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I.8. Quelques questions éducatives actuelles au Cameroun

5. DÉMARCHE ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

5.5. Difficultés de terrain et limites de l’étude

Plusieurs facteurs ont contribué à rendre la recherche de terrain compliquée : 4.5.1. Le contact difficile

Certains potiers étaient réticents à nous accueillir, redoutant le pillage de leurs objets et de leurs techniques de travail. Pour d’autres, il fallait payer le service.

Dans l’ensemble, ils avaient une attitude de méfiance à notre égard.

5.5.2. Les emplois du temps des potiers

Les emplois du temps de l’activité des potiers ne coïncidaient pas avec ceux des chercheurs. Que ce soit dans les familles ou à l’école, les périodes des examens scolaires, les périodes de vacances, les périodes des fêtes et des animations scolaires, sont des moments qui obligent à observer une pause, ralentissant alors le rythme de travail. Ces périodes n’ont pu être identifiées ni respectées qu’au fil de la

recherche. Par exemple, à l’IFA, pour observer la fabrication entière d’un pot, il faut passer environ un mois et demi auprès des élèves d’une même classe. En fait, la fabrication d’un pot commence par des études graphiques qui durent 3 semaines.

Elles sont suivies des évaluations des projets des élèves. Le montage du pot prend 2 à 3 semaines chez les apprenants débutants et intermédiaires et la décoration prend à peu près le même nombre de temps. S’il faut suivre plusieurs élèves au même moment, alors, ça devient difficile à organiser et à gérer. Mais, nous avons réussi à suivre deux élèves à la fois en les disposant d’une certaine façon dans l’atelier.

Les vacances scolaires, les périodes des veilles de grandes fêtes, les veilles de jour de marché, les saisons de jachères, sont des moments où la production des objets d’art bat son plein. C’est le moment indiqué pour observer le plus grand nombre d’apprenants et de potiers au travail. Malheureusement, il est difficile de respecter ces moments lors de la collecte des données.

5.5.3. La traduction

Les guides et les traducteurs ne restituent pas toujours fidèlement les discours des acteurs. Francis Kului à Nsei, traduisait une phrase de 5 mots en me donnant un discours de plus de 10 mots parce que, pour lui, la réponse du potier n’était pas bonne. Il fallait réaménager son discours. Parfois, il se mettait à aider spontanément un apprenant en difficulté parce que, pensait-il, si le film devait être visionné par un public large, il faut voir un apprenant qui maîtrise son travail et non un apprenant hésitant.

5.5.4. L’inaccessibilité de certaines localités

Dans les villages, les voyages sont faciles en saisons sèches. Certains sites sont situés à plus de 700 km de mon domicile familial. Les routes ne sont pas toujours bitumées. De plus, il n’y a pas d’électricité dans ces endroits aussi éloignés de la ville. Cela génère de l’insécurité. Par exemple, le 19 mai 2005, nous nous sommes retrouvés bloqués sur le bord du fleuve Mbam alors que nous nous rendions à Bankim pour l’identification d’un site. C’était les préparatifs de la fête nationale du Cameroun qui a lieu le 20 mai. Dans la journée, les camions transportaient les populations des villages vers le lieu du défilé. A 17 h, les travailleurs qui font fonctionner le bac arrêtaient le travail. C’est le début du férié de demain. Nous arrivions à 17h30 sur les bords du fleuve isolé au milieu d’une forêt. Nous ne pouvions pas traverser. Il fallait attendre la fin de la fête le jour suivant pour que

notre véhicule puisse traverser. Les piroguiers du village prenaient alors le relais, histoire de se faire quelques sous. Ils ont assuré la traversée des passagers qui se présentaient volontairement à eux. Ne sachant où dormir, nous abandonnâmes le chauffeur seul et la voiture, traversâmes le fleuve en pirogue pour continuer le trajet et retrouver un hôtel. Quinze minutes de traversée sans matériel de sauvetage furent effroyables. Heureusement que tout s’est bien passé après. Comme c’est difficile de faire un travail de terrain ! Je me souviens aussi des pistes non bitumées et accidentées qui bordent des falaises de Tanze et de Marom. Pendant la saison pluvieuse, la moindre distraction du conducteur, sa moindre hésitation conduisent à une descente brutale de la pente et à un dérapage fatal. Seuls le courage, la confiance en soi et en ceux qui nous entourent donnent l’espoir de continuer une aventure à la fois intéressante et effroyable.

5.5.5. Les problèmes d’hygiène et de santé

La question de la rareté de l’eau potable est prononcée à Marom. Plusieurs membres de l’équipe ont été atteints de dysenterie parce qu’ils ont accepté de manger les repas qui leur avaient été offerts par les hôtes, conscient de la qualité de l’eau qui avait été utilisée pour les cuire. Je rappelle que tout refus de notre part est considéré comme un acte d’irrespect, sauf si l’on est ingénieux pour trouver une échappatoire.

5.5.6. Les limites de l’étude

Bien des facteurs ont facilité la collecte des données sur le terrain. Le fait d’avoir travaillé auparavant dans les services pédagogiques et d’avoir été en contact avec les établissements scolaires m’a facilité l’accès aux documents pédagogiques et aux établissements ; mais aussi, le contact avec les potiers des villages car je savais comment et quelles autorités rencontrer en tant qu’étrangère dans une communauté locale. La limite que signale ici est relative à la collecte des données.

Les recherches sur le développement des apprenants recommandent une approche longitudinale. Chaque apprenant est observé du début à la fin de son apprentissage. Mais, les apprentissages durent entre 6 et 7 ans aussi bien dans les villages qu’à l’école. La gestion du facteur temps impose une autre stratégie qui est celle de l’observation en coupe.

La constitution de l’échantillon a été faite avec deux contraintes majeures :

- le statut très variable des potiers et des apprenants dans les quatre sites contribue, avec d’autres facteurs, à limiter le nombre de sujets à observer dans certains sites. A l’IFA, par exemple, en classe de terminale, il n’y a eu qu’une seule fille pour l’année 2004-2005, ce qui ne me permettait pas de pouvoir équilibrer le nombre de sujets observés en fonction du sexe.

- A Marom et Nsei où la poterie est une activité pratiquée par les hommes et les femmes, la fabrication du pot, comme unité d’observation, est réservée aux femmes.

A Tanzé, seules les filles apprennent la poterie. L’observation qui a été faite sur les garçons était mon initiative personnelle. Ces limites, je les découvrais au fur et à mesure que la recherche avançait. Leur précision m’a poussé à opérer des choix conséquents pour l’analyse des résultats.