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I.8. Quelques questions éducatives actuelles au Cameroun

4. CONTEXTE D’ENSEIGNEMENT ET D’APPRENTISSAGE DE LA POTERIE

4.3. Les villages : Nsei (Bamessing), Tanzé, Marom

4.3.4. La poterie à Marom

Interaction créée par la chercheuse interaction habituelle

4.3.4.1. Situation géographique de Marom

Le village est situé à une quinzaine de kilomètres de Foumban, sur la route de Malantuen, dans une région accidentée de montagnes et de vallées. Il dispose du seul gigantesque et intarissable gisement d’argile de la région jusque là identifié, qui est fonctionnel depuis des centaines d’années. Les habitants du village sont spécialisés dans la fabrication de poteries de toutes sortes.

La population est en majorité islamisée. La polygamie est fortement ancrée dans les mœurs ici, contrairement à d’autres régions qui pratiquent la monogamie. De ce fait, les familles vivent dans des concessions. Au centre, se trouve la maison de l’époux, entourée des maisons des épouses (dont le nombre ne dépasse pas quatre).

L’épouse la plus récente vit souvent dans la grande maison de son mari, avec ses enfants, en attendant de se faire construire la sienne. La grandeur de la concession dépend du nombre d’épouses et d’enfants. Les épouses vivantes ou présentes se voient l’obligation de prendre la charge des enfants de leur coépouse décédée ou en absente. Le village Marom est un grand centre artisanal, créé par le roi Njoya.

L’histoire du royaume Bamoun ou de la ville de Foumban dit que les populations de

Marom avaient été sollicitées par le roi Njoya pour construire le sultanat. Marom étant le seul village de la région spécialisé dans la fabrication et la production d’objets en argile. Ils ont fourni des poteaux sculptés en argile, des briquettes, des tuiles, des carreaux, des objets qui ont servi à orner le palais royal. Marom et Nsei partagent des points communs concernant leurs origines, leurs langues et leurs coutumes et la commercialisation des poteries.

Foumban est l’une des plus grandes villes artisanales du Cameroun. C’est aussi une grande région touristique. Foumban est la capitale du sultanat bamoun, siège de la dynastie Njoya qui régna depuis plus de dix siècles en pays Noun. Njoya, le premier sultan de la région, avait organisé son pouvoir autour des familles guerrières, des agriculteurs, des écrivains et des artisans. J’ai visité quelques uns des sites artisanaux importants :

Le palais royal et son musée retracent l’histoire du royaume et des dix-sept souverains bamoun. Le Musée Royal comprend une riche collection d’objets royaux : des trônes magnifiques, des cottes de mailles, des boucliers, des armes, des vêtements, des chapeaux, des pipes, des masques, des instruments de musique, des statues, des trophées de guerre, etc.

Le village artisanal est une rue qui conduit au musée des arts et traditions. Les artisans travaillent le long de cette rue. On y trouve tisserands, vanniers, forgerons, brodeurs, sculpteurs, fondeurs, etc. L’originalité de Foumban vient d’une activité artisanale très variée.

Le Musée des Arts et Traditions Bamoun est situé à 1 km environ du Palais Royal, ce musée fut fondé en 1930 par Mose YEYAP, un collectionneur de talent. Il comporte plusieurs objets typiques : le serpent à deux têtes (symbole de la ruse), l’araignée (symbole de la sagesse), la double cloche de guerre (symbole du rassemblement) ; les pots de toutes sortes, la vaisselle ancienne et les meubles domestiques utilisés par les reines. J’ai obtenu la permission de filmer quelques poteries anciennes de ce musée, mais aussi de nouveaux pots dans le marché.

Ustensiles d’une reine dans les années1930 Pot pour rituel masculin pot de cuisson pour femme

4.3.4.2. La pratique de la poterie à Marom

Ici comme à Nsei, femmes et hommes fabriquent les pots. Il existe une division au niveau du type d’objets dont la fabrication est réservée aux hommes ou aux femmes. Les pères transmettent leur savoir aux fils pendant que les mères enseignent leurs filles. Les femmes fabriquent pots et autres ustensiles de cuisine, masques, les animaux alors que les hommes fabriquent toute sorte d’objets sauf les pots. En effet, la cuisine est considérée comme le domaine privilégié de la femme, et la grande maison celui de l’homme. L’homme qui fabrique des pots perd son honneur et sa dignité parce qu’il empiète sur le domaine de la femme. Les pots sont de deux types : les pots d’usage courant et les pots rituels. Ces dernières années, seuls les pots rituels masculins sont fabriqués en grand nombre. Ils servent aux cérémonies rituelles tellesque l’intronisation à la chefferie, les soins de médecine. Ils sont en général épais et ont des motifs de décoration en relief, symbolisant le rang social de la personne qui les utilise. Les pots pour les femmes sont moins épais, même lorsqu’il s’agit de pot rituels. Les motifs de décoration se comptent par centaines mais les plus connus sont le serpent à deux têtes, le caméléon, le léopard, le lion, l’éléphant. Ce sont des configurations sacrées ou royales que le peuple utilise pour s’adresser à la royauté. Elles symbolisent le pouvoir, la puissance, la protection et la sagesse (Jeffreys, 1945)

4.3.4.3. La vente des pots

Pour ce qui est de la commercialisation des pots, en général ce sont les hommes qui transportent les pots vers la ville pour la vente, parce que le village est enclavé.

Chez Nadidja, par exemple, c’est son mari Nji Oumarou, qui s’en charge. Il a abandonné son métier de potier pour se consacrer à ses fonctions de chef de quartier. Il fait de la vente itinérante des poteries à Yaoundé et à Douala. Il livre

Serpent à deux têtes dessinées sur les murs d’un kiosque, sous les portraits.

aussi des commandes. De plus, beaucoup de réseaux sont organisés pour la commercialisation des objets d’art en général hors du Cameroun. C’est le cas de Salim, un vendeur bamoun d’objets d’art que je rencontre constamment au

« marché aux puces » de l’Unimail, ici même à Genève. Il m’a expliqué comment fonctionne son réseau. Il existe des personnes chargées uniquement du transport des objets jusqu’au fret des aéroports et des ports du Cameroun. Puis d’autres prennent le relais, de l’aéroport ou de la douane maritime vers les magasins et les marchés du pays de destination. De temps en temps, Salim exécute seul toutes ces démarches. Cela lui permet de revenir de temps en temps au Cameroun pour s’occuper de sa famille.