovisuels est nettement plus importante que celle des médias écrits. Cette constatation révèle une nouvelle fois la particularité du discours critique à l’égard des médias oraux.

Les considérations contenues dans ces différents textes rejoignent une observation faite par Jean-Marie Klinkenberg. Le sociolinguiste rapporte dans un article publié en 1993 consacré à la prétendue crise de la langue237 que celle-ci est volontiers attribuée, entre autres, à « l’enseignement médiocre [et à] l’influence délétère des médias »238 ou encore aux acteurs de l’audiovisuel239.

Parmi les textes de notre corpus, les auteurs étayent la thèse d’une influence de la langue des journalistes en matière de langue au moyen de divers arguments. Le plus présent est, comme le souligne d’ailleurs Reinke (2005 : 11) pour le cas des productions télévisuelles, la large diffusion des médias d’information et donc la grande exposition des citoyens aux productions journalistiques ainsi que, corolairement, aux usages linguistiques des journalistes.

L’argument de l’exposition est présent sous une forme dont il faut souligner la similarité dans quatre textes différents, et écrits respectivement en 1739 par Voltaire, en 1967 par Marcel

235 Dechesne, Jean-Francis (1997), op. cit., p. 11-12.

236 Laurent, Régis (2006), op. cit., p. 57-59.

237 Klinkenberg, Jean-Marie (1993), « Le français : une langue en crise ? », Études françaises, vol. 29, n° 1, p. 171-190.

238 Klinkenberg, Jean-Marie (1993), op. cit., p. 180.

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Boucher, en 1988 par André Hella (chroniqueur politique) et en 1989 par Gabriel Thoveron (professeur de journalisme). Dans les extraits qui suivent, nous soulignons cette similarité par l’usage de caractères italiques.

Premièrement, le Vade-mecum pour journalistes débutants publié en 1983 contient une citation de Voltaire.

(49) Comme l’a dit Voltaire dans ses « Conseils à un journaliste », « Les papiers publics et les journaux sont infectés continuellement d’expressions impropres auxquelles le

public s’accoutume à force de les lire »240.

Deuxièmement, en 1967, Marcel Boucher s’inquiète de l’influence de la langue des journalistes sur les locuteurs du français.

(50) Combien d’erreurs, de maladresses et aussi d’absurdités langagières ne charrient pas les colonnes des quotidiens à gros tirage, certains hebdomadaires ou magazines féminins dévorés par des millions de lecteurs et de lectrices. Sans parler des pataquès et des bizarreries portés sur les ondes par des chroniqueurs pressés ou incompétents.

De plus en plus répandue, la forme orale de l’information est devenue un auxiliaire puissant d’altération linguistique. Comme chacun sait, le discours parlé offre au « locuteur » des ressources d’expression ignorées de la langue écrite : intonations, découpages ou désarticulations de la phrase, ellipses, silences, suppléent à l’impropriété des termes ou à certaines insuffisances de l’énoncé logique. Si on ajoute à ces traits spécifiques l’emploi répété de clichés, le recours à des synonymes incertains qui évitent les répétitions mais qui troublent les définitions traditionnelles, il résulte que les modèles de langage constamment proposés à notre oreille et qui

dérogent plus ou moins aux règles de la langue écrite, finissent par créer certains automatismes. Même les auditeurs cultivés n’échappent pas tout à fait à un

conditionnement que l’image sonore rend bien plus efficace que l’image écrite. Faut-il s’étonner dès lors si de plus en plus de francophones font de la langue parlée la référence de ce qu’on appelle le Bon Usage241 ?

