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La position de Pierre Guiraud vis-à-vis du débat physei / thesei : arbitraire évolutif et arbitraire sélectif

du langage pour la motivation du signifiant lexical

1.2.2 La position de Pierre Guiraud vis-à-vis du débat physei / thesei : arbitraire évolutif et arbitraire sélectif

Selon les propos de Gustave Guillaume lui-même dans une de ses correspondances adressées à Michel Lejeune :

Dans son petit livre intitulé La grammaire (n°788 de la collection Que sais-je°?, pp. 54-57),

M. Pierre Guiraud écrit des choses, excellentes par leur justesse, au sujet de mes travaux et de leur essentielle nouveauté.

Vous connaissez l'ouvrage certainement.145

Cette connaissance de Guillaume ne se limiterait pas à une application grammaticale et c’est même au contraire dans l’étude du lexique français que Guiraud va se distinguer de son instigateur. Guiraud adopte en effet une position particulière, celle d’un étymologiste mais tout « en rendant à César ce qui est à César » comme une réponse au fondateur de la psychomécanique :

On songe ici à Gustave Guillaume qui reprenant l’opposition classique entre signifiant et signifié, y ajoute un troisième terme et montre que le langage se développe non sur deux mais sur trois plans [i.e. signifié de puissance, signifié d’effet et signifiant].

[…] Le sens est réductible à un système structuré; quant à la forme signifiante elle n’est qu’une amorce de structure ; un système qui reflète le système conceptuel et tend à se calquer sur lui mais qui se heurte à la pression et aux accidents de l’histoire.146

Fort de ce postulat, Guiraud s’est confronté au lexique en concevant le signe à la fois comme motivé et comme arbitraire :

Les polémiques traditionnelles engagées autour de l’arbitraire du signe, de sa nature, de sa logique, son historicité, etc., changent de sens si l’on admet [que…] tout mot, dans son principe, est motivé et [qu’]il ne peut en être autrement, c’est la condition nécessaire et inhérente à sa fonction ; par la suite cette motivation tend, plus ou moins rapidement et plus ou moins complètement, à s’obscurcir et le signe devient arbitraire ; mais le système continue à générer des synonymes du concept, eux aussi motivés à l’origine et voués à leur tour à la démotivation historique. Le signe est donc toujours motivé au niveau du système et tend à l’arbitraire au niveau du discours historicisé. Relevons, en passant, que la logique de cette contradiction postule l’existence d’un inconscient linguistique engagé dans la structure profonde.147

Sont alors détectés plusieurs degrés de motivation. Il place son étude de la langue dans une perspective achronique et « atopique », ce qui lui vaut de considérer les mots comme des signes situés à une étape précise d’un continuum motivation  arbitrarité. Il retrace alors les

145 Malengreau (1995 : 372). La référence citée est GUIRAUD, Pierre, La grammaire, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n°788, 1961, 127 p.Voir également sur la connaissance qu’avait Guiraud de Guillaume dans GUIRAUD, Pierre, « Gustave Guillaume and Generative Grammar », Language Sciences, 10, 1970, p. 1-6.

146 Guiraud (1986 : 74). 147

étymons et note une influence du sens originel (conservé parfois dans des dialectes ou dans l’argot) sur la création d’un mot. Des recoupements morpho-sémantiques sont ensuite opérés.

Or, cette approche portant sur un système plus complexe que la grammaire amène Guiraud à aiguiser sa vision du signe et à faire la distinction entre l’« arbitraire sélectif » et l’« arbitraire évolutif » (ibid.) Le premier est conditionné par le choix que fait le système pour nommer tel ou tel animal, fleur ou objet, par exemple. Quant au second, il représente la tendance à l’« arbitrarisation » des mots, c’est-à-dire à leur obscurcissement étymologique graduel en diachronie. Autrement dit, le premier correspond à un arbitraire au niveau de la nomination, lors du choix de la caractéristique saillante du segment du monde (« arbitraire sélectif ») et « l’arbitraire évolutif » correspond à l’arbitraire saussurien progressif. C’est ainsi que Lune et lunettes n’ont désormais en français qu’une similarité formelle et de signifiance148 mais que le rapport à l’objet phénoménal, par influence du facteur social externe, a changé. Pourtant, primitivement, la lunette ressemblait à une petite Lune de par sa rondeur.149 Pour Guiraud, la démotivation et la remotivation ont donc une utilité manifeste. Selon lui, la première est « une nécessité inhérente à la nature du langage et à son fonctionnement. »150 Ainsi,

en neutralisant le sème lexicogénique, [elle] libère le mot des contraintes paradigmatiques sur lesquelles s’était, d’abord, fondée sa signification ; il s’ouvre alors à toutes ses virtualités qui l’orientent vers de nouveaux sens et de nouvelles formes. […] Le mot est ainsi libre d’entrer dans de nouvelles relations ; mais la nature et le nombre de ces relations sont limités par la structure du système lexicogénique.151

