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TEMPS 3 : EFFETS SUR LES DESTINATAIRES

3.2 D’Hôpital général à musée d’État

3.2.2 Centre d’Art Reina Sofía (CARS)

L’idée de reconvertir l’édiice à des ins culturelles proposée par Luis Moya dans son rapport à l’Académie des beaux-arts de San Fernando suivit son cours à l’arri- vée de Joaquín Pérez Villanueva comme directeur général des beaux-arts au ministère de l’Éducation et des Sciences en 1974, qui apporta une attention spéciale au dévelop- pement d’une politique des beaux-arts. Villanueva développa le projet La colina de los

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museos [la colline des musées], pour favoriser le regroupement de musées autour du Prado, incluant entre autres l’utilisation de l’Hôpital provincial à des ins culturelles. Cependant, comme aucun projet unitaire ne se dessinait pour la reconversion de l’an- cien hôpital, il fut décidé de créer un ensemble pour accueillir divers services culturels et administratifs mal logés ou n’ayant pas trouvé de place ailleurs48.

Tout en esquissant un plan sans grande cohérence mais penchant de plus en plus vers la thématique de l’art du XXe siècle, les travaux de restauration et d’adaptation de

l’édiice pour sa reconversion débutèrent en juillet 1980 pour se terminer à son ouver- ture, en 1986 (ig. 3.5). En 1980, la Direction générale des beaux-arts, après l’achat du bâtiment, en transféra la gestion au ministère de la Culture, qui mandata Antonio Fer- nández Alba pour sa restauration. Sans destination précise au début de l’intervention, les différentes fonctions de l’édiice furent attribuées à la in des années quatre-vingt49,

mais il fut décidé que la majorité de l’édiice serait occupée par les fonds du Musée d’art contemporain (MEAC), qui y seraient transférés.

48 Le Musée des reproductions artistiques, le Musée archéologique, le musée du Pueblo es-

pañol, le musée du Théâtre, le Centre d’information et de documentation artistique, l’Institut bibliogra- phique national, le Ballet national et l’Institut de conservation et restauration des œuvres d’art, entre autres (Gámez et Blanco, 1997, p. 37).

49 Le Musée des reproductions artistiques au demi sous-sol, le musée du Pueblo español, la Bi-

bliothèque des jeunes et le musée Sabatini au rez-de-chaussée, puis la suite du musée du Pueblo español ainsi que le Musée ethnologique au premier étage ; le deuxième étage hébergerait le musée du Théâtre et celui du Cinéma, l’étage supérieur la Filmothèque nationale avec salle de projection puis, inalement, au quatrième étage, l’Institut bibliographique et le Dépôt légal (Muñoz Alonso, 2010, p. 549).

Figure 3.5 Reconversion de l’ancien Hôpital général de Madrid en Centre d’art Reina Sofía (CARS). Maquette, 1986 ? (AC-MNCARS nº temporaire 3511.)

La restauration, qui constituait une première phase de récupération de l’édiice avant sa reconversion, se situait à cheval entre les deux thèses opposées de la restaura- tion, car l’édiice était considéré à la fois comme document historique et comme objet architectural sur lequel on pouvait intervenir (Cabañas Bravo, 1989, p. 93). Tout en recevant l’approbation de la presse quotidienne, la restauration fut critiquée par des secteurs professionnels. Oriol Bohigas50, par exemple, considérait l’édiice « plus laid

que l’Escorial » et dénonçait sa déclaration patrimoniale par les traditionnalistes madri- lènes (Cabañas Bravo, 1989, p. 94).

Au printemps 1986, le CARS fut inauguré par le gouvernement socialiste comme Centre d’art moderne et contemporain. En 1988, il fut converti en musée natio- nal Centre d’art Reina Sofía (MNCARS)51, et sa collection permanente fut inaugurée

en 1992. Auparavant marginalisée dans un endroit à l’écart du centre, la collection

50 Personnage important en urbanisme, ayant été directeur de l’École d’architecture de Barce-

lone jusqu’en 1984, puis directeur des Services de l’urbanisme de la capitale catalane.