Relevons tout d’abord l’utilisation du terme modèle de langage pour définir le statut de la langue des médias. Cette notion de modèle est intégrée à notre troisième catégorie relative aux discours sur les qualités sociales de la langue des journalistes : la responsabilité sociale des journalistes en matière de langue (voir section suivante). L’auteur parle de « conditionnement » des citoyens à l’usage de la langue par les journalistes : ce terme est particulièrement révélateur d’un pouvoir d’influence des journalistes en matière de langue. Selon Marcel Boucher, ce pouvoir est plus fort pour les médias audiovisuels que pour la presse écrite. La force de cette influence inciterait même les francophones, s’inspirant du modèle des médias audiovisuels, à considérer la norme orale comme le « Bon usage ». D’après l’auteur, l’implication des médias dans le

240 Schmieder, Maurice (1983), op. cit., p. 18.

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glissement de la norme du « Bon usage » écrit vers la norme orale serait croissante : le pouvoir d’influence des médias en matière de langue aurait donc tendance à se renforcer.

Troisièmement, la large diffusion comme argument pour appuyer la thèse d’une influence de la langue des médias apparait de manière très similaire dans le texte d’André Hella publié en 1988. Toutefois, à l’inverse des deux auteurs précédents, le chroniqueur évoque des acteurs intermédiaires dans le processus d’influence de la langue des journalistes : les grammairiens et les académiciens. Influencés par les journalistes, ces derniers modifieraient progressivement ce qu’ils incluent dans la définition du « bon usage ».

(51) Aujourd’hui, les médias font le langage plus qu’ils ne le reflètent. Leurs néologismes et leurs transgressions de la bonne règle syntaxique arrivent assez régulièrement à

ébranler les grammairiens, puis les académiciens, qui finissent tôt ou tard par les faire entrer dans le bon usage. Qu’on le déplore ou non, il n’est point niable que la langue

de l’audiovisuel joue un rôle culturel considérable242.

Cette dernière citation montre l’imbrication des trois premières idées relatives aux qualités sociales de la langue des journalistes : le reflet, le pouvoir d’influence et la responsabilité sociale. En effet, selon l’auteur, les médias ne seraient plus seulement les reflets mais aussi les moteurs de la langue. En d’autres termes, ils auraient un pouvoir d’influence, leur conférant un « rôle culturel considérable ». L’interprétation de ce que recouvre ici cette expression – simple confirmation du pouvoir d’influence ou responsabilité sociale impliquant un ensemble d’attentes – n’est toutefois pas évidente. Dans la première phrase, l’insistance de l’auteur sur le terme « aujourd’hui » semble indiquer que, d’après lui, les médias ont, historiquement, d’abord été les reflets du langage de la société avant d’exercer une influence sur celui-ci. André Hella ne précise toutefois ni le moment qui a marqué cet éventuel changement ni les éléments qui fonderaient une telle hypothèse.

Quatrièmement, dans sa communication « Le pouvoir médiatique et la langue »243, le professeur de journalisme Gabriel Thoveron condamne une série d’usages linguistiques contenus dans les médias. Il dénonce la tendance qu’auraient l’ensemble des médias à se conformer à la norme orale244 et considère également que ceux-ci contribuent à l’uniformisation de la langue245. Listant des termes anglais « à la mode », il attribue aux médias un rôle dans la perméabilité entre la langue française et l’anglais. Il justifie ses craintes par l’importance quantitative de la consommation des médias et en particulier de la télévision. Après avoir avancé divers chiffres permettant de quantifier cette consommation, l’auteur recentre son propos :

(52) Mais ne cherchons pas à fixer précisément les durées. Contentons-nous de constater combien les médias sont chronophages et, connaissant la plasticité humaine, de suggérer que si les hommes écoutent plus le poste que leurs semblables, ils finiront

242 Hella, André (1988), op. cit., p. 67.

243 Thoveron, Gabriel (1989), op. cit., p. 51‑61.

244 Ibid., p. 56-57.

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par parler comme le poste. Que s’ils lisent le journal plus que le livre, ils écriront plutôt comme le journal que comme le livre246.

Le pouvoir d’influence des médias en matière de langue est ici expliqué par un phénomène présenté comme logique et sous-tendu par la « plasticité humaine » : les citoyens sont soumis à une exposition abondante aux productions des journalistes et sont donc forcément influencés par la langue de ces derniers.

