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I.8. Quelques questions éducatives actuelles au Cameroun

3. TYPOLOGIE DES PROCESSUS D’ENSEIGNEMENT ET D’APPRENTISSAGE POUR L’ANALYSE

3.1. La typologie de Greenfield

3.1.1. L’échafaudage et l’étayage

Le concept d’échafaudage est une métaphore. Il désigne un ouvrage provisoire en bois ou métal, dressé pour construire ou réparer un bâtiment. En informatique, il désigne un programme qui est conçu pour déboguer un autre programme et qui est jeté à la poubelle une fois le débogage terminé. L’échafaudage est un dispositif provisoire permettant la construction d’un dispositif particulièrement bienvenu. Ce point de vue semble fondamental pour comprendre le sens de l’échafaudage.

Traduit du terme anglais « scaffolding », l’échafaudage est utilisé par Greenfield (1984) pour construire le modèle théorique du maître dans l’éducation informelle.

C’est un concept tiré de l’article de Wood, Bruner et Ross (1976) « The Role of Tutoring in Problem Solving » pour décrire l’activité par laquelle le maître soutient l’élève dans l’achèvement d’une tâche qu’il ne peut encore réaliser seul.

Bruner (1983b) examine la nature des processus de tutelle et les moyens grâce auxquels un adulte vient en aide à un novice. Spécifiquement, il observe comment une tutrice assiste des enfants de 3 à 5 ans dans la construction d’une pyramide à partir de blocs constitutifs complexes et imbriqués. La traduction en français des ouvrages de Bruner utilise le mot étayage. Il n’a pas la même signification que scaffolding en anglais. Portine (1998) a débattu de cette question.

Bruner (1983 a) utilise le terme étayage pour caractériser le soutien que la tutrice (mère) apporte à l’enfant, centré sur régulation de l’attention et de l’activité conjointes dans un contexte interactif de l’acquisition du langage.

« L’étayage correspond à un effort que fait la mère pour restreindre, en quelque sorte, les degrés de liberté que présente l’exercice et que l’enfant ne peut contrôler ou assurer : maintenir solidement un objet pendant que l’enfant essaie d’en extraire quelque chose, éliminer les sources de distraction, etc. » (Bruner, 1983 a, p. 225).

Il attribue six fonctions à l’assistance de la tutrice : (1) l’enrôlement : elle consiste pour l’expert à engager l’intérêt et l’adhésion de l’élève à la réalisation de la tâche (2) la réduction des degrés de liberté : l’expert comble les lacunes et laisse l’apprenti mettre au point les sub-routines auxquelles il peut parvenir. Son intervention constitue une ressource pour le novice qui en profite pour réparer ses maladresses.

L’expert évalue, informe, répare, remédie.

(3) le maintien de l’orientation : l’expert maintien la poursuite de l’objectif défini en motivant.

(4) la signalisation des caractéristiques déterminantes : la tâche du tuteur est de faire comprendre les écarts. Les deux partenaires s’étant établis dans une relation d’interdépendance, les réactions de l’un dépendront des actions antécédentes de l’autre, montrant ainsi la distance entre les actions de l’expert et celles de l’élève.

(5) le contrôle de la frustration : les interventions de l’expert ne doivent pas créer une trop grande dépendance de l’élève. Hudelot (1989) qualifie cet excès de dépendance d’étayage rigide, amorphe, par opposition à l’étayage organisé ou co-construit. L’expert sélectionne et dose les actions en fonction du degré de réussite de l’élève.

(6) la démonstration : C’est la présentation, de modèles de solution pour une tâche, qui exige plus que la simple exécution en présence de l’élève.

De prime abord, cette définition renvoie à l’échafaudage. Mais, elle comporte beaucoup d’autres apports que l’on n’observe pas dans l’échafaudage.