Cette conception de liberté versus contrainte du signe entre dans le cadre du paradoxe du lexique auquel l’auteur souscrit. Le signe se trouve en effet assujetti à son propre réseau morpho-sémantique. Si un mot est démotivé c’est pour être remotivé. La démotivation n’est donc conçue que comme une étape avant la prochaine remotivation du mot. Quoi qu’il en soit, il n’est jamais totalement immotivé, ce que Puech affirmera plus tard en rejoignant Guiraud sur l’idée d’un arbitraire provisoire :

La vie sémiologique de la langue en effet, si elle commence avec l’arbitraire absolu –qui constitue comme sa condition transcendantale et inconnaissable (il n’y a pas de premier contrat et rien dans la vie de la langue ne saurait être « premier » et connaissable) – réside

148

Voir pour la définition de ce terme dans le glossaire de début de travail ou dans la partie sur le groupe Chevalier, Launay, Molho (cf. 1.2.3).

149 Précisons cependant que la signifiance de lunette restant la même, l’évocation d’un objet en rapport avec la Lune reste possible. En effet, il n’est pas que cette caractéristique de la Lune que les lunettes possèdent : la brillance des verres peut renvoyer à celles de la Lune. Ici et là il peut y avoir reflet (la Lune étant une source secondaire de lumière). Initialement en effet d’autres objets ronds auraient pu être choisis pour nommer l’objet « lunette » mais il n’en fut rien.

150 Guiraud (1986 : 259). Pour une clarification de la notion de sème lexicogénique, cf. 2.1.2.2 et 2.1.2.4. 151

principalement dans le travail incessant de démotivation / remotivation de la langue sur les deux axes paradigmatique et syntagmatique.152

Mais ce processus de démotivation / remotivation n’empêche pas Guiraud de fonder le courant de l’étymologie structurale basé sur la conception d’un signe motivé (structurations morphologiques, sémantiques, sémiques, etc.) ou iconique (structurations par onomatopées au sens large) une fois intégré en paradigme tout en souscrivant aux idées de Guillaume. Nous aborderons en détail en 2.1 cette démarche et sa portée épistémologique. Pour l'heure, étudions les conclusions des Guillaumiens initiateurs de ce que l’on nomme le courant de la « linguistique du signifiant » et leurs postulats concernant l’« homonymie », la « synonymie » et la « polysémie », conception extrême des postulats guillaumiens de l’unité et de l’unicité du signe.

1.2.3 La priorité accordée au signifiant : le rejet de l’« homonymie »,

de la « synonymie » et de la « polysémie » de langue

Jean-Claude Chevalier, Michel Launay et Maurice Molho se sont penchés particulièrement sur la (psycho-)sémiologie. Marie-France Delport justifie et explique le postulat et la méthode y afférant dans le premier numéro de la revue Chréode. Vers une

linguistique du signifiant :

Une linguistique qui se donne pour principe absolu, théorique et méthodologique, de tenir pour indissociables les deux faces qu’on nomme signifié et signifiant. Une linguistique qu’on pourrait tout aussi bien, en vertu de cette indissociabilité, nommer linguistique du signifié. Pourquoi choisir, pour désigner ce qui est unique, le substantif déverbal ‘opératif’ plutôt que le substantif déverbal ‘résultatif’ ? L’un impliquant l’autre, dire l’un suffit à évoquer les deux. Mais aux yeux de qui néglige cette indissociabilité radicale, choisir pour terme emblématique le signifié serait inopérant : on croirait, à tort évidemment, à une approche indifférente à la surface, à une linguistique affranchie de ce qui pourtant la constitue en étude d’un système de représentation. […] C’est au bout du compte, s’employer à lire, dans le signifiant, le signifié, c’est-à-dire la propriété que les sujets parlants, au cours de l’histoire, ont aperçue dans tel objet du monde phénoménal et qui dès lors en est devenue le signe, le signal et le substitut dans le monde langagier.153

Ce postulat suppose donc de revisiter totalement la dichotomie signifié de langue vs. signifié

de discours présentée par Guillaume. Ce courant a, pour cela, recouru à ce que Benveniste

nomme les niveaux du sémiotique et du sémantique.