L’argument de la forte exposition des citoyens aux productions journalistiques apparait encore dans la brochure consacrée à l’« anglomanie » en Belgique francophone réalisée en 2009 par la Maison de la Francité, sous la plume du président de l’association Serge Moureaux :

(53) Qu’on pense aux annonces officielles, aux affiches et aux prospectus culturels, aux enseignes commerciales et aux messages publicitaires ou encore à la presse écrite, à la radio et à la télévision, le constat est le même : les messages publics en français sont aujourd’hui émaillés de mots anglais, de locutions ou de tournures anglo-saxonnes, et le phénomène s’amplifie. Bruxelles, de ce point de vue, n’est pas un cas isolé, même si l’anglicisation y atteint un degré particulièrement élevé en raison de son statut de capitale internationale. […]

À nos yeux, une prise de conscience est indispensable dans le chef des « communicateurs » professionnels : journalistes, publicitaires, annonceurs, enseignants, dialoguistes de cinéma, paroliers et autres. Par l’influence qu’ils exercent sur leur public, volontairement ou non, ces acteurs jouent un rôle important dans l’évolution de la langue, un rôle dont, il faut bien le dire, ils ne sont pas toujours conscients. Amplifiés par les canaux à travers lesquels ils s’expriment, leurs choix linguistiques infléchissent pourtant les habitudes du plus grand nombre247.

La large diffusion est ici un argument qui justifie l’influence des productions journalistiques mais également de l’ensemble des textes qui ont vocation à être publics. Cette diffusion à grande échelle et, dès lors, l’exposition importante des locuteurs à l’usage linguistique des journalistes n’est pas le seul argument que l’on retrouve dans les textes retenus. Dans l’article « Médias » du fascicule La langue française de A à Z publié par le Conseil de la langue248, on peut lire :

(54) Parce qu’ils mettent en relation un grand nombre d’individus d’origines sociale et géographique différentes, […] le rôle des médias paraît central sur le plan de la langue et de son évolution. Le fait qu’on les dise aujourd’hui « de masse » et que contrairement au journalisme du XIXe siècle, leur canal privilégié soit oral, a renforcé et transformé cette influence. Le fait que les médias aient à traiter dans l’urgence de l’information (soit, par définition, des faits nouveaux) n’est pas pour rien dans leur tendance à l’innovation.

Le « rôle des médias » renvoie clairement, dans cet extrait, à l’influence de la langue des journalistes sur l’évolution du français. On observe que le rapport à la temporalité apparait dans ce discours sous un autre avatar : cette temporalité n’est pas présentée ici comme un facteur

246 Ibid., p. 52.

247 Maison de la Francité (2009), op. cit., p. 7.

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défavorisant la qualité de la langue des journalistes, mais comme un argument justifiant la créativité linguistique de ces derniers. Il est intéressant de constater que le succès des médias oraux est présenté comme un vecteur de renforcement de l’influence des journalistes sur l’évolution de la langue. Cette thèse vient appuyer l’idée que l’audiovisuel bouscule ou accentue certains arguments du discours relatif aux qualités de la langue des médias.

Dans ce dernier extrait, l’influence linguistique des journalistes est en partie attribuée à des facteurs professionnels : la rapidité caractéristique du travail des journalistes et le fait de devoir nommer des faits nouveaux. Ces facteurs nous semblent particulièrement intéressants en ce qu’ils s’appliquent tout particulièrement aux journalistes. On peut donc conclure qu’à côté d’autres caractéristiques que les journalistes partagent avec une diversité d’acteurs, dont le caractère public de leurs productions, des spécificités propres à l’activité journalistique sont également mobilisées par certains auteurs pour fonder l’influence des journalistes en matière de langue. L’argument selon lequel l’obligation pour les journalistes de nommer des faits nouveaux participe à leur pouvoir d’influence se retrouve également dans plusieurs autres textes249. C’est notamment le cas d’un article publié en 2008 par Michèle Lenoble-Pinson, docteure en Langues et Lettres, professeure et membre du Conseil international de la langue française250 :

(55) Pour désigner les réalités nouvelles, le français, comme toute autre langue, a besoin de mots nouveaux : les néologismes. Ils sont créés à partir de ressources du français ou sont empruntés aux langues étrangères. Dans la langue courante, les créations lexicales, souvent dues aux jeunes, aux journalistes, aux écrivains ou aux intervenants politiques, apparaissent spontanément, se répandent, passent de mode ou s’implantent dans l’usage, puis dans les dictionnaires251.

