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TEMPS 3 : EFFETS SUR LES DESTINATAIRES

2.6 Ponctuer le haut lieu patrimonial

L’intervention d’Isozaki a donc servi à compléter un projet de réinvestissement de sens dans un patrimoine relativement nouvellement consacré (industriel), mais attaché aux valeurs locales, l’identité catalane et le lieu dans lequel il s’inscrit. La seule réani- mation du lieu aurait été bénéique pour ce patrimoine, mais Isozaki, sans faire de coup d’éclat, réussit à lui donner une pertinence autre et à faire des liens avec son voisin, le pavillon Mies van der Rohe. Transition entre l’extérieur et l’intérieur, marquage commu- nicationnel pour signaler le nouveau lieu et servant de distributeur d’espace, l’entrée et le vestibule d’Isozaki ponctuent la Casaramona en s’y intégrant de façon acceptée par le

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public et permet un nouveau coup d’envoi à la Fondation La Caixa dans la diffusion de ses nouveaux centres en Catalogne et dans le reste de l’Espagne.

La Caixa, en impulsant la réanimation de l’ancienne Casaramona, a contribué à la production du haut lieu patrimonial tel que décrit par Jean Davallon dans « Produire les hauts lieux du patrimoine » (1991), où il esquisse déjà les étapes de la patrimonia- lisation qu’il développera plus tard. Il précise son analyse sur les hauts lieux patrimo- niaux, plutôt que sur les patrimoines en général, donc sur les édiices ou sites qui sont considérés des hauts lieux soit à cause du « génie du lieu », soit par leur charge sym- bolique, soit encore par leur caractère historique (sans être des hauts lieux, Davallon précise que ces derniers mobilisent l’imaginaire, les séparant des lieux ordinaires). Cet auteur s’appuie sur les textes de Krsysztof Pomian (1987, p. 43 et 1981, p. 57-68) pour formuler sa déinition des hauts lieux :

Il s’agit de lieux qui, comme les objets archéologiques eux-mêmes, sont passés de l’état d’objets fonctionnels à celui de déchets (ils sont des « ruines » ou des « restes »), pour ensuite, après leur découverte, acquérir le statut de porteurs de signiication. Après leur découverte comme objets déchus et sans usages, ils sont exaltés et promus au rang de sémiophores, pour reprendre le terme de Pomian. (Davallon, 1991, p. 91)

En effet, l’annonce de l’exposition du Barça puis celle de la reconversion, après des années d’oubli patrimonial quand le lieu était utilisé comme caserne de police, contribua au discours de « résurrection », « redécouverte », d’un site dont on déplorait le manque de mise en valeur patrimoniale. Si la Casaramona était déjà déclarée comme patrimoine national, l’édiice n’était au centre d’aucun discours concernant sa valeur patrimoniale ni d’aucune action pour la valoriser. Sa reconversion a été accompagnée de discours, et sa restauration porteuse de signiication, rendant justice non seulement à un patrimoine moderniste célébré dans Barcelone comme racine identitaire de la nation catalane, mais aussi d’un patrimoine industriel, patrimoine relativement récent dans l’histoire de sa reconnaissance. Sa période d’occupation la plus longue (par la police nationale) est toutefois presque complètement oblitérée de ces nouvelles repré- sentations. La Casaramona est plutôt devenue symbole de la richesse technologique et

industrielle de Barcelone, capitale de la Catalogne, grâce à son système électrique et de protection contre l’incendie, ainsi qu’un monument phare dans le travail de Josep Puig i Cadafalch, représentant une transition dans la mentalité artistique et politique du moment. La Casaramona, grâce à sa réanimation, est donc devenue un sémiophore pour être valorisée comme tel, représentant cet « ailleurs temporel et originel qui se- rait autrement invisible et, comme lieu, acquiert ainsi un caractère sacré » (Davallon, 1991, p. 91). La restauration et la reconversion de la Casaramona représentent donc la première étape de l’actualisation du lieu, correspondant à la manière plus classique d’intervenir dans le patrimoine.