51 Selon le décret royal 535/1988 du 27 mai, le CARS change de statut pour devenir musée

d’État (BOE 02-06-1988) à partir des collections du MEAC et des œuvres du XXe siècle du Musée natio-

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du MEAC est désormais centralisée près des autres grands musées. La conversion de l’hôpital en CARS était déjà implantée dans un contexte de revitalisation du quar- tier, notamment grâce à l’« Opération Atocha » de rénovation et reconstruction de l’ancienne gare et de la zone environnante, ce qui mena aussi au démantèlement du

Scalextric entre 1985 et 1992 (Gámez et Blanco, 1997, p. 49). Désormais, le MNCARS renforce sa valeur de position en s’intégrant aussi dans l’axe culturel et historique de la Promenade du Prado.

En 1988, les architectes José Luis Íñiguez de Onzoño et Antonio Vázquez de Castro, en collaboration avec l’architecte britannique Ian Ritchie, initièrent les travaux de modernisation de l’édiice pour terminer de l’adapter à ses nouvelles fonctions de musée national, notamment en le dotant d’installations techniques comme la climati- sation, la lumière, mais aussi de voies d’accès et de circulation. Malgré que l’équipe d’architectes recherchait l’intervention minimale, ces derniers vont intervenir de façon clairement différentiée de l’existant, notamment en ajoutant des tours transparentes sur la façade, dans lesquelles des ascenseurs facilitent la circulation verticale dans l’édiice (ig. 3.6 et 3.7).

Figure 3.6 Le CARS avant les ajouts des ascenseurs et de l’estrade d’entrée. Celle-ci est si- tuée sur la façade principale, où se trouve le bus. Photo de 1986 ? (AC-MNCARS nº temporaire 6824.)

Figure 3.7 Ascenseurs et estrade de l’entrée. José Luis Íñiguez de Onzoño et Antonio Váz- quez de Castro, en collaboration avec l’architecte britannique Ian Ritchie, 1988. (Alexandra G. Paquin, 2012.)

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Cette solution rappelle les escaliers mécaniques du Centre Pompidou à Paris, dans l’idée de légèreté et de transparence, de même que l’aspect ludique de s’élever pour avoir une vue panoramique sur la ville, d’où le surnom « Soidou » ou « Soi- bourg » en référence à Beaubourg. Cependant, ces ascenseurs n’ont pas toujours été bien acceptés, notamment par celle qui mit en marche le projet de transformation du musée au milieu des années quatre-vingt, l’ancienne consultante du ministre de la Culture, Carmen Gimenéz (El País, 16 octobre 2010), ainsi que par les tenants du conservatisme patrimonial.

Cette intervention répond à deux critères : d’abord fonctionnel, puisque les tours dotent l’édiice de circulation verticale ; puis esthétique et symbolique,

résultant de la nécessité de doter l’édiice d’un nouveau sens au moyen d’une intervention conforme à ses nouvelles fonctions. L’édiice ajoute à sa condition monumentale et historique, mais aussi triste et sévère, une image externe qui exprime le degré de vitalité et d’actualité que suppose son nouvel usageiii.

(Layuno Rosas, 2004, p. 357)

L’enveloppe externe, grâce à cet élément contemporain, révèle la fonction du lieu, joue comme signal en se greffant à l’existant, ce qui correspond à la fonction de ponctuation telle que développée au chapitre précédent. Cependant, le Reina Sofía ne complète qu’une première phase de sa transformation avec cette ponctuation : « Le musée n’a pas encore généré dans l’ensemble de son contexte urbain une enclave so- cialement signiicative, même si l’image que lui a fournie ses ascenseurs, extérieurs et de verre, participe à la consolidation de la reconnaissance de l’édiice dans son usage actueliv » (Gámez et Blanco, 1997, p. 41). De fait, celle-ci deviendra rapidement secon-

daire comme suite à l’annexe de Jean Nouvel. Layuna Rosas (2004) soutient toutefois que cette intervention anticipe en quelque sorte certaines clés du projet de Nouvel, que nous verrons dans le Temps 2 de l’actualisation.