Les journalistes sont donc considérés par plusieurs auteurs comme des vecteurs, parmi d’autres, d’apparition de nouveaux termes, ce qui signifie qu’un pouvoir d’influence sur l’évolution de la langue leur est reconnu. En 1971 déjà, le philologue Albert Doppagne pointait également des contraintes professionnelles comme facteurs favorisant la création lexicale chez les journalistes252 :

(56) La néologie, pour les communications de masse, est une nécessité. D’abord à cause des techniques employées, ensuite, en raison de la multiplicité des faits à traiter qui recouvrent toute l’activité humaine253.

Plus loin, l’auteur insiste, lui aussi, sur l’incidence de l’essor des médias oraux sur les comportements et l’influence linguistique des médias.

249 Un tel argument est également soutenu par de Villers (2001 : 42) : « Les auteurs de textes journalistiques qui sont tenus de rapporter les nouvelles réalités doivent pouvoir les nommer : situés aux avant-postes, ancrés dans l’actualité, ils favorisent l’implantation fructueuse des nouvelles terminologies, dans la mesure où elles sont à leur disposition. »

250 Lenoble-Pinson, Michèle (2008), « Terminologie franco-belge », La revue générale, n° 4, p. 49-53.

251 Ibid., p. 49.

252 Doppagne, Albert (1971), op. cit., p. 13-22.

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(57) La langue des communications de masse est, plus que toute autre, exposée au phénomène de la néologie par la multiplicité des techniques auxquelles elle recourt, par l’universalité de son objet.

Un élément neuf est constitué par le fait que, jusqu’au premier tiers de ce siècle, la communication se faisait surtout par l’imprimé : les mots avaient surtout une valeur de cliché graphique.

Dès le second tiers du siècle, la communication orale a concurrencé la communication écrite au point de la dominer, situation à laquelle nous arrivons aujourd’hui. Le cliché oral des mots a reconquis une valeur égale au cliché graphique254.

Dans un article de la Revue générale publié en 1967, Marcel Boucher insiste lui aussi sur le rôle des médias dans la production de nouveaux mots et de nouvelles manières de s’exprimer. Il dresse un constat mitigé de l’influence de la presse et de la radio sur l’évolution de la langue255.

(58) Ce qui n’est pas le moins surprenant dans ce que le néo-français traduit du monde extraordinaire où nous vivons, c’est la rapidité avec laquelle les événements se sont inscrits dans la langue moyenne parlée sur tout le territoire de la francophonie. Si l’on songe au temps qu’il fallait autrefois à un néologisme pour s’implanter dans l’usage, la différence avec le passé tient du prodige. Les magies de l’information moderne font de chacun de nous, non seulement le témoin de ce qui se passe partout sur notre planète, mais aussi un acteur involontaire de la rénovation du langage. Dès que nous reprenons à notre compte un mot, une tournure, une prononciation lus ou entendus dans la presse écrite ou parlée, et que nous les répandons autour de nous, nous contribuons à remodeler la langue et à en faire un système de communication nouveau256.

Dans cet extrait, l’auteur insiste sur la rapidité qui caractériserait l’évolution du langage contemporain, en attribuant un rôle d’« acteurs involontaires » à l’ensemble des locuteurs, qui ne feraient que reproduire les nouveaux usages forgés par les médias.

Notre corpus révèle une tension concernant le rôle précis des médias dans l’évolution de