L’insertion d’un élément dans un nouveau langage architectural, avec un archi- tecte étranger (et non catalan), apporte le soufle nécessaire pour vraiment plonger le site dans une actualité et le projeter vers le futur, dépassant l’étape de la « célébration de la trouvaille » puis de sa transmission. Il y a une volonté d’imprégner une marque dans le présent avec des références autant au site même qu’à son environnement. En effec- tuant une « connexion par assimilation », soit un lien formé en référence à un élément physique (Strike, 1994), avec les formes du pavillon Mies van der Rohe, l’intervention d’Isozaki fait aussi une « connexion par association », c’est-à-dire qu’elle s’engage dans un lien davantage conceptuel. En effet, l’hommage rendu aux formes du pavillon l’est tout autant en raison de ce que la reconstruction de ce pavillon signiie pour Barce- lone et pour l’Espagne, soit un certain rattrapage de sa modernité à la suite du retour de la démocratie et de l’entrée du pays dans la communauté européenne. Cette modernité célébrée est aussi pertinente par rapport à son engagement envers l’ancienne usine ; en effet, elle représente la modernité des techniques (elle était la première fonctionnant entièrement à l’électricité), mais aussi du style catalaniste, qui mélange historicisme et nouveaux matériaux (tel le fer forgé).

En plus de prolonger l’idée de modernité pour le site grâce au langage claire- ment inscrit dans son temps et aux liens créés avec le pavillon de Mies van der Rohe, l’intervention d’Isozaki annonce la nouvelle fonction du lieu, la détournant de sa fonc- tion première industrielle en causant une rupture avec l’édiice existant, rupture qui crée toutefois un pont entre l’extérieur (l’entrée des visiteurs) et l’intérieur (le centre culturel et social). Elle lui « invente une in » (Rouillard, 2006), une in qui n’aurait pu être prévue avant la reconversion du lieu et qui complète cette nouvelle fonction.

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L’accès du CaixaForum d’Isozaki ponctue donc le patrimoine, car sans être la transformation majeure du lieu, elle lui apporte cette qualiication contemporaine, esthétique, mais aussi symbolique, en la reliant à d’autres interventions semblables à l’international. Un effet d’hybridation se crée, non seulement temporellement, mais aussi géographiquement, en jouant entre les échelles local/national/international, inté- rieur/extérieur, édiice/site, passé/présent/futur.

i « és la pròpria implantació de l’ediici la que genera posteriorment l’apari- ció d’una trama urbana, el disseny i orientació de la qual quedaran condicionats per l’existència de l’ediici ».

ii « arrinconar a los Vitruvio, para inspirarse en los Viollet ».

iii « conjunto de gran coherencia formal, en el que las diversas soluciones es- tructurales y los detalles están resueltos con perfección tecnológica tendente al funcio- nalismo ».

iv « el momento mas brillante de la historia de la arquitectura en Cataluña ». v « tracta de retornar a la Ciutat de Barcelona aquesta obra mestre […] per mitjà de la seva rehabilitació i nou ús ».

vi « se convertirá en un nuevo referente arquitectónico de la ciudad ». vii « ya que esperamos que la visiten más de medio millón de habitantes ». viii « tremendamente arraigado en la historia de Cataluña y en un ediicio que se recupera para la ciudad; una de esas pequeñas joyas que tenemos en el país ».

ix « al que se accede a través de un volumen de vidrio que se propone como signo anunciador del nuevo uso. Sobre estas premisas fundamentales se propone una intervención en la que el contraste entre la fría nitidez de lo nuevo y la calida aspereza de lo antiguo se traduzca en un nuevo equilibrio del conjunto. »

x « consistirá en deinir y aplicar la idea de una manera más arquitectónica ». xi « la intervención en el espacio exterior requería el diseño de nuevas estruc- turas externas de gran impacto visual que funcionaran como punto de referencia y atracción ».

xii « Habré pasado cientos de veces entre ellos y por el entorno de Montjuïc cuando planiicaba el Palau de Sant Jordi y los conozco muy bien. »

xiii « de esta forma, mi obra representa una mediación entre la estructura de hierro de la antigua fábrica y el acabado sumamente plano y sencillo, del Pabellón Barcelona ».