152 Puech (2003 : 168-169). C’est l’auteur qui souligne. Il est cependant possible d’objecter que si une telle flexibilité est possible et nécessaire dans le langage et particulièrement dans le lexique, elle peut être présente à un autre endroit. En effet, selon nous, ce n’est pas tant la forme du mot qui peut devenir arbitraire qu’un autre de ses segments qui peut le remotiver. Ainsi, nous avons une sorte de liberté déterminée, un important « taux de rotation » des mots (re)motivés en quelque sorte.

153

1.2.3.1 Les deux niveaux du sémiotique et du sémantique

Selon Benveniste (1966b : 225) :

Le sémiotique se caractérise comme une propriété de la langue, le sémantique résulte d’une activité du locuteur qui met en action la langue. Le signe sémiotique existe en soi, fonde la réalité de la langue, mais il ne comporte pas d'applications particulières ; la phrase, expression du sémantique, n'est que particulière. […] Une première constatation est que le « sens » […] s’accomplit dans et par une forme spécifique, celle du syntagme, à la différence du sémiotique qui se définit par une relation de paradigme.

Chevalier, Launay et Molho ont trouvé dans les propos benvenistiens l’aliment d’une contestation de la diversité du signe. Face à la sémantique structurale qui postule plusieurs signifiés pour un même signifiant, ces linguistes ont cherché l’invariant sémantique qui fédérait certains mots et en ont déduit une partie du signifié. Chevalier (1985 : 349-353) a ainsi retracé l’évolution de la lexie boîte aux lettres. Selon Littré, elle évoque « la boîte d’un bureau de poste où le public dépose ses lettres »154. Il constate alors que le Robert de 1966 la même définition presque un siècle après Littré. Ce n’est que dans le Trésor de la Langue

Française qu’apparaîtra l’entier des capacités référentielles de boîte aux lettres. On y lit en

effet : « [r]écipient placé dans un lieu public, à l’entrée d’une maison ou d’un immeuble, avec une ouverture destinée à recevoir le courrier » (TLFi, s.v. boîte aux lettres). Chevalier note ensuite que le signe boîte aux lettres en soi n’interdit pas l’évocation de la sphère privée. Il ne l’a d’ailleurs jamais empêchée : « [c]e qui a changé, c’est la société, son organisation, ses mœurs. »155 Donc, et comme l’auteur l’énonce fort bien :

inchangé dans sa constitution, il a varié dans ses pouvoirs. […] La « constitution » du signe reste du domaine du sémiotique, donc de la langue alors que ses « pouvoirs », ses capacités référentielles relèvent du sémantique, donc du discours. 156

Cette déduction déplace le point de vue théorique en ce qu’au lieu d’un signifié de langue et plusieurs signifiés d’effet, l’intérêt n’est porté que sur le signifié de langue, seul habilité à être nommé signifié. Ce rapport de permission impose de facto la notion d’unilatéralité signifié  capacités référentielles. L’on ne peut donc replacer ou rétroplacer,

comme l’écrit Chevalier (1980 : 79), dans le signe ce qui n’est que permis ou non interdit par lui dans un aval discursif. Chevalier met ainsi en garde contre ce qu’il appelle le « péché de réalité » qui consiste à substituer

sans même s’en aviser, une représentation à une autre : celle qu’il sait se montrer par la considération d’un objet au monde à celle qui constitue l’armature même du mot dont il use pour évoquer ledit objet.157

154 Littré (s.v. Boîte aux lettres) cité par Chevalier (1985 : 349-350). 155 Chevalier (1985 : 350-351).

156 Chevalier (1985 : 349). 157

La priorité est donc de voir par quel biais motivant le signifié active ses aptitudes discursives, mécanisme d’activation qui ne saurait être que du domaine linguistique. C’est alors le signifiant qui est logiquement considéré comme contributeur en tant que « face visible du signe ».

