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Phase 1 : le projet de « réanimation »

TEMPS 1 : CONTEXTE DE PRODUCTION

2.2 De Casaramona à CaixaForum (l’amorce)

2.2.2 Phase 1 : le projet de « réanimation »

La restauration de la Casaramona dans le but de la reconvertir en centre culturel correspond à l’idée générale de « recyclage » et, plus précisément, à celle de « réa- nimation », détaillées par André Corboz (2009). En effet, le procédé général de re- cyclage, englobant selon lui les différentes notions de « récupération, modernisation

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transformation, conversion, “réhabilitation” » (p. 257), obéirait d’abord à des besoins essentiellement économiques et ne correspondrait à aucune théorie ou méthodologie particulière. Ce que Corboz appelle la réanimation, par contre, correspond davantage à l’anglicisme « réhabilitation », mot utilisé en espagnol (rehabilitación) pour décrire le projet à la Casaramona. Il s’agit de dépasser la restauration, qui s’attache au contenant, donc aux propriétés matérielles et physiques du lieu, pour se concentrer sur le contenu, c’est-à-dire son utilisation, ses valeurs et son histoire, car « la réanimation a pour in d’adapter un édiice ou un aménagement aux exigences actuelles, soit en permettant aux anciennes fonctions de se poursuivre, soit par changement d’affectation » (p. 262).

Ce projet de restauration fut conié à Francisco Javier Asarta Ferraz, qui fut chargé de récupérer l’image initiale de l’édiice tel qu’il avait été conçu. Grâce aux plans retrouvés chez la famille de l’architecte, Asarta Ferraz proposa de démolir les ajouts et de rétablir l’état original de la fabrique, en raison des dégradations provoquées par des années d’utilisation hors de sa fonction originale, notamment par la police mon- tée. Roberto Luna Fernández dirigea, quant à lui, l’adaptation de l’édiice à son nouvel usage comme centre culturel, alors que le renforcement des structures, les calculs et la construction d’un nouveau sous-sol furent coniés à Robert Brufau i Niubó.

Le projet de reconversion prenait comme point de départ la mise en valeur des aspects formels et conceptuels de l’édiice pour y intégrer de façon naturelle les nou- velles parties ain de former un ensemble cohérent (Proyecto de reforma de la Antigua

fabriqua Casaramona Barcelona, 1997). Dans le mémoire du projet de reconversion, le programme est déjà exposé : réunir les différentes activités de La Caixa, auparavant dispersées dans la ville, ce qui causait des problèmes sur le plan du fonctionnement. Le nouvel endroit offrirait sous un même toit un usage diversiié et comprendrait un espace eficace et fonctionnel pour exposer de façon permanente une grande partie de la collection d’art contemporain de La Caixa ainsi que pour présenter des expositions temporaires, des concerts, des conférences et colloques ainsi que diverses manifesta- tions culturelles.

Même si les différents pavillons étaient parfaitement adaptables en salles d’exposition, ain de remplir les besoins du programme, un agrandissement du lieu s’avérait nécessaire. Toutefois, ain de ne pas altérer la coniguration externe, il fut prévu au sous-sol. Cette organisation de l’espace permettait à l’origine, en plus d’y loger les

réserves, les ateliers de restauration et de photographie, des cuisines de la cafétéria et des salles techniques, d’y installer aussi l’auditorium et les salles de réunion, ainsi que les structures d’accueil. De l’extérieur, on aurait gardé l’accès original par la rue Mèxic. Un corridor aurait mené à un noyau de circulation verticale relié au vestibule situé au sous-sol, autour duquel s’organiseraient les structures d’accueil du public comme les vestiaires, la boutique, les salles de bain, le bureau d’information. La majeure partie du rez-de-chaussée aurait été réservée aux expositions et aux ateliers éducatifs (avec accès direct à la rue Mèxic), ainsi qu’à la cafétéria et au restaurant (avec entrée indépendante par la rue Morabos). Le premier étage aurait hébergé la bibliothèque et la médiathèque ainsi que les bureaux de direction et de gestion du centre, planiication qui fut par la suite modiiée (Proyecto de reforma de la Antigua fabriqua Casaramona Barcelona, 1997).

En réponse aux modiications demandées par l’architecte Joaquim Font i Ribas qui évalua le dossier, deux types d’interventions furent prévus : directement sur l’édi- ice et aux alentours de celui-ci. L’environnement immédiat de l’édiice fut effective- ment touché par le nouvel accès, qui venait changer l’orientation de l’édiice et son approche. En 1998, le projet de l’accès par la rue Mèxic fut remplacé par celui privilé- giant un accès direct au sous-sol à travers une cour anglaise devant une façade latérale de la rue Marqués de Comillas, celle-ci étant augmentée d’une possible construction de vitre perméable à la lumière et séparée de l’édiice original (Luna Fernández, 1998) (ig. 2.8). Quatre grands critères fonctionnels ont guidé le projet de réanimation et du nouvel accès au Centre. Premièrement, l’uniformisation du vestibule et des espaces intérieurs avec l’espace extérieur. Ensuite, la minimisation de l’impact de l’excavation par des plateformes situées à différents niveaux et permettant d’accéder à l’entrée. Puis, la réduction maximale des nouveaux éléments pouvant être visibles du niveau de la rue ain de donner le plus d’importance possible à la façade de l’ancienne usine. Et, inalement, la non-intervention sur la façade pour respecter le plus possible la morpho- logie de l’édiice (Premis Bonaplata 2000, 2001, p. 10).

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Figure 2.8 Projet de l’accès au CaixaForum présenté aux médias avant l’intervention d’Iso- zaki (Tiré d’El Periodico, 12 décembre 1998, p. 33.)

Cet accès à la façade latérale fut utilisé lors de l’exposition Barça Barça…, avec un aménagement temporaire pour les huit mois de la durée de l’événement, pro- itant d’une ouverture que la police montée avait fait faire dans ladite façade du temps où elle occupait les lieux. Une sorte d’esplanade presque plate fut créée, ajustant la topographie ain de laisser toute l’importance à la façade moderniste, qui devenait ainsi la façade principale du lieu (ig. 2.9). Le 20 novembre 1999, l’inauguration de l’expo- sition permit une première ouverture temporaire de l’édiice restauré, mais non achevé. Les travaux reprirent après la in de l’exposition, en juin 2000, jusqu’à la nouvelle inauguration à la suite de la deuxième phase du projet, en février 2002.

Figure 2.9 Accès temporaire au centre culturel, vers 1999. (Tiré de <http://sob.com.es/ proyectos/u104/u104u.php>, consulté le 6 juin 2012.)

En février 2002, donc, le nouveau Centre social et culturel de l’œuvre sociale La Caixa ouvrit ses portes sous le nom de CaixaForum et ferma celles de son ancien siège au palais Macaya, du même architecte Puig i Cadafalch. Le nouveau centre com- porte maintenant une nouvelle entrée construite dans un langage contemporain, celui d’Arata Isozaki. Mais, avant d’approfondir l’intervention d’Isozaki, un petit détour par la présentation de La Caixa s’impose ain de saisir les implications sociopolitiques et culturelles de cette transformation architecturale.

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