Portine (1998) relevait déjà la difficulté qu’il y a à traduire le terme de scaffolding en francais. La plupart des études psychologiques et pédagogiques parlent d’interaction d’étayage, de tutelle et de tutorat (Deleau, 1990 ; Crahay, 1999 ; Amigues & Zerbato-Poudou, 1996). A l’origine, les deux termes désignent la même réalité : l’assistance temporelle de l’expert qui aide l’apprenant à accomplir des tâches au-delà de son niveau actuel de développement. Etayage et soutien portent avec eux le sème "appui", sème absent d'échafaudage qui correspond plus à

assemblage destiné à faciliter la réalisation d'une tâche et cet assemblage ne peut être fait que par un expert (Portine 1998). Par contre, dans l’étayage, même un pair peut servir d’expert ou de spécialiste du moment où il peut résoudre le problème en question.

L’étayage serait alors une grande catégorie qui regroupe toutes les activités de soutien du maître.

Pour Greenfield (2004), l’échafaudage est une action non verbale de l’expert qui consiste à réaliser une tâche difficile à la place du novice. Il est localisable à un moment particulier de la fabrication de l’objet. Greenfield a identifié trois tâches difficiles du tissage pour lesquelles la tisserande experte aide l’apprenante: « warp threads stretched between two ends sticks, making a headdle and putting in the selvage string » (Childs & Greenfield, 1980, p. 294). Pour ce qui est de la poterie, le maître à l’école, aide les apprenants débutants en fabriquant lui-même la base de leur pot.

C’est seulement lorsque la paroi atteint environ 5 cm de hauteur qu’il laisse la possibilité à l’apprenant de superposer les colombins. Il revient de temps en temps pour vérifier que l’apprenant est à la hauteur de la tâche et qu’il suit les orientations. Il peut intervenir de nouveau en adaptant son intervention à la nature de la difficulté. L’échafaudage permet au novice de faire progressivement seul ce qu’au début, il ne pouvait faire qu’avec l’aide d’un expert. Greenfield précise que l’intervention de l’expert est basée sur une sélection minutieuse des outils supports qui permettent à l’apprenant de résoudre les difficultés qui se présentent à lui.

Dans ce sens, l’apprentissage est sans erreurs. Ce modèle d’apprentissage, qui est lié à des enjeux économiques importants, favorise la continuité de la tradition. Une continuité dont un des indices est le nombre réduit de modèles (quatre) de vêtements tissés par les femmes Zinacanthèques pour leurs besoins courants. Dans ce sens, l’échafaudage ne permet pas à l’apprenante de faire des innovations. Il ne favorise pas la créativité. Cette hypothèse sera vérifiée par les données de ma recherche.

Greenfield caractérise la nature et les fonctions du scaffolding. (1) C’est un support, qui fonctionne comme (2) un instrument de travail. Il permet au maître (3) de sélectionner ses interventions pour donner à l’apprenant les moyens de développer ses compétences. En cela, (4) il réduit l’écart entre les caractéristiques de la tâche et le niveau de compétence de l’apprenant. (5) L’échafaudage est utilisé quand il est nécessaire, autrement, il disparaît.

L’échafaudage consiste en

« […] calibrated adult intervention that allows the learner to complete a difficult task (such as weaving real cloth on an adult backstrap loom). Scaffolding implies that the adult continuously assesses the ability level of the learner, intervening less and less in the course of the apprenticeship until the girl can weave alone»

(Greenfield, citée par Dasen 2005, p. 371).

Au delà d’une aide, l’échafaudage offre à l’apprenant un modèle de comportement à imiter :

«We can think of the teacher as taking over the weaving hard parts and serving both as a model and a scaffold for the beginning learner» (Greenfield, 2004, p.

61).

L’hypothèse de la diminution de l’échafaudage à mesure que l’apprenant acquiert de l’expérience sera aussi vérifiée.

La notion de ZPD (zone de proche développement), associée à la métaphore d’échafaudage est à l’origine, utilisée pour décrire comment l’enfant acquiert le premier langage dans l’interaction avec l’adulte. Selon Greenfield (1984), cette métaphore s’applique tout aussi bien au contexte des apprentissages informels. Le conte, la lecture, le tissage mettant en interaction le conteur ou le tisserand et l’audience, du moins jusqu’à un certain point. Il s’agit d’une théorie des interactions entre un expert et un novice, tous deux partageant un ensemble des contextes en rapport avec l’activité.