1.2.3.2 Limitation et extension des capacités référentielles par la signifiance

Ces trois linguistes prônent un phénomène de motivation qui repose sur « un mécanisme d’association de signifiants par analogie de forme »158. Launay explique que

le signifiant peut faire l’objet d’une lecture, d’une analyse qui l’intègre, par associations, dans

un réseau où chaque terme est pris avec les autres dans des rapports de ressemblances et de différences : on y reconnaît la pression paronymique et son contraire : la pression

différenciatrice. Or le monde des référents est lui-même pris dans un autre réseau de ressemblances et de différences, d’identité et de diversité. La signifiance, telle que je l’entends, serait le résultat de la mise en rapport, par analogie, de l’un et de l’autre réseaux de

ressemblances et de différences : cette mise en rapport est ce qui va conférer au signifiant une

certaine valeur.159

Cette signifiance se présente « comme une lecture du signifiant, par établissement d’un rapport analogique entre les ressemblances et les différences que j’y reconnais et les différences et les ressemblances qui structurent mon appréhension de l’univers référentiel. » La signifiance est fondée sur le rapport complémentaire entre les écarts et les proximités morpho-sémantiques montrant alors une prise en compte intéressante des analogies comme des dysanalogies. La signifiance représente donc la manifestation de ce subtil équilibre en sémiologie et chaque signe en possède, de ce fait, une propre.

Quelle serait alors l’influence de la signifiance sur les capacités référentielles (i.e. sur les sens des mots en discours) ? Selon Chevalier, Launay et Molho, la signifiance est ce qui

conditionne les capacités référentielles. Comme nous l’avons illustré supra avec l’exemple de

Jean-Claude Chevalier, la lexie boîte aux lettres est compatible avec la référence à la boîte individuelle, privée, de chacun ou collective, publique de la Poste. C’est dans une relation univoque de compatibilité que la signifiance limite quantitativement et qualitativement les capacités expressives à un certain champ de référentialité. 160 Cela est dû ici au caractère libre

vs. contingent du signe selon Guiraud. À l’inverse, « la référence est le produit d’une

combinatoire ».161

158

Launay (1986 : 37). Il s’agit en réalité plus précisément d’un ensemble de mécanismes corrélatoires, lesquels restent précisément à déterminer.

159 Launay (1986 : 37). C’est l’auteur qui souligne.

160Cf. Launay (1986 : 38) : « la signifiance limite les références possibles ». C’est l’auteur qui souligne. 161

Launay désigne alors la vertu permissive (ou, à l’inverse, prohibitive) de la signifiance. Les capacités référentielles ont passé un test, un test double qui médiatise, d’une part, l’entrée et, d’autre part, le maintien en discours. Cette duplicité se retrouve dans les lieux de détection du « conditionnement » de la signifiance :

• Tel morphème, dans tel schéma syntaxique, n’est compatible qu’avec tel ou tel types de références (tel ou tel « effets de sens »).

• Tel morphème n’est compatible avec tel ou tel effet de sens que dans telle ou telle combinaison syntaxique.

Où l’on voit que la signifiance (inconsciente) dont est porteur le morphème serait conditionnante à l’endroit :

- des divers effets de sens possibles des phrases dans lesquelles ce morphème figure (elle limite la diversité des références possibles) ;

- des combinaisons syntaxiques qu’il requiert pour que soit produit tel ou tel effet de sens (la signifiance conditionne ici la combinatoire syntaxique du morphème).162

Ainsi, le signifiant, moyennant la signifiance qui lui donne toute sa valeur et sa portée, représente un moyen d’accès au signifié du mot. Or, les capacités référentielles sont propres à un assujettissement à la conscience des sujets parlants, à leur compétence linguistique. Cela a amené les trois linguistes à établir la notion de référent conceptuel.

1.2.3.3 De la notion fondamentale de référent conceptuel163

Tout d’abord, Chevalier, Launay et Molho font une distinction interne au domaine phénoménal entre référents conceptuels et référents expérienciels. Launay explique la différence entre les deux niveaux comme suit :

[Par] référent conceptuel, on peut entendre la définition en compréhension d’une catégorie

d’êtres, grosso modo : le concept. Ainsi (l’individu x de sexe masculin) n’est pas un être, mais

la définition en compréhension d’une catégorie dans laquelle je puis ranger une infinité d’êtres qui constitueront, très précisément, autant de référents expérienciels […]164

Cette nuance est de l’ordre de la conscience du sujet parlant. Ainsi, le locuteur peut n’avoir d’un signifié qu’une conception très parcellaire constituée d’un ensemble des capacités référentielles qu’il autorise. Mais cet ensemble est d’importance. Il représente en effet la compétence linguistique du locuteur. Selon Chevalier, Launay et Molho :

La compétence linguistique, c’est-à-dire le savoir qui permet au sujet d’utiliser correctement les signes, est une connaissance non pas du rapport signifiant/signifié, mais du rapport

signifiant/référent conceptuel. Cette connaissance se réduit pour le sujet à savoir que

162

Launay (1986 : 25). C’est l’auteur qui souligne.

