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I.8. Quelques questions éducatives actuelles au Cameroun

4. CONTEXTE D’ENSEIGNEMENT ET D’APPRENTISSAGE DE LA POTERIE

4.3. Les villages : Nsei (Bamessing), Tanzé, Marom

4.3.2. La poterie à Nsei

4.3.2.1. L’autorité traditionnelle

La gestion quotidienne du village incombe au chef traditionnel appelé « fon» à Nsei et à Marom et « fo » à Tanzé. Le chef du village et le chef de quartier représentent les plus petites unités administratives légales. Le chef joue à la fois un rôle de gardien de la culture et de médiateur entre l’Etat et la population.

4.3.2.2. L’organisation de l’activité de poterie à Nsei

Le village comprend 14 quartiers dont trois spécialisés dans la poterie : Mbeghang, Mbaba et Ntokwé. La plus grande partie des observations s’est passé à Ntokwe, chez Marcus. Le village est un grand centre artisanal. La gigantesque exposition des produits tous les dimanches, jours du marché et l’ouverture d’une coopérative d’objet d’art Prescraft en sont les preuves. Cette exhibition ne laisse pas indifférent le visiteur, tellement l’offre est importante. Avant midi, tous les objets sont vendus.

Les familles de potiers se distinguent par le type d’objets qu’elles fabriquent : les carreaux, les tuiles, les masques, les tableaux, le mobilier domestique, les pipes, le mobilier funéraire, les figurines en masques et statuettes, les pots traditionnels, les pots modernes, les briquettes de terre et les grands pots de fleurs pour des ornements publics, les objets rituels, etc.

Les potiers sont en majorité des hommes - phénomène dû sûrement aux organisations artisanales présentes dans la localité - qui travaillent soit à leur compte, soit au compte de l’entreprise ou qui font les deux en même temps. En plus de la spécialisation familiale de la poterie, on note une division sexuée du travail.

Les potières fabriquent principalement les pots et autres ustensiles de cuisine qui leur sont réservés alors que les potiers ont un éventail plus large de produits. Les objets utilisés par les hommes sont fabriqués et vendus par les hommes. C’est le cas des tableaux, des animaux, des portraits, des objets destinés aux personnalités de la chefferie. Cette division est visible au marché. En effet, le marché de pots est divisé en deux : dans le côté gauche, les femmes ont installé leurs pots et dans le côté droit, les hommes ont installé plusieurs types d’objets notamment les portraits.

La division est aussi présente dans le développement des apprentissages. Les apprenants, filles et garçons ne fabriquent pas les mêmes objets et donc ne développent pas les mêmes compétences même si l’on assume qu’ils ont le même niveau d’apprentissage. Par exemple la fabrication du Kefoyèh (pot pour la médecine locale ou du Kemekong (pot pour conserver de l’eau) est une compétence féminine.

Les pots féminins ont des motifs simples en forme de figures géométriques et leur forme est concave. Le pot est le deuxième objet que les filles apprennent à fabriquer après le ke et le kebenyui (assiette à manger). Par contre, les garçons, après avoir appris à fabriquer le Kebenyui (assiette à manger), apprennent à fabriquer le kesomôh (pot pour le bain des hommes). La fabrication du pot intervient plus tard, si la nécessité se fait sentir. La majorité des pots masculins est utilisée pour les cérémonies traditionnelles et les motifs sont différents de ceux sur les simples pots masculins ci-dessus cités. Ils sont faits de lézard, de tigre, de serpent, de scorpion, des animaux qui symbolisent la puissance. Ces motifs représentent les titres de notabilité de la chefferie.

Kefoyèh kémékong

Pot d’ornement fabriqué par un potier de Nsei Pot rituel et pot pour homme, exposé au marché de Nsei

Ces derniers temps, filles et garçons apprennent à fabriquer les mêmes objets. Pour des raisons économiques, la chefferie a levé les interdits sur quelques objets. Elle encourage les potiers et les potières à fabriquer une variété d’objets et de motifs qui intéresseraient et attireraient beaucoup de clients. Marcus m’a fait savoir que ceci fut une doléance que les jeunes adressèrent au chef il y a une année, lors de l’installation d’un jeune artisan comme notable.

Presque tous les potiers exécutent des commandes venant soit des commerçants des villes, soit de l’entreprise Prespot à laquelle certains sont affiliés, en plus des objets qu’ils vendent au marché artisanal du dimanche. Le niveau très élevé de commercialisation des produits et l’implication des familles entières dans l’activité semblent avoir contribué à améliorer la qualité de la production dans le village. La construction des fours, la diversité et la qualité appréciable des outils de décoration, des motifs de décoration ont rendu les produits potiers très attrayants.

4.3.2.3. Les transporteurs de l’argile

A Nsei, il existe des transporteurs d’argile ou beleketchah. La plupart sont des hommes. Les potiers sont très sollicités. Certains sont vieux et fatigués. Ils ne peuvent plus assurer, par eux-mêmes, le creusage et le transport de l’argile. Les gisements sont parfois très profonds mais, ne sont pas éloignés du village, contrairement à ce qui est observé à Marom où le seul gisement d’argile est situé à plus de 8 km du village. Le creusage nécessite alors des personnes fortes. Les potiers payent à vil prix les creuseurs et transporteurs d’argile. Les femmes et les enfants transportent aussi de l’argile qu’ils utilisent pour leur propre travail.

Si le façonnage a lieu dans les maisons, la cuisson se fait souvent dans un local qui sert d’atelier à Nsei, la cuisson se fait dans des fours en brique. Ce qui n’est pas le cas à Tanzé par exemple où la cuisson se fait dans un lieu commun et à l’air libre.

C’est souvent l’occasion pour les potières de se rencontrer. Elles se racontent des histoires pendant qu’elles prennent ensemble un repas. C’est de cette façon qu’elles viennent à bout de la solitude et économisent non seulement du bois, mais aussi

leur énergie. La présence de toutes n’est pas obligatoire car elles fonctionnent par alternance. A Nsei et Marom, les hommes construisent leurs fours derrière leur maison. Autrement, les objets sont brûlés à l’air libre par chaque potier dans les trois villages.