xiv « con este elemento trato de respetar el ediicio de Puig i Cadafalch, y esta- blezco un diálogo con el cercano pabellón alemán de la exposición del 29 de Mies van der Rohe. Los dos ediicios son como dos mujeres que se miran, por lo tanto no quiero que haya nada que distorsione esa comunicación. »

xv « comparándolos a dos mujeres guapas que se observan mutuamente ». xvi « hasta ahora la presencia del ediicio era casi testimonial ».

xvii « [La Casaramona] ha sido durante décadas, debido a su abandono y a su ubicación, un ediicio casi invisible para el ciudadano ».

xviii « además, cuando se urbanizó la zona, quedó como escondido al no favore- cerle el sentido de la pendiente ».

xix « Por el lugar y por los sucesivos destinos que padeció fue olvidada y, lo que es peor, degradada. »

xx « También ha contribuido a ello un talante muy propio de los barceloneses, cual es el de estar acostumbrados a tenerlo todo muy a mano; demasiado. »

xxi « La ciudad fue el motor de la industrialización catalana y paradigma de la nueva estructura social y económica surgida de los cambios de la Revolución Indus- trial. »

xxii « una de las reliquias de la arquitectura industrial barcelonesa ».

xxiii « la fàbrica Casaramona « és a l’arquitectura industrial catalana el que la Sagrada Familia és a l’art religiós ».

xxiv « tampoco es un patrimonio para la contemplación per se ».

xxv « no quiero pertenecer a ningún país. Soy un ciudadano del mundo y menos japonés de los arquitectos. »

xxvi « coronada por un cubo de cristal de reminiscencias minimalistas ». xxvii « la entrada al recinto con los árboles metálicos es perfectamente com- patible con la estructura de ladrillo modernista de Casaramona y compatible con el pabellón Mies van der Rohe ».

xxviii « Un dels éléments més reeixits del projetcte és la integració del pati anglès a cel obert i el vestíbul, ja en el soterrani, separats només per una gran paret de vidre. »

xxix « D’alguna manera, el projecte segueix la línia que va iniciar el Louvre de París i que després han imitat altres grans museus a tot el món : un símbol d’accés a un vestíbul soterrat que dóna entrada a totes les dependències del complex. »

xxx « Una formula que remite a la pirámide de cristal del Louvre, hecha por otro japonés, el también arquitecto Pei. »

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xxxi « Era importante tener dos polos que señalan claramente la entrada y por esto opté por esos árboles artiiciales que como objetos destacan en el conjunto y sir- ven de referencia al visitante. »

xxxii « el árbol saluda a quien llega a Casaramona ».

xxxiii « que el espectador contemplará en función de su memoria individual ». xxxiv « Es una muestra de la pervivencia de los valores de un patrimonio que, después de haber servido dignamente la función para la que fue concebido, es capaz de convertirse en contenedor cultural que tiene que ver pasar el presente del arte y de la ciencia. »

xxxv « se suma al enclave turístico-cultural formado por la Feria de Barcelona, el Museo Nacional de Arte de Cataluña y la Fundación Joan Miró ».

xxxvi « El enclave urbanístico no podía ser más signiicativo : al pie de la mon- taña de Montjuïc o, lo que es lo mismo, junto al recinto ferial más importante de la ciudad, no lejos de la Fundación Miró y del Museo Nacional de Arte de Cataluña y apartado del núcleo urbano del Raval y, con ello, de instituciones como el MACBA y el Centro de Cultura Contemporánea. »

xxxvii « siguen la estela de los beneicios mediáticos producidos por el proceso de “cultura global” ».

LA PROLONGATION :

MUSÉE CENTRE D’ART REINA SOFÍA - MNCARS, MADRID (JEAN NOUVEL, 2005)

Contrairement à la ponctuation qui agit comme signalisation d’un lieu mais qui peut prendre des formes aussi diverses qu’un élément d’accueil, un vestibule ou encore un toit, répondant à des besoins différents, la prolongation est généralement motivée par un besoin d’agrandissement d’un lieu. La prolongation comme processus commu- nicationnel suppose une continuité de l’existant, matérielle ou idéelle, et se matérialise dans des annexes à des édiices principaux sans pour autant que la fonction de ceux-ci change. Ainsi, l’édiice principal demeure le point d’ancrage et de référence à l’ajout architectural, tout en restant ouvert à de futures additions, dans l’idée de cumul.