163 Nous prendrons garde à ne pas confondre les référents conceptuels et la notion de concept telle que nous l’utiliserons dans ce travail, cf. 1.1.1.

164 Launay (1986 : 18). C’est l’auteur qui souligne. Voir également le schéma ainsi que les commentaires relatifs à cette distinction dans Chevalier-Launay-Molho (1984 : 37-40).

l’émission du signifiant constitue un stimulus ou signal suffisant à évoquer la totalité des référents conceptuels. A cela se limite la compétence consciente du sujet.165

Il ne s’agit donc plus d’un rapport entre signifiant et signifié mais d’un rapport transversal entre signifiant (linguistique) et référent conceptuel (objet phénoménal). Ce lien est, par exemple, à la base de jeux ou de faits d’étymologie populaire. Ce n’est qu’a posteriori que le signifié est altéré par l’usage que l’on fait des signes car il ne faut pas oublier que les premiers ouvriers de la langue sont les locuteurs.

C’est ainsi que, si le sujet parlant confère analogiquement un « sens » à un signe, il ne lui attribue pas ce que ledit signe ne signale pas. Par exemple, golfín (« bandit de grands chemins ») référant à un « être mauvais » ne pouvait facilement contenir un segment interprétable comme un suffixe diminutif, parfois même affectif (-ín). Il a donc évolué en

golfo. Quant à golfín, non viable, il a fini par ne plus être usité si ce n’est pour référer à ces

individus de l’époque où le mot s’employait toujours (cf. Corominas, s.v. golfo II).

Ce postulat s’avère donc très intéressant pour la rationalisation de telle ou telle sémiologie mais la question reste entière des affinités de signifiants (paronymie, voire poly-référentialité) et des affinités de signifiés (principe de la co-poly-référentialité).

1.2.3.4 Le traitement de la poly-référentialité (« homonymie » et « polysémie ») et de la

co-référentialité (« synonymie »)

Par ce redécoupage théorique, les auteurs récusent l’idée d’une polysémie de langue, à savoir un signifiant pouvant être lié à plusieurs signifiés. Le postulat de la motivation du signe est donc envisagé ici de manière biaisée. La vertu à sens unique, permissive ou prohibitive, de la signifiance à l’endroit des capacités référentielles n’est en effet pas du registre du débat sur l’arbitraire. Les illustrations données ci-dessus démontrent bien que le signifiant a un pouvoir –nous dirons, pour notre part, un potentiel.

Ainsi, selon les trois chercheurs, deux mots considérés comme « synonymes », c’est-à-dire référant à la même chose, « au-delà de l’identité référentielle, […] marqueront toujours

deux points de vue différents sur cette chose. »166 Deux mots ayant deux sens « équivalents » mais deux signifiants / signifiés distincts ne peuvent donc, par voie de conséquence, recouvrir exactement le même champ de capacités référentielles. En somme, « il n’y a au niveau de la

165 Chevalier-Launay-Molho (1984 : 38). Ce sont les auteurs qui soulignent. Cette notion de compétence transcende, en quelque sorte, les niveaux de norme et de parole selon Coseriu. Cf. COSERIU, Eugenio, Sprache: Strukturen und Funktionen ; 12 Aufsätze zur allgemeinen und romanischen Sprachwissenschaft. In Zsarb. mit Herbert Bertsch und Gisela Köhler hrsg. von Uwe Petersen, Narr, Tübingen, 1979, p. 54. (éd. or. 1971).

166 Chevalier-Launay-Molho (1988 : 47). Nous soulignons. Notons que cette notion de point de vue est très proche de celle de saillance que nous expliciterons plus avant.

langue ni homonymie ni synonymie »167. Or, si le signifié n’est que de langue, fort de

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